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Parmi de noirs rochers, sous des voûtes d'ombrage,
Dans toute sa terreur s'offre l'affreux passage,
Et du torrent fougueux, qui redouble l'effroi,
Les flots rejaillissants arrivent jusqu'à moi.

Enfin rit à la vue une scène plus douce;
Des prés, du mont stérile ont remplacé la mousse ;
Au noir sapin succéde un vert délicieux,
Et l'héroïque Altorf se découvre à nos yeux.

Je crois les voir encor, ces scènes délectables;
Je crois voir les troupeaux regagner leurs étables;
Et du pipeau rustique et des douces chansons
A mon oreille encor retentissent les sons.

Lucerne, de ton lac que j'aimois les rivages!
Tantôt entre des bois et des rochers sauvages
Il resserre ses eaux; tantôt en liberté
Mon regard le découvre en son immensité.

Salut! noble chapelle; et toi, lieu mémorable,
Où d'une main terrible, ensemble et secourable,
Tell fit voler deux traits, et d'un bras triomphant
Terrassa l'oppresseur, et sauva son enfant.

Voyez sur l'autre bord, sous un épais ombrage,
Cet autre monument: là, contre l'esclavage

Where three Swiss heroes, lawless force withstood, And stamp'd the freedom of their native land.

Their liberty requir'd no rites uncouth,

No blood demanded, and no slaves enchain'd; Her rule was gentle, and her voice was truth, By social order form'd, by laws restrain'd.

We quit the lake-and cultivation's toil,

With nature's charms combin'd, adorns the way, And well earn'd wealth improves the ready soil, And simple manners still maintain their sway.

Farewell, Helvetia! from whose lofty breast

Proud Alps arise, and copious rivers flow; Where, source of streams, eternal glaciers rest, And peaceful science gilds the plains below.

Oft on thy rocks the wondering eye shall gaze,
Thy vallies oft the raptur'd bosom seek :
There, nature's hand her boldest work displays,
Here, bliss domestic beams on every cheek.

Hope of my life! dear children of my heart!
That anxious hear, to each fond feeling true,

To you still pants each pleasure to impart,

And more, oh transport! reach its home and you.

S'armèrent trois héros, et leur sang indompté
D'un peuple généreux scella la liberté.

Non celle qui se perd en des paroles vaines,

Veut du sang pour offrande, et marche au bruit des chaînes; Sur le bonheur public elle fonde ses droits,

Prend la raison pour guide, et pour garde les lois.

Nous partons: nous voyons ces lieux où la culture
Par-tout nous montre l'art secondant la nature,
D'un profit légitime un emploi fructueux,
Et la simplicité d'un peuple vertueux.

Adieu, mâle Helvétie, où des Alpes altières
Les éternels frimas nourrissent tes rivières;
Où l'étranger surpris voit des fleurs, des glaçons,
Sur tes monts la nature, et l'art dans tes vallons!

Souvent le voyageur, de tes roches hautaines,
Verra d'un œil charmé la beauté de tes plaines,
Tes prés fleuris, tes monts, leur sublime hauteur,
Et dans tous les regards la douce paix du cœur.

Et vous, objets chéris de l'ame la plus tendre,
Mes enfants, vous serez empressés de m'entendre!
Mes plaisirs partagés en deviendront plus doux;
Ah! je vais donc revoir et ma patrie et vous.

VERS

Adressés à madame Lebrun, dans un moment où l'auteur sentoit sa vue affoiblie.

1784.

Quand de Milton, au bout de sa carrière, Les yeux furent privés de la douce lumière, Il s'écrioit : « O regrets superflus! C'en est donc fait? je ne les verrai plus, Ce beau soleil, ces fleurs, cette verdure ! moi la nature est voilée à jamais! » Moi, je dis: « De Lebrun je ne vois plus les traits, Ces traits que pour modéle eût choisis la peinture! De sa touche élégante et pure

Et pour

Je ne puis plus admirer les secrets: Adorable Lebrun! ce sont là mes regrets,

Et c'est encor regretter la nature. »

ÉPITRE

A DEUX ENFANTS VOYAGEURS*.

1801.

Enfin vous l'allez voir ce continent si vaste.
Vous partez dans vos jeunes ans,
Quand vos esprits, vos organes naissants,
Peuvent saisir chaque contraste.

Mais souffrez qu'un vieillard, sans rudesse et sans faste,
Par votre aimable accueil dès long-temps prévenu,

Et profitant pour vous de tout ce qu'il a vu,

De loin vous montre sur la route

Les dangers qu'il faut qu'on redoute,

L'ennui, l'orgueil, et la légèreté.

Dans chaque empire et dans chaque cité,
De voyageurs une foule pullule;

* Les deux fils de M. Antrobus. Pendant son séjour en Angleterre, Delille avoit souvent admiré leur zèle, leurs succès, et sur-tout leur caractère de candeur et de docilité. Au moment de partir pour un long voyage, ces deux jeunes Anglais vinrent demander à notre poëte des conseils et des instructions. Il répondit à leurs vœux par cette épître.

T. I. POLS. Fue,

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