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L'héritier des Molé doit au monde un héros.

Déja je vois Thémis qui, pleurant d'alégresse,
Dans ses bras te caresse,

Te sourit tendrement, et te parle en ces mots:

и

Rejeton précieux d'une tige adorée,

Le ciel enfin t'accorde à Thémis éplorée;

Ma bouche te promet le destin le plus beau: Souviens-toi seulement qu'au jour de ta naissance J'ai reçu ton enfance;

Que mon temple sacré t'a servi de berceau.

« Ah! sans doute le Dieu qui préside à la

guerre, Jaloux de mon bonheur et du bien de la terre,

Osera t'inviter à marcher sur ses pas:

Sans doute il t'offrira l'éclat de la victoire,

Les palmes de la gloire;

Mais qu'il n'espère point t'arracher de mes bras.

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Que ses barbares mains, en ravages fécondes, Des fleuves de l'Europe ensanglantant les ondes, Changent ces beaux climats en de vastes déserts; Sous son sceptre d'airain que les arts se flétrissent, Que les peuples gémissent;

Avec moi, cher enfant, rends heureux l'univers.

« Déja le crime tremble, et le foible pupille Contre l'usurpateur te demande un asile;

Entends ces cris de joie élancés vers les cieux;
Et, de l'astre du jour si ta foible paupière
Peut souffrir la lumière,

Contemple ces palais où régnoient tes aïeux.

« C'est là qu'ils protégeoient la timide innocence:
Là l'auteur de tes jours enchaîne la licence;
Tu baiseras ces mains qui domptent l'oppresseur;
Dans ses embrassements tu puiseras la flamme
Qui brûle dans son ame;

Et son cœur tout entier passera dans ton cœur.

« Et toi, pour cet enfant épurant ta lumière,
Soleil, va préparer son illustre carrière;
Ouvre pour lui du Temps le palais immortel;
Choisis tes jours d'azur dans ces riches demeures;
Que la troupe des Heures

Se rassemble en riant sur ton char éternel.

"

Que l'innocent plaisir sur leur front se déploie;

Que leurs yeux, embellis des rayons de la joie,

Écartent pour jamais le chagrin ténébreux;

Viens, descends, ô bonheur, sur leurs brillantes ailes:

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ODE

A LA BIENFAISANCE.

Déesse, idole du vulgaire,
Toi qui, reine de l'univers,
Toujours redoutable et légère,
Donnes des sceptres ou des fers;
Le peuple, ébloui des richesses,
Envie à ceux que tu caresses
Des biens trop souvent dangereux.
A tous ces grands, le cœur du sage
Envie un plus noble avantage.
Ils peuvent faire des heureux.
Bienfaisance, ô vertu sacrée !
Noble attribut des immortels,

Pour toi l'homme, aux beaux jours d'Astrée,
Éleva les premiers autels.

Dans ce soleil, dont l'influence
De nos fruits mûrit la semence,
C'est toi que l'homme révéroit:
Dans tous ces globes de lumière
Qui suivent pour nous leur carrière,
C'est toi seule qu'il adoroit.

De ce Dieu, dont la main puissante Soutient notre fragilité,

La voix ineffable et touchante

M'annonce la divinité.

S'il ne se montroit à la terre

Qu'au bruit affreux de son tonnerre,
Armé de ses fléches de feu;

A ces traits je pourrois connoître
L'arbitre du monde et mon maître :
Je chercherois encore un Dieu.
La nature, prudente et sage,
Unit tous les hommes entre eux;
Ta main, confirmant son ouvrage,
Resserre ces utiles noeuds:

C'est toi dont le charme nous lie
A nos maîtres, à la patrie,

Aux auteurs même de nos jours;
C'est toi dont la vertu féconde
Réunit l'un et l'autre monde
Par un commerce de secours.

Des fortunes, à ta présence,
Disparoît l'inégalité;
Par toi, les biens de l'opulence
Sont les biens de la pauvreté ;
Sans toi, la puissance suprême,
Et la pourpre, et le diadème,
Brillent d'un éclat odieux;

Sans toi, sur ce globe où nous sommes,

Les rois sont les tyrans des hommes: Ils sont par toi rivaux des dieux.

A ce monarque, ton image, Qui nous dicte tes sages lois, Sur nos respects et notre hommage Tu donnes d'invincibles droits; C'est toi, divine Bienfaisance, Qui règles la juste puissance Que le ciel remit dans ses mains : Il sait qu'un pouvoir légitime Est le privilége sublime D'être bienfaiteur des humains.

Que pour des ames généreuses, Un droit si noble est précieux! O vous! familles malheureuses, Que la honte cache à nos yeux; Mortels, mes semblables, mes frères, Dans quels asiles solitaires

Allez-vous cacher vos douleurs?

Heureux qui finit vos alarmes!

La gloire d'essuyer vos larmes
Vaut tous les lauriers des vainqueurs.

Ah! malgré vous, mon cœur avide
Va trouver votre affreux réduit :
J'y vole; la pitié me guide,
Son flambeau sacré me conduit;
Je perce ces tristes ténèbres,
Je découvre ces lieux funèbres...

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