doit être balancé de manière à ne pas permettre qu'un délinquant riche échappe à la loi moyennant le payement d'une peine pécuniaire, ni que ce privilége soit en dehors de la portée du pauvre. Afin d'en faire une garantie certaine de la comparution de la partie, il doit être déterminé par les considérations suivantes: 1o la nature de la punition à infliger en cas de condamnation; 2o la situation pécuniaire de la personne accusée. Si l'offense est punissable par les travaux de force, l'emprisonnement ou la privation des droits civils, le désir d'échapper à la punition, étant plus grand, doit être contre-balancé par une plus forte garantie. La fortune de l'accusé doit aussi être prise en considération. Le pauvre peut être surchargé par l'imposition d'un cautionnement qui serait de nulle garantie pour la comparution du riche. Il est donc de l'essence du cautionnement d'être variable; c'est sa mobilité qui fait son égalité et sa puissance. » * 1998. Cela posé, prenons les dispositions de la loi sur ce point. Trois innovations importantes ont été introduites dans notre Code : la suppression du minimum du cautionnement, la caution personnelle d'un tiers, l'affectation du cautionnement à la représentation de l'inculpé, à l'amende et aux frais. La suppression du minimum du cautionnement, qui a conduit à sa suppression facultative, est la plus considérable de ces mesures. L'ancien article 119 du Code avait fixé le maximum de ce cautionnement au double de l'amende ou au triple du dommage et son minimum à 500 francs. Cette disposition présentait un double inconvénient : le minimum était trop élevé et le maximum trop bas. En fixant le minimum à 500 francs, le législateur déshéritait de la liberté provisoire toute la population pauvre, celle qui avait le plus besoin peut-être de la liberté, parce que le travail lui est plus nécessaire. En limitant le maximum au double de l'amende et au triple du dommage, il n'atteignait pas la classe riche et fixait au cautionnement une seule base, erronée quand elle est prise isolément, la gravité du fait incriminé. C'était confondre le cautionnement avec la peine. L'un et l'autre ont un principe distinct, une source différente. Le cautionnement n'est qu'une garantie de la représentation du prévenu à la justice et ne peut avoir qu'un seul but, c'est d'assurer cette représentation. Il substitue la sûreté pécuniaire à la sûreté personnelle; mais l'une et l'autre ont le même objet, la présence du prévenu au débat. Le cautionnement doit donc se préoccuper principalement de la situation personnelle de ce prévenu, de sa fortune, de ses ressources, de la force du lien qu'il établit. Telles sont les considérations qui ont dicté le décret du 23 mars 1848. Ce décret est ainsi conçu : « Le gouvernement provisoire, sur le rapport du ministre de la justice: vu l'article 119 du Code d'instruction criminelle, portant que les cautionnements que doivent fournir les prévenus de délits, lorsqu'ils obtiennent la liberté provisoire, ne peuvent être au-dessous de 500 francs; considérant que cette disposition consacre une flagrante inégalité parmi les prévenus; qu'elle a pour résultat d'exclure de la liberté provisoire tous ceux qui ne peuvent déposer une somme de 500 francs; que les garanties de la représentation devant la justice d'un prévenu peuvent se puiser non-seulement dans sa fortune, mais dans sa position personnelle, dans son domicile, dans sa profession, dans ses antécédents, enfin dans la nature même du fait qui lui est imputé : décrète : le premier paragraphe de l'article 119 est abrogé. » Ce décret, l'un des bienfaits du gouvernement provisoire, n'a point détruit le cautionnement; il s'est borné à en effacer le minimum. Son but a été de le rendre accessible aux classes pauvres, en donnant la facilité d'en proportionner le taux aux plus minimes fortunes, aux situations les moins aisées. Il a permis au juge de l'abaisser indéfiniment, de le réduire aux proportions les plus minimes, lorsqu'il trouve dans la personne ou la position du prévenu des garanties suffisantes de sa représentation en justice. Cette suppression a été maintenue par la loi du 14 juillet 1865, et cette loi a fait plus encore: elle a effacé le maximum déterminé par le 2a § de l'art. 119. On lit dans l'exposé des motifs : « Il est de l'essence du cautionnement que cette limite ne soit pas fixe, qu'elle s'élève ou s'abaisse avec la position de l'inculpé, la nature de l'infraction et la gravité de la peine. Le chiffre du cautionnement, comme le cautionnement même et comme la mise en liberté, doit être laissé à l'arbitrage du juge. » 1999. En ce qui concerne le mode du cautionnement, la loi a moins innové qu'elle n'a simplifié ce qui existait déjà. Elle reconnaît, comme faisait le Code, deux modes distincts: le cau tionnement en espèces qui peut être fourni soit par l'inculpé, soit par un tiers; le cautionnement d'une tierce personne qui prend l'engagement de faire représenter l'inculpé à toute réquisition, ou, à défaut, de verser la somme déterminée. Cet engagement se trouve dégagé de la garantie immobilière qui l'accompagnait dans l'ancien article 117 et qui, à raison de l'inscription hypothécaire qui en était la conséquence, avait été une perpétuelle entrave. Il ne consiste plus que dans une simple garantie personnelle de la représentation de l'inculpé. Le juge apprécie la solvabilité de la tierce personne qui prend cet engagement: toute personne peut être admise, aux termes de l'article 120, pourvu qu'elle soit solvable. « En s'abstenant, dit l'exposé des motifs, de reproduire les dispositions du Code relatives au cautionnement immobilier, le projet de loi n'entend pas exclure cette preuve de solvabilité; il la laisse dans le droit commun. Ce sera un moyen entre plusieurs, au lieu d'être comme aujourd'hui le moyen légal et unique. Aucun incident plus que celui-ci ne demande par son objet d'être mené simplement et vite; on en faisait une procédure semée de contestations (art. 2018, 2019, 2040 Code civil). Comment s'étonner que la liberté sous caution ne soit pas entrée dans nos mœurs? » Le juge détermine ensuite le montant du cautionnement « suivant la nature de l'affaire », dit l'article 120; il faut ajouter: suivant les ressources et la moralité de l'inculpé. La somme déterminée peut être fournie en espèces même par un tiers; mais dans le cas où ce tiers propose seulement sa caution personnelle, ce n'est qu'au cas où l'inculpé fait défaut qu'elle doit être versée au Trésor. 2000. Enfin une dernière modification a eu pour objet de définir le but du cautionnement et l'emploi auquel il est affecté. Le 2a § de l'article 114 est ainsi conçu : « Le cautionnement garantit 1o la représentation de l'inculpé à tous les actes de la procédure et pour l'exécution du jugement; 2o le payement dans l'ordre suivant: 1o des frais faits par la partie publique; 2o de ceux avancés par la partie civile; 3o des amendes. >>> L'objet du cautionnement est de garantir la présence de l'inculpé à tous les actes de la procédure et pour l'exécution du jugement. Le cautionnement, nous l'avons établi, remplace la détention; il est destiné à suppléer à la sûreté de cette mesure par le gage qu'il apporte, sa mission doit se borner à assurer sa représentation en justice. Telle était la seule obligation que la caution souscrivait avant la loi : « La caution, portait l'ancien article 120, fera sa soumission de payer le montant du cautionnement en cas que le prévenu soit constitué en défaut de se représenter. Et l'article 122 modifié par la loi du 14 juillet 1865 dit également : « Les obligations résultant du cautionnement cessent si l'inculpé se présente à tous les actes de la procédure et pour l'exécution du jugement. » Ainsi ce n'est que le défaut de cette représentation qui engage la responsabilité de la caution, et pourvu que le prévenu se soit représenté à toutes les réquisitions de la justice, elle est entièrement dégagée. Mais si le prévenu fait défaut, la responsabilité de la caution s'engage et le cautionnement s'affecte aussitôt. Dans le système du Code on distinguait le défaut de représentation du prévenu aux actes de la procédure, et son défaut de représentation à l'exécution du jugement. Dans la première hypothèse, le cautionnement était affecté au payement des réparations civiles, des amendes et des frais; mais, ces sommes acquittées, le surplus était restitué. Dans la seconde, la restitution n'avait pas lieu tant que la peine n'était pas exécutée. Cette interprétation de l'article 121 avait été consacrée dans un arrêt de la Cour de cassation du 19 octobre 18211, rendu dans une espèce où le prévenu, après avoir fait défaut à l'audience, avait formé opposition et s'était représenté ultérieurement. La loi nouvelle ne l'a pas adoptée, et elle a pris une sorte de terme moyen qu'elle a trouvé dans les articles 13, 23 et 24 de la loi belge du 18 février 1852. Elle a divisé le cautionnement en deux parts: l'une, comme le porte l'article 114, qui garantit la représentation de l'inculpė; l'autre qui garantit le payement des frais et des amendes. Cette dernière garantie ne s'étend plus aux réparations civiles : le législateur a pensé avec raison que si la détention préventive se justifie, c'est seulement quand elle sert un intérêt public, et qu'appliquée à un intérêt privé, elle est odieuse. L'article 114 ajoute : « L'ordonnance de mise en liberté détermine la somme affectée à chacune des deux parties du cautionnement. » La première partie est, sauf le cas d'acquittement, acquise à l'État, suivant les termes de l'article 122, « du moment que l'inculpé, sans motif légitime d'excuse, est constitué en défaut de se représenter à quelque acte de la procédure ou pour l'exécution du jugement. » La deuxième est, en cas de condamnation, affectée aux frais et à l'amende, et restituée en cas d'acquittement ou d'absolution. 1 Journ. du Pal., tom. XVI, p. 920. § III. Juridiction compétente pour statuer sur la liberté provisoire. 2001. La loi du 14 juillet 1865 s'est bornée, en ce qui concerne la désignation de la juridiction compétente pour prononcer sur la liberté provisoire, à recueillir la règle établie par la jurisprudence. Cette règle est que la mise en liberté peut être demandée et ordonnée devant tout tribunal saisi de la cause et pendant tout le temps qu'il en est saisi. Il n'appartient donc qu'au juge d'instruction d'y statuer, tant qu'il demeure saisi de l'instruction, tant qu'il n'a pas rendu l'ordonnance de mise en prévention. Ce premier point est formellement établi par l'article 114 rectifié par la loi du 17 juillet 1856 et par les articles 113 et 116 rectifiés par la loi du 14 juillet 1865. Lorsque le juge s'est dessaisi par son ordonnance, son pouvoir est transféré à la juridiction qu'il a saisie. L'article 116 porte: « La mise en liberté provisoire pourra être demandée en tout état de cause: à la chambre des mises en accusation depuis l'ordonnance du juge d'instruction jusqu'à l'arrêt de renvoi devant la cour d'assises; au tribunal correctionnel si l'affaire y a été renvoyée; à la cour impériale (chambre des appels correctionnels) si l'appel a été interjeté du jugement sur ce fond. » Il suit de ces derniers mots que, dans le cas de renvoi devant la police correctionnelle, c'est au juge saisi du fond de l'affaire qu'appartient la compétence. Ainsi, lors même que des appels incidents auraient été portés devant la cour, c'est au tribunal à statuer, tant qu'il n'a pas été dessaisi. S'il s'est déclaré incompétent sur le fond, il s'est par là même dessaisi et ne peut plus ordonner la mise en liberté 1. Ces désignations avaient déjà été faites par la jurisprudence et 1 Cass. 13 janv 1837 (Bull., no 19). |