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articles suivants. - Art. 2. Lorsque le délit aura pour objet des Jarcins, filouteries, ou simples vols, le directeur du jury admettra le prévenu sous caution de se représenter. Cette caution devra être d'une somme triple de la valeur des effets volés; elle sera fixée sur cette base par le directeur du jury, et jamais elle ne pourra être au-dessous de la somme de 3,000 francs, valeur fixe. - Art. 3. En toute autre matière qui n'emporterait pas une peine afflictive, mais seulement une peine infamante, le directeur du jury admettra également le prévenu sous caution de se représenter. La caution, dans ce cas, ne pourra être moindre de 2,000 francs ni excéder 6,000 francs, valeur fixe. Art. 4. Lorsque le délit n'emportera pas peine infamante, mais seulement des peines correctionnelles, le directeur du jury admettra également le prévenu sous caution de se représenter. La caution, dans ce cas, ne pourra être moindre de 1,000 francs, ni excéder le triple de l'amende à laquelle le délit pourra donner lieu. Art. 5. En aucun cas le directeur du jury ne pourra mettre provisoirement en liberté, sous caution, les gens sans aveu et les vagabonds. »

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Tel fut le dernier état de la législation avant le Code d'instruction criminelle. La mise en liberté sous caution était un droit absolu: 1o pour les inculpés de délits, sauf les gens sans aveu et les vagabonds; 2o pour les inculpés de crimes passibles d'une peine infamante seulement.

1989. Les rédacteurs du Code hésitèrent longtemps lorsqu'ils furent appelés à poser les limites de la mise en liberté sous caution.

Un premier projet portait : « Lorsque le délit n'emportera pas une peine afflictive, mais la détention ou la réclusion, l'infamie, la relégation ou la peine de la forfaiture, le juge d'instruction pourra, sur la demande du prévenu et la réquisition du magistrat de sûreté, mettre provisoirement le prévenu en liberté moyennant caution solvable de se représenter 1. » La discussion de cette première rédaction, soumise au conseil d'État, dans sa séance du 24 fructidor an XII, fut ajournée, et lorsqu'elle fut reprise, à la séance du 24 juin 1808, le texte du projet était à peu près le même : « Si le fait n'emporte pas une peine afflictive, mais seulement une peine infamante ou une peine correction

1 Séance du conseil d'État 24 fructidor an XII, Locré, tom. XXIV, p. 190.

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nelle, la chambre du conseil pourra, sur la demande du prévenu et sur les conclusions du procureur impérial, ordonner que le prévenu sera mis provisoirement en liberté moyennant caution solvable de se représenter, etc. » C'est sur ce texte que porta la délibération du conseil : « L'archichancelier pense que la liberté provisoire ne doit pas être accordée à celui qui est prévenu d'un crime emportant peine infamante. En effet, l'application de ces sortes de peines doit être faite le condamné présent. C'était ainsi, par exemple, qu'autrefois on appliquait le blâme. M. Treilhard dit que la section a suivi le système de l'Assemblée constituante. Les incapacités que les peines infamantes impriment ont leur effet par la seule force du jugement prononcé en public et ne dépendent d'aucune formalité extérieure. Cependant il ne s'oppose pas à ce qu'on réduise la mise en liberté provisoire aux délits correctionnels. L'archichancelier dit que les idées philanthro

piques de l'Assemblée constituante n'ont pas eu des résultats fort heureux; l'humiliation qu'éprouve le condamné lorsqu'on lui prononce son jugement fait partie de l'infamie à laquelle il est voué. Il ne faut pas que, pendant qu'on le condamne à l'audience, il se promène tranquillement dans les salles voisines. M. Regnaud dit qu'il n'y a pas d'avantage à retenir en prison jusqu'au jugement un ouvrier, un homme du peuple. On est bien certain que la crainte de perdre son cautionnement le déterminera à se représenter. Au reste, le projet laisse le juge libre d'admettre ou de refuser la demande en liberté provisoire; ainsi tous les inconvénients sont sauvés. M. Berlier dit que la question doit être envisagée sous le rapport des principes : il est un principe éternel qui n'admet pas de rigueurs inutiles, or, ne serait-ce point une rigueur inutile que de retenir en prison, lorsqu'il offre caution pour l'amende et les intérêts civils, celui que nulle peine corporelle ne peut atteindre, dans la supposition même de sa culpabilité? Voilà toute la question; et, d'après ce simple exposé, elle est facile à résoudre. Cependant, et pour écarter l'application du principe, on allègue des inquiétudes sur la non-représentation du prévenu; mais une telle crainte est frivole; car le prévenu n'ira point s'expatrier, c'est-à-dire s'imposer une peine plus forte que celle que la loi inflige à son crime. De plus, la peine simplement morale de l'infamie, prononcée même par un arrêt de contumace, l'atteindra quelque part qu'il soit; enfin, sa fuite avant le juge

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ment ne serait qu'un faux calcul, puisqu'elle le priverait gratuitement de la chance de l'absolution, et que, s'il est définitivement condamné, il lui sera loisible de quitter le pays après sa condamnation : c'est son pis-aller. L'archichancelier observe que ce système ne peut être admis que dans son ensemble, c'està-dire en décidant indéfiniment que tout homme prévenu d'un crime emportant peine infamante sera mis en liberté et ne devra de caution que pour les réparations civiles. La liberté qu'on laisserait au juge d'exiger ou de ne pas exiger un cautionnement n'aurait d'autre effet que de retenir les pauvres en prison et d'assurer la liberté aux riches. - M. Louis dit que la liberté provisoire ne devrait être accordée qu'à ceux dont le travail nourrit la famille: quiconque trouve dans ses revenus des ressources pour faire vivre les siens peut garder prison jusqu'au jugement. M. Berlier dit qu'il lui semble impossible de scinder le bénéfice de la mise en liberté provisoire sous caution, de manière qu'il ne soit accordé qu'au prévenu dont le travail serait nécessaire à la subsistance de sa famille : quelque respectable que soit cette idée, dictée par des vues d'humanité, elle n'atteindrait pas son but; car rarement le pauvre trouvera des cautions, et elle n'aurait pour résultat que de diviser les prévenus en deux classes, tandis que la loi, qui n'est juste qu'autant qu'elle est égale, repousse cette distinction dont l'application serait accompagnée de beaucoup d'arbitraire.... Du reste, ce qu'il convient de remarquer, c'est que tout allégement qui n'ôte pas à l'ordre public sa garantie est un devoir; car, s'il y a des prévenus coupables, il y en a d'innocents. - M. Beugnot dit qu'il faut voir si la mise en liberté sous caution n'affaiblit pas l'effet qu'on attend des peines infamantes. C'est l'intérêt de la société qu'on doit avant tout avoir en vue : il exige des exemples; il veut que l'aspect du coupable attaché au carcan frappe les yeux de la multitude. M. Defermon dit que ce n'est pas la vue de l'humiliation qui donnera un exemple salutaire: des spectacles semblables ne sont courus que par quelques oisifs, les gens honnêtes les fuient. L'exemple n'est véritablement que dans la condamnation même.

M. Treilhard dit que l'accusé peut être innocent. Or faut-il, pour ménager l'exemplè utile que donne l'exécution de quelques condamnés, laisser gémir pendant longtemps tous les accusés dans les prisons? - Le conseil rejette la proposition d'accorder la mise en liberté provisoire sous caution à ceux qui sont prévenus de crimes emportant des peines infamantes1. »

Tels furent les motifs, d'ailleurs, on a pu le voir, fortement contestés, qui enfermèrent la liberté provisoire dans le cercle de la police correctionnelle. M. Treilhard, qui avait combattu cette restriction, n'apporta, pour la justifier, dans l'exposé des motifs du Code, qu'une raison très-controversable en elle-même, et qui ne s'applique que très-indirectement à la liberté provisoire : « Lorsque le fait, porte cet exposé, n'emportera ni peine afflictive ni peine infamante, l'inculpé pourra obtenir sa liberté provisoire en donnant caution; mais cet avantage est entièrement refusé aux vagabonds et aux repris de justice, parce que leur personne ne présente aucune espèce de garantie. La liberté provisoire sera également refusée toutes les fois qu'il s'agira d'un fait qui emporte peine afflictive ou infamante: c'est surtout dans ces occasions que l'exemple de la peine infligée est utile à la société, et si l'on admettait ici des libertés provisoires sous caution, il serait bien à craindre que les hommes opulents ne trouvassent toujours le moyen de se soustraire à l'application des peines qu'ils paraissent cependant mériter plus que les autres, parce que, jouissant de tous les avantages de la société, ils étaient plus fortement obligés à ne pas en troubler l'harmonie. »

Le principe établi par le Code, et que les articles 113, 114 et 115 ont nettement formulé, est donc celui-ci: la mise en liberté sous caution est ouverte à tous les prévenus lorsque le fait incriminé n'emporte qu'une peine correctionnelle, quelle que soit la nature de cette peine. La loi exclut de cette mesure: 1o les vagabonds; 2o les repris de justice; 3o les prévenus de faits qualifiés

crimes.

Ces dispositions ont été modifiées par les lois des 4 avril 1855 et 14 juillet 1865 dont nous allons maintenant étudier les textes.

§ II. Législation nouvelle sur la liberté provisoire.

1990. Il résulte des documents qui viennent d'être exposés que, dans l'ancienne législation, la mise en liberté provisoire des inculpés était intimement liée aux formes de la procédure criminelle, puisqu'on la trouve plus ou moins développée à toutes les 1 Locré, tom. XXV, p. 184 et suiv.

phases de cette procédure et qu'elle semble son indispensable complément. Il en résulte encore que les conditions et les limites de cette liberté, que notre Code avait à peine entrevues et qu'il avait effacées, étaient depuis longtemps reconnues et mises en pratique. La loi du 14 juillet 1865 a repris quelques-unes de ces règles.

C'est en s'appuyant sur le caractère de la détention préalable que nous avons précédemment établi (n° 1928), c'est en partant de ce principe que cette détention, qui n'est légitime que parce qu'elle est nécessaire à l'instruction ou à la sûreté publique, doit cesser aussitôt que celte nécessité peut être conservée, que la loi nouvelle a introduit dans notre Code de graves modifications au régime de la liberté provisoire. Ces modifications ont eu pour objet : 1o d'étendre à tous les inculpés soit de délits, soit même de crimes, la faculté de l'élargissement provisoire; 2° d'établir l'élargissement avec la seule condition d'un engagement de se représenter à tous les actes de la procédure; 3o de fonder, en faveur des inculpés de délits passibles d'un emprisonnement de moins de deux ans, le droit formel d'obtenir leur mise en liberté cinq jours après l'interrogatoire; 4o de placer à côté du cautionnement, qui n'est plus qu'une condition secondaire et subsidiaire de la liberté provisoire, la caution personnelle d'un tiers. Il faut examiner ces différentes innovations.

1991. Il est d'abord une disposition générale, qui domine toute la loi. Elle n'a point établi un droit, mais une simple faculté d'élargissement qu'elle a déposée entre les mains du juge d'instruction: sauf l'exception introduite en faveur des petits délits dont la peine ne s'élève pas jusqu'à deux ans, il n'y a point de droit pour les inculpés. Le juge est armé d'un pouvoir discrétionnaire; il dispose souverainement de la liberté. Il peut, suivant qu'il le juge à propos, décerner le mandat de comparution ou le mandat d'amener; il peut laisser l'inculpė libre après son interrogatoire, ou le mettre sous mandat de dépôt; il peut donner mainlevée de ce mandat ou lé maintenir; il peut admettre ou rejeter la requête à fin d'élargissement; il peut enfin soumettre cet élargissement à la condition d'une caution ou l'accorder avec la simple promesse de se représenter. La loi tout entière n'est qu'une série de facultés que le juge exerce à son gré. C'est parce qu'elle n'édifiait que ce pouvoir facul

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