En effet, le juge d'instruction décerne habituellement ce mandat contre le prévenu qu'il vient d'interroger et qu'il croit devoir placer en état de détention provisoire. Les formes de l'exécution sont dans ce cas tracées par les articles 97 et 107 du Code d'instruction criminelle. L'article 97 veut que le mandat de dépôt soit notifié au prévenu, que l'exhibition lui en soit faite et qu'il lui en soit délivré copie. L'article 107 ajoute que, « sur l'exhibition du mandat de dépôt, le prévenu sera reçu et gardé dans la maison d'arrêt établie près le tribunal correctionnel, et le gardien remettra à l'huissier, ou à l'agent de la force publique chargé de l'exécution du mandat, une reconnaissance de la remise du prévenu » . Lorsque le mandat de dépôt est décerné contre un prévenu non présent, son exécution est soumise en général, et sauf, d'ailleurs, les formes prescrites par l'article 109, aux mêmes règles que le mandat d'arrêt. 1982. L'exécution du mandat d'arrêt a, plus que celle des autres mandats, éveillé la sollicitude de la loi. L'huissier ou l'agent de la force publique qui, aux termes de l'article 97, est chargé de cette exécution, doit se faire assister d'une force suffisante pour l'accomplir. L'article 108 porte : « L'officier chargé de l'exécution d'un mandat de dépôt ou d'arrêt se fera accompagner d'une force suffisante pour que le prévenu ne puisse se soustraire à la loi. Cette force sera prise dans le lieu le plus à portée de celui où le mandat d'arrêt ou de dépôt devra s'exécuter; et elle est tenue de marcher sur la réquisition directement faite au commandant et contenue dans le mandat.>>> Le porteur du mandat doit en faire la notification au prévenu. L'article 97 porte : « Le mandat d'arrêt sera exhibé au prévenu, lors même qu'il serait déjà détenu, et il lui en sera délivré copie.» L'exécution consiste dans la conduite du prévenu à la maison d'arrêt. L'article 110 est ainsi conçu : « Le prévenu saisi en vertu d'un mandat d'arrêt ou de dépôt sera conduit sans délai dans la maison d'arrêt indiquée par le mandat. » Et l'article 111 ajoute : « L'officier chargé de l'exécution du mandat d'arrêt ou de dépôt remettra le prévenu au gardien de la maison d'arrêt, qui lui en donnera décharge: le tout dans la forme prescrite par l'article 107. Il portera ensuite au greffe du tribunal correctionnel les pièces relatives à l'arrestation, et il en prendra une reconnaissance. Il exhibera ces décharge et reconnaissance au juge d'instruction : celui-ci mettra sur l'une et sur l'autre son vu, qu'il datera et signera. » Les articles 607, 608 et 609 disposent que les gardiens des maisons d'arrêt sont tenus d'avoir un registre; que l'exécuteur du mandat d'arrêt ou du mandat de dépôt est tenu, avant de remettre le prévenu au gardien, de faire inscrire sur ce registre l'acte dont il est porteur, et qu'à défaut de cette transcription, la détention est considérée comme illégale. Si le prévenu est trouvé hors de l'arrondissement où se fait l'instruction, le mandat doit être visé par un officier auxiliaire avant son exécution. L'article 98 porte ce qui suit : « Si le prévenu est trouvé hors de l'arrondissement de l'officier qui aura délivré le mandat de dépôt ou d'arrêt, il sera conduit devant le juge de paix ou son suppléant, et, à leur défaut, devant le maire ou l'adjoint du maire ou le commissaire de police du lieu, lequel visera le mandat, sans pouvoir en empêcher l'exécution. » Quel est le but de cette formalité? quel est le sens de la restriction qui limite le pouvoir de l'officier à un simple visa? La loi n'a pas voulu qu'un citoyen fût arrêté en vertu d'un mandat émané d'un fonctionnaire qui n'a pas d'autorité dans le territoire où l'arrestation s'opère, sans que ce mandat fût vérifié par un officier de ce territoire, sans que cet officier en reconnût la légalité. Il était important d'assurer à la liberté individuelle une garantie immédiate soit contre les erreurs des agents, soit contre des actes arbitraires. Mais le pouvoir de l'officier de police est limité à la vérification de l'existence du mandat et à la surveillance de son exécution: il doit vérifier que l'arrestation est faite en vertu d'un mandat de dépôt ou d'arrêt, car la loi veut qu'il appose son visa sur son mandat; il doit veiller à ce que ce mandat ne soit pas appliqué à une personne autre que celle qui y est désignée; car s'il ne peut s'opposer à son exécution, il peut s'opposer à un acte qui ne serait plus son exécution. Mais il n'est juge ni de la régularité du mandat, ni de la compétence du magistrat qui l'a décerné; il ne peut donc refuser son visa sous le prétexte soit de cette irrégularité, soit de cette incompétence. Les réclamations qui s'élèvent à cet égard ne peuvent être appréciées que par ce magistrat 1. 1 Voy. conf. Mangin, n. 156; et contr. Carnot, t. I, p. 411; Duverger, n. 436. Si le prévenu contre lequel un mandat d'arrêt a été décerné ne peut être saisi, le porteur du mandat est tenu de dresser un procès-verbal de perquisition. L'article 109 est ainsi conçu : « Si le prévenu ne peut être saisi, le mandat d'arrêt sera notifié à sa dernière habitation, et il sera dressé procès-verbal de perquisition. Ce procès-verbal sera dressé en présence des deux plus proches voisins du prévenu que le porteur du mandat d'arrêt pourra trouver: ils le signeront, ou, s'ils ne savent ou ne veulent pas signer, il en sera fait mention, ainsi que de l'interpellation qui en aura été faite. Le porteur du mandat d'arrêt fera ensuite viser son procès-verbal par le juge de paix ou son suppléant, ou, à son défaut, par le maire, l'adjoint ou le commissaire de police du lieu, et lui en laissera copie. Le mandat d'arrêt et le procès-verbal seront ensuite remis au greffe du tribunal. » Ces dispositions ont leur complément dans l'article 77 du décret du 18 juin 1811 : « Si, malgré les perquisitions faites par l'huissier, le prévenu, accusé ou condamné n'est point arrêté, une copie en forme du mandat d'arrêt, de l'ordonnance de prise de corps, de l'arrêt ou jugement de condamnation, sera adressée au commissaire général de police, à son défaut, au commandant de la gendarmerie, et, à Paris, au préfet de police. Le préfet, les commissaires généraux de police et les commandants de la gendarmerie donneront aussitôt à leurs subordonnés l'ordre d'assister les huissiers dans leurs recherches et de les aider de leurs renseignements. Enjoignons aux agents de la force publique et de la police de prêter aide et main-forte aux huissiers, toutes et quantes fois ils en seront par eux requis, et sans pouvoir en exiger aucune rétribution, à peine d'être poursuivis et punis suivant l'exigence des cas. Néanmoins, lorsque des gendarmes ou agents de police, porteurs de mandats de justice, viendront à découvrir hors de la présence des huissiers les prévenus, accusés ou condamnés, ils les arrêteront et les conduiront devant le magistrat compétent. » La forme de la perquisition n'est attachée qu'à l'exécution du mandat d'arrêt, elle ne s'applique point au mandat de dépôt. L'article 109 ne parle, en effet, que de l'exécution du premier de ces mandats, et l'article 75 du décret du 18 juin 1811 ajoute: « Les huissiers ne dresseront un procès-verbal de perquisition qu'en vertu d'un mandat d'arrêt, ordonnance de prise de corps, arrêt ou jugement de condamnation à peine afflictive ou infamante ou à l'emprisonnement. » Il suit de la que la loi, qui a déterminé dans les articles 105 et 109 le mode d'exécution du mandat d'amener et du mandat d'arrêt, quand le prévenu ne peut être trouvé, n'a prescrit pour le même cas aucun mode d'exécution du mandat de dépôt. Il faut peut-être en conclure, comme on l'a déjà dit, que le mandat de dépôt, dans l'esprit du législateur, n'a été destiné, en général, qu'aux prévenus qui se trouvent déjà sous la main de la justice. § VII. De l'interdiction de communiquer. 1983. Le juge d'instruction, après avoir décerné un mandat de dépôt ou d'arrêt, peut ordonner la mise au secret du prévenu. La mise au secret, qui est la défense faite par le juge de laisser le détenu communiquer avec quelque personne que ce soit, est née avec la procédure inquisitoriale. L'ordonnance de François Ir d'octobre 1535 portait : « quand aucuns prisonniers seront amenés pour cas criminel, le geolier sera tenu de les mettre en prison fermée, de telle manière que nuls ne parlent à eux, et en ce poinct les tenir tant qu'il y ait autre mandement de la cour ou du juge qui l'aura fait constituer prisonnier1.» Cette disposition avait été reproduite par les articles 16 et 17 du titre XIII de l'ordonnance de 1670 : « Art. 16. Défendons aux geoliers et guichetiers de permettre la communication de quelque personne que ce soit avec les prisonniers détenus pour crime avant leur interrogatoire, ni même après, s'il est ainsi ordonné par le juge. - Art. 17. Ne sera permise aucune communication aux prisonniers enfermés dans les cachots, ni souffert qu'il leur soit donné aucunes lettres ou billets. » L'article 9 du titre XIV ajoutait : « Pourront les juges après l'interrogatoire permettre aux accusés de conférer avec qui bon leur semblera, si le crime n'est pas capital. » La législation de 1791 n'avait pas cru pouvoir, dans l'intérêt de l'instruction, supprimer cette mesure. L'article 8 du titre XV de la loi du 16--29 septembre 1791 portait : « Les parents et amis de l'arrêté porteurs de l'ordre de l'officier municipal, lequel ne pourra le refuser, auront le droit de se faire représenter la personne du détenu, et le gardien ne pourra s'en dispenser qu'en justifiant de l'ordre exprès du président ou directeur du jury, inscrit sur son registre, de le tenir au secret. » L'article 579 du Code du 3 brumaire an IV portait également : « Le président du tribunal peut donner tous les ordres qu'il juge nécessaires pour l'instruction et le jugement. » Enfin, l'article 80 de la constitution du 22 frimaire an VIII était ainsi conçu : « La représentation de la personne détenue ne pourra être refusée à ses parents et amis porteurs de l'ordre de l'officier civil, lequel sera toujours tenu de l'accorder, à moins que le gardien ou geôlier ne représente une ordonnance du juge pour tenir la personne 1 Ch. XXI, art. 3. Cet article est conforme à l'art. 32 de l'ord. de Charles VII de 1452 et à l'ord. de Charles VIII de 1485. au secret. » Telles sont les sources du deuxième paragraphe de l'article 613 et de l'article 618, qui autorisent en termes exprès, quoique implicites, l'interdiction de communiquer : «Art. 613. Le juge d'instruction et le président des assises pourront donner respectivement tous les ordres qui devront être exécutés dans les maisons d'arrêt et de justice, et qu'ils croiront nécessaires, soit pour l'instruction, soit pour le jugement. - Art. 618. Tout gardien qui aura refusé ou de montrer la personne détenue ou de montrer l'ordre qui le lui défend sera poursuivi, etc. » Enfin, la loi du 14 juillet 1865 a ajouté à l'article 613 un troisième paragraphe ainsi conçu : « Lorsque le juge d'instruction croira devoir prescrire à l'égard d'un inculpé une interdiction de communiquer, il ne pourra le faire que par une ordonnance qui sera transcrite sur le registre de la prison. Cette interdiction ne pourra s'étendre au delà de dix jours; elle pourra toutefois être renouvelée. Il en sera rendu compte au procureur général. » 1984. Il était déjà impossible de dénier au juge, qui peut donner dans la maison d'arrêt tous les ordres qu'il croit nécessaires dans l'intérêt de l'instruction, le droit d'interdire toute communication d'un prévenu au dehors et à l'intérieur de la prison; et ce droit est aujourd'hui formellement consacré par les termes de l'article 618 qui établissent la légalité de l'ordre d'interdiction. Mais il n'appartient qu'au juge d'instruction et au président des assises; le ministère public ne peut en aucun cas l'exercer. Cette mesure, en effet, est un acte de l'instruction, un |