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juge; mais la règle est la même : la mesure ne peut dépendre que de l'appréciation de la nécessité judiciaire 1.

La loi, au reste, a voulu généraliser autant que possible la me. sure qu'elle prescrivait. Le deuxième paragraphe de l'article 100 porte: « Le mandat d'amener devra être pleinement exécuté si le prévenu a été trouvé muni d'effets, de papiers ou d'instruments qui feront présumer qu'il est auteur ou complice du délit pour raison duquel il est recherché, quels que soient le délai et la distance dans lesquels il aura été trouvé. » La présomption que la possession de ces effets fait naître contre lui est si grave que la translation doit être immédiatement exécutée. Mais il résulte en même temps de cette disposition de la loi que, hors le cas qu'elle indique, le procureur impérial doit, en général, retenir provisoirement le prévenu. C'est là une mesure d'humanité et de prudence qui doit être appliquée toutes les fois que l'intérêt de la justice ne s'y oppose pas.

1978. Lorsque le procureur impérial du lieu où le prévenu a été trouvé a décerné le mandat de dépôt, il doit immédiatement en donner avis. L'article 101 est ainsi conçu : « Dans les vingtquatre heures de l'exécution du mandat de dépôt, le procureur impérial qui l'aura délivré en donnera avis et transmettra les procès-verbaux, s'il en a été adressé, à l'officier qui a décerné le mandat d'amener. »

L'article 102 a prévu le cas où le mandat d'amener aurait été décerné par un officier de police auxiliaire agissant en matière de flagrant délit : « L'officier qui a délivré le mandat d'amener, et auquel les pièces sont ainsi transmises, communiquera le tout, dans un pareil délai, au juge d'instruction près duquel il exerce; ce juge se conformera aux dispositions de l'article 90. » Le juge d'instruction est seul, en effet, compétent pour adresser une commission rogatoire au juge du lieu de l'arrestation.

Le juge d'instruction qui a commencé l'information a la faculté ou de laisser le prévenu sous le poids du mandat de dépôt décerné contre lui dans le lieu de l'arrestation, en déléguant son interrogatoire au juge de ce lieu, ou, s'il le croit nécessaire, d'ordonner sa translation immédiate au lieu de l'instruction.

1 Voy. dans un sens contraire Carnot, tom. I, p. 417; Boitard, n. 119; Duverger, n. 410; Mangin, n. 153.

Le premier cas est prévu par l'article 103 : « Le juge d'instruc

tion saisi de l'affaire directement ou par renvoi, en exécution de l'article 90, transmettra sous cachet au juge d'instruction du lieu où le prévenu a été trouvé les pièces, notes et renseignements relatifs au délit, afin de faire subir interrogatoire à ce prévenu. Toutes les pièces seront ensuite également renvoyées, avec l'interrogatoire, au juge saisi de l'affaire. » On a remarqué avec raison que ces mots : ou par renvoi en exécution de l'article 90 n'ont aucun sens; il faut, pour les expliquer, remonter à la rédaction du projet du Code; l'article 90 de ce projet avait pour objet le renvoi des pièces d'une affaire au juge d'instruction du lieu du délit. La mention de cet article, auquel a été substitué l'article 69 de notre Code, est demeurée par inadvertance dans l'article 103'.

Le deuxième cas fait l'objet de l'article 104, qui porte : « Si, dans le cours de l'instruction, le juge saisi de l'affaire décerne un mandat d'arrêt, il pourra ordonner, par ce mandat, que le prévenu sera transféré dans la maison d'arrêt du lieu où se fait l'instruction. S'il n'est pas exprimé dans le mandat d'arrêt que le prévenu sera ainsi transféré, il restera en la maison d'arrêt de l'arrondissement dans lequel il aura été trouvé jusqu'à ce qu'il ait été statué par la chambre du conseil. » Ainsi, la décision du procureur impérial du lieu de l'arrestation est purement provisoire, et le juge d'instruction saisi de l'affaire conserve le pouvoir d'apprécier si la translation est nécessaire dans l'intérêt de l'instruction, soit pour interroger lui-même le prévenu, soit pour le confronter avec les témoins. C'est un motif nouveau pour le procureur impérial du lieu de l'arrestation de retenir le prévenu, puisque cette mesure n'est point définitive et que le juge d'instruction saisi peut toujours la faire cesser.

1979. Nous avons vu qu'aux termes de l'article 97, le mandat d'amener doit être notifié et qu'il doit en être laissé copie au prévenu. Cette notification, quand le prévenu peut être trouvé, doit nécessairement être faite à la personne, puisque le mandat emporte une exécution immédiate. Mais, si le prévenu ne peut être trouvé, quelles sont les formes que le porteur du mandat doit suivre?

1 Voy. Locré, tom. XXV, p. 116.

L'article 105 est ainsi conçu : « Si le prévenu contre lequel il a été décerné un mandat d'arrêt ne peut être trouvé, ce mandat sera exhibé au maire ou à l'adjoint, ou au commissaire de police de la commune de la résidence du prévenu. Le maire, l'adjoint ou le commissaire de police mettra son visa sur L'original de l'acte de notification. >>>

Le but de cette formalité est de constater que le porteur du mandat a fait ce qu'il a pu pour en assurer l'exécution; elle est tout à fait étrangère à la notification elle-même; elle établit les efforts infructueux de l'agent pour remplir sa mission; elle laisse de côté le prévenu et la connaissance qui doit lui être donnée du mandat.

M. Mangin, confondant cos deux formes distinctes, enseigne que le visa prescrit par l'article 105 doit remplacer la notification. « Le but du Code, dit cet auteur, n'est pas d'informer le prévenu des poursuites dont il est l'objet, afin qu'il se présente s'il le juge à propos; car un tel avis ne serait le plus souvent qu'un avertissement de fuir. Un mandat d'amener n'est pas un ajournement. Un individu que la vindicte poursuit, que la force publique recherche et veut atteindre, n'est pas un défendeur à une instance civile. Le porteur du mandat devant s'assurer de la personne du prévenu, le but de la loi est d'obtenir la preuve que ce porteur a fait toutes ses diligences pour y parvenir, et de prémunir contre les négligences et les connivences qui tendraient à empêcher l'exécution du mandat '. » Tel est, en effet, on vient de le dire, le but de l'article 105; mais comment inférer de là que la formalité prescrite par cet article dans l'intérêt des recherches judiciaires puisse remplacer la formalité de la notification prescrite dans l'intérêt de la défense? Un mandat d'amener, quand le prévenu est sur les lieux, n'est point un simple ajournement; mais quand le prévenu est absent, ne prend-il pas aussitôt ce caractère? La notification que la loi a prescrit de lui en faire n'est-elle pas destinée à lui faire connaître la poursuite dont il est l'objet, afin qu'il se présente devant la justice? La doctrine de M. Mangin tendrait à supprimer cette notification elle-même, qui, dans sa pensée, n'est qu'un avertissement de fuir; mais il ne faut pas perdre de vue, d'une part, que l'article 97 l'a formellement ordonnée, et, d'un autre côté, que le prévenu n'a pas toujours in1 Instr. écrite, tom. I, p. 278.

térêt à fuir et que la justice veut qu'il soit légalement informé de la poursuite qui est exercée contre lui. La notification du mandat n'a pas le même objeť quand le prévenu est présent ou absent: présent, elle le met à même de vérifier la légalité de la mesure prise à son égard et de se préparer à son interrogatoire; absent, elle l'avertit de la poursuite et l'appelle devant le juge. Dans l'un et l'autre cas, elle constitue une forme utile à la défense, et l'article 105 a si peu entendu l'effacer qu'il veut que le maire ou le commissaire de police mette son visa sur l'original de l'acte de notification. D'où l'on doit nécessairement inférer que cette notification doit être faite, nonobstant la mesure prise par cet article, dans les formes prescrites par la loi.

Quelles sont ces formes? La jurisprudence a admis « qu'en l'absence de dispositions sur les formalités de la signification des actes relatifs à la procédure criminelle, il est nécessaire de se reporter à celles prescrites par le Code de procédure civile, qui forment le droit commun, en ce qu'elles ont de substantiel1». Il suit de là que, suivant que le prévenu a un domicile connu ou n'en a pas, il faut appliquer les formes prescrites par l'article 68 ou par l'article 69 no 8 du Code de procédure civile. Nous aurons lieu d'examiner ultérieurement les difficultés que soulève l'appli cation de ces règles aux significations de la procédure criminelle.

1980. L'omission des formes prescrites par l'article 105 entraînerait-elle la nullité du mandat d'amener et de la procédure qui l'a suivi? Il faut répondre négativement, parce que cet ar ticle ne prononce point cette peine, et que la règle qu'il a établie, n'étant qu'une mesure prise pour assurer les recherches du porteur du mandat, n'intéresse sous aucun rapport la défense du prévenu. Mais la solution serait-elle la même si à l'omission du visa se joignait l'omission de la notification ou de quelqu'une des formes essentielles de cette notification? La Cour de cassation a rejeté le pourvoi d'un prévenu qui, après avoir été condamné correctionnellement, se faisait un grief du défaut de notification du mandat d'amener décerné contre lui : « attendu que le demandeur n'a élevé aucune réclamation, ni en première instance ni en ap

1 Arr. cass. 7 juillet 1847 (Bull., no 151); 18 mars 1848 (Bull., no 7); 30 mai 1850 (Bull., no 175); 25 juillet 1850 (Bull., no 254). 2 Arr. cass. 3 janv. 1834 (J. P., tom. XXVI, p. 111).

pél, sur la prétendue illégalité de son arrestation; qu'il est dès lors non recevable à proposer ce moyen devant la Cour; que l'article 97 n'attache point au surplus à son inobservation la peine de nullité, et que, d'ailleurs, le demandeur ayant subi interrogatoire devant le juge d'instruction, dans le délai fixé par la loi, a nécessairement et réellement connu le motif de son arrestation1.» Il est en effet certain, d'une part, que le prévenu qui prétend faire valoir quelque grief contre la légalité de son arrestation doit le porter soit devant la chambre d'accusation, soit devant le tribunal correctionnel, et, d'un autre côté, que les irrégularités relatives à la teneur des mandats ou à leur notification peuvent, en général, être réparées par les actes postérieurs de la procédure. Mais n'est-ce pas aller un peu loin que de déclarer que l'infraction des formes prescrites par l'article 97 ne peut entraîner aucune nullité? La notification du mandat, son exhibition au prévenu, la copie qui doit lui en être délivrée, sont-ce donc là des formes vaines et dont aucune sanction n'existe dans la loi? Déclarer que ces formes peuvent être impunément enfreintes, n'est-ce pas reconnaître qu'une arrestation peut être opérée sans que l'agent soit porteur d'aucun mandat, puisqu'il ne serait tenu ni de le notifier, ni de l'exhiher, ni d'en laisser copie? Par un tel abandon des règles légales, la liberté individuelle ne se trouvet-elle pas livrée aux actes arbitraires des agents secondaires de la justice? On ne prétend point sans doute, et nous l'avons déjà dit, que toutes les irrégularités de la notification doivent entraîner la nullité du mandat; mais n'y a-t-il pas lieu de distinguer, comme l'a fait la jurisprudence à l'égard d'autres actes, entre les irrégularités qui peuvent compromettre la défense et celles qui ne la compromettent pas, entre les formes essentielles de l'acte et celles qui n'ont pas ce caractère, entre les cas où le prévenu a souffert un préjudice de l'omission et ceux où il n'en a éprouvé aucun?

1981. L'exécution du mandat de dépôt se réduit, en général, à des formes très-simples.

1 Arr. cass. 31 janv. 1834 (J. P., tom. XXVI, p. 111).

2 Voy. Conf. arr. Grenoble 26 mai 1823 (Dalloz, tom. IX, p. 500); 18 août 1824 (J. P., tom. XVIII, p. 981); 5 avril 1831 (J. P., tom. XXIII, p. 1420); Paris, 3 oct. 1838 (J. P., tom. II, p. 309).

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