attachées, puisse suppléer le premier; car il s'ensuivrait qu'elle n'aurait entouré la détention de quelques conditions tutélaires que pour ne pas les appliquer, et que les règles qu'elle aurait édictées seraient illusoires et purement nominales. Toutes les prescriptions de la loi sont sérieuses et doivent être exécutées. Que le juge d'instruction emploie le mandat de dépôt dans tous les cas où il ne peut décerner le mandat d'arrêt, où les réquisitions du ministère public ne peuvent lui être données sur-lechamp, où l'arrestation a un caractère d'urgence, il ne fait en cela que se conformer aux dispositions du Code; mais qu'il ne se serve pas de ce mandat pour opérer la détention définitive du prévenu, lorsque les circonstances n'ont aucune urgence et que le ministère public peut donner ses conclusions; car l'esprit et la lettre du Code lui imposent nécessairement alors l'emploi du mandat d'arrêt '. Il ne suit pas de là, néanmoins, que nous prétendions répudier en général l'usage du mandat de dépôt. Ramené à sa mission purement provisionnelle, ce mandat est nécessaire : le vice de la loi n'a pas été de le maintenir, mais de lui dénier des effets qui semblent inhérents à son caractère provisoire. Créé, comme l'a dit M. Treilhard, pour les cas où la procédure ne permet pas encore de statuer en connaissance de cause sur la mise en détention ou la mise en liberté, il suppose une mesure momentanée, que le juge qui l'a prise devrait pouvoir faire cesser à chaque instant. En effet, en le décernant, ce magistrat prolonge l'état d'arrestation provisoire, sans établir légalement l'état de détention préalable; il ajourne le moment où il pourra prononcer sur ce point en connaissance de cause. Il résulte de là qu'au moment de convertir le mandat de dépôt en mandat d'arrêt, le juge qui est aujourd'hui investi du pouvoir soit d'opérer cette conversion, soit de faire cesser purement et simplement le dépôt provisoire de la personne de l'inculpé, doit nécessairement examiner s'il est nécessaire de prolonger la détention qu'il avait d'abord ordonnée. Il le doit surtout depuis que les lois du 17 juillet 1856 et du 14 juillet 1865 lui ont conféré le droit de donner mainlevée du mandat décerné à toutes les phases de la procédure et d'ordonner même d'office la mise en liberté provisoire de l'inculpé. 1 Conf. Boitard, p. 372. § V. Des formes des mandats. 1967. Les mandats ont des formes générales qui leur sont communes. Telles sont : 1o L'énonciation du nom et de la qualité du magistrat qui les délivre. Il faut, en effet, qu'ils portent en eux-mêmes la preuve qu'ils émanent d'un fonctionnaire compétent. 2o L'indication de la date. Cette date n'est exigée qu'indirectement par la loi; l'article 100 soumet à des règles particulières l'exécution du mandat d'amener lorsque le prévenu est trouvé hors de l'arrondissement après plus de deux jours depuis la date de ce mandat. Elle est nécessaire dans tous les mandats, d'abord, pour qu'on sache s'ils sont susceptibles d'être exécutés; ensuite, dans le cas prévu par l'article 637, comme pouvant servir de point de départ à la prescription. 3o La désignation du prévenu. Le deuxième paragraphe de l'article 95 porte : « Le prévenu y sera nommé ou désigné le plus clairement qu'il sera possible. » La nécessité de cette désignation est évidente: c'est la condition de l'exécution du mandat; elle doit donc être assez complète pour que toute méprise soit impossible. La Cour de cassation a dù néanmoins juger: « qu'il résulte des articles 95, 96, 134 et 233 que les mandats de comparution, d'amener, de dépôt et d'arrêt, les ordonnances de prise de corps, et les arrêts de mise en accusation ne doivent contenir les noms, signalements et domicile des prévenus, que lorsque l'instruction met à portée de les connaître; que, dans le cas contraire, il suffit que les individus que ces actes concernent y soient désignés à l'aide des documents que la justice est parvenue à recueillir, et que la désignation soit faite le plus clairement qu'il sera possible '. » 4° La signature et le sceau du magistrat. Le premier paragraphe de l'article 95 déclare que « les mandats de comparution, d'amener et de dépôt seront signés par celui qui les aura décernés et munis de son sceau». Et l'article 96 ajoute que « les mêmes formalités seront observées dans le mandat d'arrêt ». La signature est la condition essentielle de l'existence de l'acte, et le sceau la garantie de son authenticité. 1 Arr. cass. 29 nov. 1833 (J. P., tom. XXV, p. 1003). 1968. Après ces formes communes à tous les mandats, il faut indiquer celles qui ne s'appliquent qu'à certains d'entre eux. Le mandat de comparution, qui n'est qu'une simple assignation, doit contenir l'indication du lieu, du jour et de l'heure où l'inculpé doit comparaître devant le juge d'instruction. L'article 93 veut qu'il soit interrogé de suite; il est donc nécessaire que le moment de cet interrogatoire soit fixé à l'avance. Il appartient au juge d'en déterminer les délais. Le mandat d'amener, qui n'est pas seulement une citation, mais un ordre de comparaître, prescrit à tous huissiers ou agents de la force publique d'amener l'inculpé devant le juge pour être interrogé sur les faits qui lui sont imputės: l'indication du jour et de l'heure où l'inculpé doit comparaître n'est plus nécessaire, puisqu'il est immédiatement conduit devant le juge, qui doit l'interroger dans les vingt-quatre heures au plus tard. Le mandat de dépôt diffère du mandat d'amener en ce que, au lieu d'ordonner que l'inculpé sera conduit devant le juge, il ordonne de le conduire immédiatement à la maison d'arrêt, et enjoint au gardien de cette maison de le recevoir et retenir en dépôt jusqu'à nouvel ordre. Enfin, le mandat d'arrêt est soumis à des formes spéciales: il doit, aux termes des articles 94 et 96, contenir 1o la mention des conclusions du procureur impérial; 2o l'énonciation du fait pour lequel il est décerné; 3o la citation de la loi qui déclare que ce fait est un crime ou un délit. 1969. Si ces articles n'ont prescrit les trois formes qu'ils énoncent que relativement au mandat d'arrêt, s'ensuit-il qu'elles doivent rester nécessairement étrangères aux trois autres mandats? Une telle conclusion ne serait pas exacte, Et d'abord, en ce qui concerne les conclusions du ministère public, d'une part, ni l'article 91 ni l'article 95 n'en font une condition de la délivrance des mandats de comparution, d'amener et de dépôt, et, d'un autre côté, l'article 61 déclare expressément que « le juge d'instruction délivrera, s'il y a lieu, le mandat d'amener et même le mandat de dépôt, sans que ces mandats doivent être précédés des conclusions du procureur impérial » . Il suit de là, sans aucun doute, que le juge d'instruction a le pouvoir de décerner ces trois mandats sans conclusions préalables: telle est aussi la conséquence de la règle qui a été précédemment posée relativement à la communication des procédures 1. Mais il ne faut pas en conclure que le juge n'a pas la faculté de demander au ministère public ses conclusions, toutes les fois qu'il le juge convenable, soit à raison de la difficulté de l'affaire et de la responsabilité qu'elle entraîne, soit pour éclairer sa propre opinion par l'opinion d'un autre magistrat. Les conclusions du ministère public ne sont nécessaires que pour le mandat d'arrèt; elles sont facultatives pour les autres mandats. La difficulté est plus grave en ce qui concerne l'énonciation du fait et la citation de la loi. Dans notre ancien droit, le décret d'ajournement personnel devait exprimer le titre de l'accusation. La déclaration de décembre 1680 portait : « Tous juges royaux et des seigneurs seront tenus d'exprimer à l'avenir, dans les décrets d'ajournement personnel qu'ils décerneront, le titre de l'accusation pour laquelle ils les décerneront, à peine d'interdiction de leurs charges. >>> Et cette règle avait été étendue même aux décrets d'assigné pour être ouï *. Il semble, en effet, qu'on ne peut refuser à la personne qui est l'objet d'un mandat l'énonciation du fait qui le motive et de la loi qui le punit; là où commence l'inculpation, l'inculpé doit avoir la possibilité de se défendre. « Une législation, dit M. Mangin, qui permet d'arrêter et détenir un individu sans que l'acte qui le prive de sa liberté l'instruise du fait qui lui est imputé, sans qu'il emporte avec lui la preuve de sa légalité par l'indication de la loi sur laquelle il est fondé, est véritablement une législation oppressive. Elle place les citoyens dans l'impossibilité de réclamer contre leur arrestation. » Cette législation est-elle la nôtre? L'article 96, après avoir prescrit que les formalités relatives aux autres mandats seraient observées dans le mandat d'arrêt, ajoute : « Ce mandat contiendra de plus l'énonciation du fait pour lequel il est décerné et la citation de la loi. » Ainsi, la loi suppose que le mandat d'amener et le mandat de dépôt ne contiennent pas cette double mention; elle ne l'exige en termes exprès que pour le mandat d'arrêt. Cependant l'article 77 de la constitution du 22 frimaire an VIII, sous l'empire de laquelle le Code a été rédigé, est ainsi conçu : « Pour que l'acte qui ordonne l'arrestation d'une personne puisse être exécuté, il faut, 1o qu'il exprime formellement le motif de l'arrestation et la loi en exécution de laquelle elle est ordonnée.... » Et le Code, en déclarant, dans son article 615, que cet article a pour but d'assurer l'exécution de l'article 77 de l'acte constitutionnel du 22 frimaire an VIII, a évidemment maintenu ces dispositions en vigueur. On se trouve donc en présence de deux textes qui semblent se contredire l'un l'autre, puisque l'article 77 pose une règle générale qui s'applique à tous les actes qui ordonnent une arrestation, et par conséquent au mandat de dépôt aussi bien qu'au mandat d'arrêt. On a essayé de les concilier en restreignant l'application de l'article 77 au cas prévu par l'article 615, qui n'a d'autre objet que de prévenir les détentions illégales1. Mais les articles 615, 616, 617 et 618 ne sont qu'une application du principe général posé dans les articles 77 et suivants de la loi constitutionnelle du 22 frimaire an VIII; ils supposent ce principe, ils l'appliquent dans un cas nouveau, ils n'y dérogent nullement; ils l'invoquent pour s'y conformer et non pour le restreindre. Il ne nous paraît donc pas que l'article 96 ait voulu se mettre en opposition avec l'article 77 de la loi constitutionnelle; il nous semble, au contraire, qu'il a prétendu en faire la plus stricte application. 1 Voy. suprà no 1609 et suiv. 2 Jousse, tom. II, p. 182; Muyart de Vouglans, Inst. crim., p. 311, Il faut remarquer, en effet, ainsi que nous l'avons établi tout à l'heure, que, dans le système du Code, le mandat d'arrêt est la seule voie régulière d'opérer une arrestation, qu'il en a fait le mode commun et ordinaire de la mise en détention, et que le mandat de dépôt, acte tout à fait provisionnel, n'a qu'une mission temporaire et limitée. C'est cette pensée de la loi qui explique l'article 96. Le législateur a dû attacher au seul mandat qui, dans le système du Code, devait opérer l'arrestation, les formes prescrites par l'article 77 de l'acte constitutionnel du 22 frimaire an VIII. Était-il besoin d'appliquer ces formes au mandat de dépôt? Ce mandat n'étant maintenu que pour les cas urgents, où le caractère du fait n'est pas encore défini, où la nécessité de la détention est incertaine, et devant être immédiatement remplacé par le mandat d'arrêt, il n'a pas paru qu'elles pussent le concerner. Ce mandat, considéré comme une mesure purement provisoire, n'ordonnait pas, pour ainsi dire, une arrestation; il prescrivait seulement une précaution en attendant que l'arrestation fût ordonnée. Ainsi, l'article 96 du Code et l'article 77 de la loi 1 Mangin, n. 138. |