à l'acte ou procès-verbal qui contient les dépositions des témoins qui sont entendus sur le crime pour raison duquel on informe. Ainsi, dans ce sens, l'information est en matière criminelle ce qu'est l'enquête en matière civile1. » L'information a donc, dans la langue du droit, une double signification: dans son acception la plus étendue, elle comprend tous les actes de l'instruction préalable; dans son acception restreinte, l'audition des témoins seulement. C'est ce dernier sens que l'article 76 de notre Code, conforme à l'ancien droit, a donné à cette expression; c'est aussi le sens que nous lui conservons. Tous les anciens criminalistes posaient en principe que l'information est la base et le fondement du procès-criminel; or, son importance n'a pas diminué dans la législation moderne; car si les récolements et les confrontations des témoignages ont été remplacés par le débat public, l'information a continué d'être la base principale de l'instruction et la source où la mise en prévention puise tous ses éléments. Tous les soins du juge doivent donc être employés à construire avec solidité ces premiers fondements de la procédure. 1825. En premier lieu, deux règles générales dominent toute l'information: elle doit être faite par écrit et secrètement. Elle doit être faite par écrit. Dès que le juge d'instruction n'a pour mission que d'instruire et non de juger, ce n'est pas seulement pour acquérir la connaissance personnelle des faits qu'il poursuit ses investigations, c'est pour transmettre cette connaissance aux juges qui doivent prononcer sur l'instruction et en apprécier les résultats; or, le mode de cette transmission ne peut être que l'écriture. Toute la procédure préalable n'est qu'un procès-verbal qui constate toutes les recherches du juge, toutes les dépositions des témoins, et qui doit servir d'élément au jugement provisoire qui statue sur la mise en prévention. Nous avons précédemment apprécié les caractères de cette pro 1 Tom. II, p. 1. 2 Ord. 1670, tit. VI. 3 Ayrault, liv. III, 2e part., n. 39; Bruneau, p. 63; Muyart de Vouglans, cédure écrite1: restreinte dans le cercle de l'instruction préalable, limitée à la mission de préparer les éléments de la preuve, elle est un puissant auxiliaire de la justice. Mais il importe, pour lui maintenir ce caractère d'utilité secondaire, que toutes les règles prescrites par la loi soient exactement observées. Ce sont ces règles qui font l'objet de ce chapitre. Inst., p. 226. 4 Voy. suprà no 1553. 1826. L'information doit, en second lieu, être secrète. Mais cette règle, quoiqu'elle soit générale comme la première, exige cependant quelques explications. Dans notre ancienne législation, le secret de la procédure était un principe absolu. L'article 110 de l'ordonnance de mars 1498 portait : « Le procès se fera le plus diligemment et secrètement que faire se pourra, en manière qu'aucun n'en soit averty, pour éviter les subornations et forgements qui se pourront faire en telles matières. » L'article 37 de l'ordonnance d'août 1536 ajoutait : « Il est défendu à tous officiers de bailler aux parties chargées et accusées, et contre lesquelles il auroit été procédé par information, la communication ou copie desdites informations, soit à eux ou à autre pour eux, sur peine de privation de leurs offices et de peine corporelle. » L'article 162 de l'ordonnance d'août 1539 déclarait encore que, « en matières criminelles, les parties seront ouïes et interrogées séparément, secrètement et à part. » Les articles 11 et 15 de l'ordonnance de 1670 reproduisaient ces dispositions. La jurisprudence n'avait admis aucune exception à cette règle : « Le principal caractère de l'information, dit Muyart de Vouglans, c'est d'être une pièce secrète et inconnue également à l'accusateur et à l'accusé; il n'y a que la partie publique qui, ayant serment en justice, peut et doit même en prendre communication, afin de pouvoir donner ses conclusions*. » Et Jousse enseigne que les juges « doivent bien prendre garde que le secret des informations ne soit jamais divulgué, ce secret étant absolument essentiel pour la découverte et pour la punition des crimes 3». Le décret du 8 octobre 1789 substitua au secret la communication de tous les actes de la procédure à l'inculpé. L'article 15, titre IV, de la loi du 16-29 septembre 1791 portait : « Les dépositions des témoins seront faites et reçues par écrit devant l'officier de police, mais en présence du prévenu, s'il est arrêté. » Les articles 115 et 116 du Code du 3 brumaire an IV étaient ainsi conçus : « Si le prévenu est arrêté lors de la comparution des témoins, ils font leurs déclarations, chacun séparément, en sa présence. S'il n'est arrêté qu'après leur audition, le juge de paix lui donne la lecture de leurs déclarations, mais sans lui en délivrer copie. » Enfin, l'article 10 de la loi du 7 pluviose an X portait : « Le prévenu sera interrogé avant d'avoir eu communication des charges et dépositions; lecture lui en sera donnée après son interrogatoire, et, s'il le demande, il sera de suite interrogé de nouveau. » Le principe de la législation nouvelle était donc la communication de la procédure. 1 Voy. suprà n. 1553 et suiv. 2 Inst., p. 226. 3 Tom. I, p. 392. Entre ces deux systèmes contraires, quel est le système de notre Code? Il n'a reproduit en termes exprès aucune des dispositions des deux législations qui l'ont précédé, et s'il paraît adopter le principe de la législation ancienne, il ne le consacre pas, du moins d'une manière absolue. L'article 73 dispose que les témoins seront entendus séparément et hors la présence du prévenu. Les articles 302 et 305 portent que l'accusé aura communication des pièces de la procédure après l'arrêt de la chambre d'accusation. On a conclu de ces dispositions que, jusqu'à cette époque, toute communication de ces pièces était interdite et que, par conséquent, la procédure était secrète. La Cour de cassation a déclaré « que, de l'ensemble des dispositions du Code, et particulièrement des articles 302 et 365, il résulte que la procédure en matière criminelle doit rester secrète jusqu'au moment où l'accusé, étant renvoyé devant la cour d'assises, a été interrogé par le président de cette cour; que c'est, en effet, à partir de ce moment que commence pour l'accusé le droit de conférer avec un conseil et d'avoir copie ou communication de la procédure 1. » 1827. Nous croyons aussi que notre Code a voulu faire revivre le principe du secret de l'instruction. Toutes les règles de la procédure écrite ont été puisées dans notre ancien droit; c'est le système inquisitorial qui en domine toutes les dispositions, et le 1 Arr. cass. 19 mai 1827 (J. P., tom. XXI, p. 450); 31 août 1833 (J. P., tom. XXV, p. 867). secret était le fondement de ce système. En outre, notre législateur avait sous les yeux les articles des lois de 1791, de l'an IV et de l'an IX, qui prescrivaient la communication de la procédure, et il ne les a pas reproduits. Enfin, ce principe s'appuie sur des motifs très-graves: d'une part, « il serait souvent difficile d'arriver à la manifestation de la vérité si, pendant la première période, le prévenu, initié à la connaissance des démarches des magistrats qui s'attachent à la découvrir, pouvait, parce qu'il connaîtrait le résultat de leurs investigations, en rendre les effets inutiles par la disparition des preuves du crime, par ses manœuvres, par l'usage d'influences dangereuses sur des témoins faciles à intimider ou à égarer 1. » D'un autre côté, la publicité d'une instruction, qui peut être mise à néant par la chambre du conseil, pourrait souvent porter une fâcheuse atteinte à la réputation du prévenu; « ne faut-il pas attendre que la prévention soit admise, que le prévenu soit mis en jugement, pour divulguer des charges qui peuvent lui muire ? » Enfin, les droits de la défense sont-ils les mêmes quand il s'agit de débattre la prévention ou quand il s'agit de débattre le fond? La loi n'a-t-elle pas dû en proportionner l'étendue en raison de l'intérêt du prévenu, et ne leur donner leur développement qu'au moment du jugement définitif? Cette interprétation a peut-être appliqué trop rigoureusement un principe que la loi, tout en le maintenant en thèse générale, a évité de formuler en termes précis. Si l'on ne trouve dans les textes aucun droit formel d'exiger la communication des pièces dans le cours de l'information, on n'y voit non plus aucune prohibition de faire une telle communication. De ce que les témoins sont entendus hors de la présence du prévenu, s'ensuit-il qu'il ne puisse prendre connaissance ultérieurement de leurs dépositions? De ce que la loi a consacré le droit formel de l'accusé d'avoir copie des pièces au moment où il va être traduit aux assises, s'ensuit-il qu'il soit interdit de les lui communiquer auparavant? Les articles 217 et 222, qui l'autorisent à fournir un mémoire à la chambre d'accusation, ne supposent-ils pas, ainsi que cela sera dit dans un autre lieu, qu'une communication préalable est pos 1 Arr. Toulouse 2 août 1847 (Instr. crim., tom. XIX, p. 265). - Nicolo Nicolini dit également: Troppi interessi si oppongono alla scopertà di un reato e di un reo perchè l'inquisizione possa esserne pubblica. Delle pruovi, p. 103. 2 Mittermaïer, Traité de la preuve, p. 38. sible? Et s'il n'est pas contesté qu'il puisse produire un pareil mémoire, même devant le juge d'instruction, n'en faut-il pas conclure que cette communication doit précéder la clôture de l'information? Si l'on examine attentivement l'économie de notre Code, les pouvoirs indéfinis du juge d'instruction, le droit de diriger tous les actes de la procédure que la loi a remis entre ses mains, on est porté à croire qu'elle a voulu laisser à sa discrétion la faculté de communiquer ou non la procédure au prévenu. Point de règle absolue, soit pour établir, soit pour restreindre le secret de l'instruction; point de droit en faveur de la défense ou de prohibition contre elle. Rien ne s'oppose à ce que le juge, sur la demande du prévenu, ordonne ou rejette une communication qu'il jugera nuisible ou non nuisible. L'article 56 du décret du 18 juin 1811, qui attribue au procureur général la faculté d'ordonner la délivrance des pièces des procédures correctionnelles ou de police aux parties, n'est point applicable pendant la durée de d'instruction, et surtout n'est point applicable aux simples communications. Ensuite, quels sont les périls d'une telle faculté ? Le juge ne peut-il pas sans cesse en restreindre, en arrêter même les inconvénients? Il ne s'agit pas de rendre l'instruction publique, mais simplement communicable; il ne s'agit pas de lui créer des entraves, mais de lui apporter un concours, en l'éclairant par la discussion de la défense. Il nous semble donc que le principe du secret de l'instruction n'est point absolu, et que la loi, en ne lui donnant aucune sanction formelle, a voulu laisser au juge le droit de lui poser une limite en permettant la communication au prévenu des pièces de l'information dorsque cette communication ne peut nuire à la marche de l'instruction. Tel paraît être aussi le sens de l'arrêt de la Cour de cassation du 31 août 1833, lequel, après avoir posé le principe que la procédure criminelle est secrète jusqu'au dernier interrogatoire de l'accusé, ajoute que les articles 302 et 305 ne sont pas prescrits à peine de nullité, et que, si les pièces de l'instruction ont été communiquées avant ce moment, cette communication ne constitue aucune irrégularité 1. 1 Arrêt cité suprà, p. 429. |