commettre le crime sont, 1o en matière de fausse monnaie, les différentes machines et matières dont se servent les faux monnayeurs; 2o en matière d'incendie, les objets combustibles trouvés soit sur le prévenu, soit à son domicile, soit sur les lieux ; 3o en matière d'attentat contre les personnes, toutes les armes, tous les poinçons, tous les mets et liqueurs empoisonnés; 4o en matière de vol, les fausses clefs, les instruments effractoires, les limes, les échelles, etc. Les produits du crime ou délit sont les pièces fausses ou altérées émises ou possédées par les prévenus de fausse monnaie, les effets volés en quelques mains qu'ils se trouvent, les actes argüés de faux, les matières dans lesquelles se trouveraient des traces ou des restes des poisons administrés, etc. Enfin, les effets qui peuvent servir à la manifestation de la vérité, quoiqu'ils n'aient point été les instruments du délit et qu'ils ne soient point ses produits, sont tous les objets qui se sont trouvés soit sur les lieux où le délit a été commis, soit même en d'autres lieux, et qui, par les renseignements qu'ils contiennent ou qu'ils peuvent faciliter, sont propres à indiquer l'auteur et ses complices. Telles sont toutes les choses qui sont restées sur les lieux et qui, par leur nature, par leurs signes distinctifs, par leur état matériel, renferment des indices utiles à l'instruction; les vêtements non-seulement du prévenu, mais de la victime elle-même, qui, lorsqu'ils sont tachés de sang, salis, déchirés, témoignent de la lutte qui a précédé les blessures ou l'homicide; les objets qui portent des traces du fait, tels qu'une pierre rougie de sang, des meubles brisés, les lettres trouvées en la possession du prévenu ou qui lui étaient adressées1. 1816. La saisie des papiers peut donner lieu à quelques difficultés. Lorsque ces papiers sont en la possession du prévenu, suivant les termes de l'article 36, soit qu'ils soient sur sa personne ou à son domicile, le droit du juge est incontestable, il peut s'en saisir, pourvu, telle est la condition légale, qu'ils puissent servir à conviction ou à décharge; car la saisie, lors même qu'elle ne rencontre aucune limite dans la loi, doit s'arrêter là où elle n'est plus nécessaire, où elle ne fournit plus un élément de la preuve. 1 Schenck, Traité sur le min. publ., tom. II, p. 214 et suiv. Lorsque les papiers sont en la possession des tiers, le juge peut rencontrer plus d'un obstacle. Et, d'abord, il n'est pas besoin de répéter que c'est surtout dans la recherche des papiers que le magistrat doit apporter le plus de discrétion : il ne suffit pas que cette recherche ne puisse avoir lieu que lorsqu'il y a présomption que les papiers par lesquels la preuve peut vraisemblablement être acquise ont été cachés dans la maison tierce, il faut encore qu'elle soit opérée avec tous les ménagements propres à sauvegarder les papiers, les actes, les secrets de famille qui ne se rat-tachent pas immédiatement au fait incriminé, et auxquels dès lors la justice n'a pas le droit de toucher. Le détenteur peut s'opposer à la saisie, soit parce que les papiers lui appartiennent, soit parce qu'il a intérêt à ne pas s'en dessaisir, soit enfin parce qu'il en est le dépositaire et qu'ils ont été confiés à sa foi. Dans les deux premières hypothèses, le juge d'instruction, après avoir apprécié la relation de la pièce avec le délit et l'intérêt de la procédure à la joindre au dossier, peut, nonobstant toute réclamation, en ordonner la saisie. En admettant, en effet, que cette opposition s'appuie sur des motifs sérieux, et que le détenteur soit intéressé à ne pas se dessaisir de la pièce, à ne pas la divulguer, à ne pas la livrer à l'examen des tiers, cet intérêt privé peut-il faire fléchir l'intérêt général, qui veut que la justice connaisse toute la vérité sur les faits qu'elle est appelée à juger? Dans quelles erreurs ne serait-elle pas entraînée si elle n'avait pas le pouvoir de mettre la main sur tous les moyens de preuve dont elle sait l'existence ? Il importe peu que le papier contienne le corps même du délit ou seulement la preuve ou l'indice de ce délit; il suffit qu'il renferme un élément de la vérité, une lumière quelconque sur le fait incriminé, pour que l'instruction ait le droit de le saisir. Les articles 87 et 88 du Code d'instruction criminelle ne limitent point ce droit aux papiers du prévenu; ils l'étendent, en général, aux papiers qui sont jugés utiles à la manifestation de la vérité. Il est vrai que l'article 456 du même Code dispose que les particuliers qui sont possesseurs d'écritures pouvant servir de pièces de comparaison ne peuvent être immédiatement contraints à les remettre, et qu'ils ont le droit de faire apprécier les motifs de leur refus par le tribunal saisi. Mais les pièces de comparaison n'ont pas la même utilité pour la justice que les pièces de conviction; elles peuvent être remplacées par d'autres écritures; elles ne sont point indissolublement liées à la procédure par une relation directe avec le fait incriminé. On comprend donc que la nécessité de la production soit dans ce cas soumise à une appréciation, qui devient inutile, aux termes de l'article 452, quand il s'agit de la pièce argüée de faux. La question devient plus grave lorsque le tiers détient la pièce à titre de dépositaire. La loi n'a prévu cette hypothèse qu'en matière de faux seulement. L'article 452 du Code d'instruction criminelle porte que « tout dépositaire public ou particulier de pièces argüées de faux est tenu, sous peine d'y être contraint par corps, de les remettre sur l'ordonnance donnée par l'officier du ministère public ou par le juge d'instruction. Cette ordonnance et l'acte de dépôt lui serviront de décharge envers tous ceux qui auront intérêt à la pièce. » L'article 454 ajoute : « Tous dépositaires publics pourront être contraints, même par corps, à fournir les pièces de comparaison qui seront en leur possession : l'ordonnance par écrit et l'acte de dépôt leur serviront de décharge envers ceux qui pourraient avoir intérêt à ces pièces. » Les articles 448, 449, 453, 455 et 463 ont minutieusement réglé les formes et les garanties de ces déplacements d'actes. Mais, en dehors du crime de faux et de l'application de ces articles, les dépositaires peuvent-ils refuser de se dessaisir des papiers que l'instruction considère comme des pièces de conviction? Cette question peut se présenter et doit être examinée dans trois hypothèses: en ce qui concerne les études des notaires, les cabinets des avocats et des avoués, les bureaux de l'administration des postes. 1817. Le juge d'instruction peut-il opérer des perquisitions et procéder à la saisie d'actes et de papiers déposés dans l'étude d'un notaire? L'article 177 de l'ordonnance d'août 1539 portait : « Défendons à tous notaires et tabellions de ne monstrer ni communiquer leurs registres, livres et protocoles, fors aux contractans ou à d'autres auxquel le droict des dicts contracts appartiendroit notoirement, ou qu'il fust ordonné par justice. » Ainsi, à côté de la règle qui défendait la communication des actes, la loi réservait le droit de la justice de l'ordonner. La loi du 25 ventose an XI n'a fait à peu près que reproduire cette disposition; l'article 22 de cette loi déclare que « les notaires ne pourront se dessaisir d'aucune minute, si ce n'est dans les cas prévus par la loi. » Et l'article 23 ajoute a qu'ils ne pourront, sans l'ordonnance du président du tribunal de première instance, délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d'autres qu'aux parties intéressées... ». Il résulte de ce texte, d'une part, que la loi admet le déplacement des actes dans les cas qu'elle a prévus; et d'un autre côté, que le juge a le droit d'ordonner leur communication. Ainsi, l'obligation du secret en ce qui concerne la teneur de ces actes n'est que relative, et il appartient à la justice d'en poser les limites. Les articles 52 et 54 de la loi du 22 frimaire an VII viennent confirmer cette conséquence, puisqu'ils prescrivent aux notaires de communiquer leurs répertoires et leurs actes aux préposés de l'enregistrement, à toute réquisition, et de leur laisser prendre les renseignements et copies qui leur sont nécessaires. Le droit de communication ne semble done pas pouvoir être contesté. Quant au déplacement des actes, le législateur, après avoir posé en règle que les notaires ne peuvent s'en dessaisir, ajoute: si ce n'est dans les cas prévus par la loi. Quels sont ces cas? Nous en trouvons deux dans les articles 452 et 454 du Code d'instruction criminelle. L'article 452 porte: « Tout dépo sitaire public de pièces argüées de faux est tenu, sous peine d'y être contraint par corps, de les remettre, sur l'ordonnance donnée par le juge d'instruction. » L'article 454 dispose également que « Tous dépositaires publics pourront être contraints, même par corps, à fournir les pièces de comparaison qui sont en leur possession ». Or, à côté de ces deux cas, spécialement prévus en matière de faux, ne faut-il pas placer le droit de saisie que les articles 37, 38 et 39 donnent, en thèse générale, au juge d'instruction sur les papiers qui peuvent servir à conviction ou à décharge? Ce droit, qui peut s'exercer dans tous les lieux où le juge présume que ces papiers ont été cachés, ne doitil pas s'étendre aux études des notaires lorsqu'il y a lieu de présumer que les papiers et actes qui y sont déposés peuvent servir d'éléments à la manifestation de la vérité? Quel serait le fondement d'une exception? Les études des notaires sont des dépôts publics dans lesquels les précautions prises pour la garde des actes n'interdisent, ainsi qu'on l'a vu, ni leur communication, ni même leur déplacement. Aucune disposition de la loi n'enlève au juge d'instruction le droit qu'elle a explicitement reconnu aux préposés de l'enregistrement de s'y transporter, de rechercher et de vérifier les actes et de mettre sous la main de la justice ceux qui peuvent servir d'appuis aux poursuites qu'elle intente. Ne seraitil pas étrange que les articles 452 et 454, qui ne sont que des corollaires du principe posé par les articles 88 et 89, eussent réglé dans un cas particulier l'application d'une mesure qui ne serait pas contenue dans le principe lui-même? Ne serait-il pas contradictoire que le juge ne pût ordonner en matière de banqueroute frauduleuse, d'abus de blanc seing, d'escroquerie, de concussion, un moyen d'instruction qu'il peut ordonner en matière de faux? On peut objecter néanmoins que l'intérêt des familles exige que les dépôts des actes et des conventions soient inviolables; qu'il importe de maintenir à des fonctions sur lesquelles la société s'appuie la confiance qui les environne; que les notaires, soit à titre de dépositaires, soit à titre de conseils des parties, ne peuvent être contraints de faire aucune communication; que les actes, qui sont la propriété des tiers, doivent être soustraits à tous les regards; mais ces objections, qui, nous le dirons tout à l'heure, ne sont pas dénuées de tout fondement, peuvent-elles être opposées au juge d'instruction qui, entouvé de toutes les garanties légales, procède à une vérification pour découvrir la vérité d'une prévention? Peut-on raisonnablement soutenir que, lorsqu'il a pris communication d'actes dans lesquels il présume trouver la preuve d'un crime, le dépôt soit violé, le secret des conventions soit divulgué, la confiance qui environne la fonction soit ébranlée? Si les actes déposés dans l'étude sont étrangers à la prévention qui fait l'objet des investigations, il est clair qu'ils ne seront pas dévoilés; s'ils fournissent des indications utiles à la justice, ils sont, comme les témoins, obligés de comparaître pour éclairer le juge; s'ils renferment enfin en eux-mêmes l'élément de la prévention, les tiers eux-mêmes ont intérêt à la vérification. Et cependant il faut admettre une restriction. Le droit de l'instruction, quelque général qu'il soit, n'est point absolu; il admet nécessairement des limites toutes les fois qu'il vient à heurter des |