au domicile duquel la visite est faite, doit lui-même être averti d'y assister. Il est hors de doute, en premier lieu, que le prévenu, en état d'arrestation, doit assister à la visite, en quelque lieu qu'elle soit opérée; ce n'est pas, en effet, parce que la perquisition a lieu dans son domicile que sa présence est nécessaire, c'est parce qu'elle a pour objet la saisie des pièces de conviction et qu'il y a lieu de constater s'il les reconnaît. L'article 39 s'applique à toutes les visites, sans aucune distinction du lieu où elles sont faites. Il est utile, en second lieu, que la personne au domicile de laquelle la visite est opérée soit présente à l'opération. La loi ne l'a point prescrit; mais un double motif semble l'exiger. D'abord, il ne convient pas qu'une maison soit fouillée par des perquisitions sans que la personne qui l'habite soit avertie, afin qu'elle puisse surveiller les opérations, sauvegarder ses propres effets et défendre ses intérêts personnels. Ensuite, le juge peut avoir des interpellations à adresser à cette personne sur la possession des pièces qui se trouvent dans son domicile, et sur les faits qui se rattachent à cette possession. Enfin, sa présence peut encore être nécessaire pour en assurer l'identité. Toutefois, il n'y a lieu de réclamer cette présence que lorsque le tiers est sur les lieux, car il peut être important de ne pas divulguer à l'avance une perquisition qui serait souvent inefficace si elle était prévue; l'avertissement doit donc être donné verbalement et au moment même où l'opération va s'effectuer. Il faut également ajouter que ce tiers a la faculté, comme le prévenu luimème, de se faire représenter par un fondé de pouvoir qu'il peut désigner verbalement. 1812. Le juge d'instruction peut-il s'introduire à toute heure dans le domicile du prévenu ou de toute autre personne? La solution de cette question a déjà été indiquée dans notre chapitre du flagrant délit': nous avons établi : 1o qu'aux termes de l'article 76 de la loi du 22 frimaire an VIII, la maison de toute personne habitant le territoire français est un asile inviolable, et que pendant la nuit nul n'a le droit d'y entrer que dans le cas d'incendie, d'inondation ou de réclamation faite de l'intérieur d'une maison; 2o qu'il faut entendre par nuit le temps déterminé par l'article 1037 du Code de procédure civile, l'article 1er du décret du 4 août 1806, et l'article 181 de l'ordonnance du 29 octobre 1820 1. 1 Voy. notre tome III, n. 1524. Cette règle légale admet néanmoins quelques exceptions: 1o et d'abord, si la perquisition a été commencée pendant le jour, il n'est pas douteux qu'elle peut être continuée pendant les heures de la nuit: ce que la loi défend, c'est l'introduction pendant la nuit, c'est le trouble à une heure indue de la tranquillité du foyer domestique; mais quand l'opération a été commencée à une heure licite, il ne peut exister aucun inconvénient à ce qu'elle soit achevée sans désemparer, même après que la nuit est survenue; 2o l'article 9 de la loi du 19-22 juillet 1791 porte : « A l'égard des lieux où tout le monde est admis indistinctement, tels que les cafés, cabanets, boutiques et autres, les officiers de police pourront toujours y entrer, pour prendre connaissance des désordres ou contraventions aux règlements. » Le mot toujours signifie-t-il que la visite est permise pendant la nuit, lors même que la boutique est fermée? Non; c'est uniquement l'admission du public qui fait le droit de l'officier de police: quand le lieu est ouvert pendant la nuit et que tout individu peut y entrer, il est permis à l'officier de s'y introduire; mais s'il est fermé, le droit n'existe plus; 3o l'article 10 de la même loi porte : « Ils pourront aussi entrer en tout temps dans les maisons où l'on donne habituellement à jouer des jeux de hasard, mais seulement sur la désignation qui leur en aurait été donnée par deux citoyens domiciliés. Ils pourront également entrer en tout temps dans les lieux livrés notoirement à la débauche. » Ici cette expression en tout temps signifie évidemment même pendant la nuit; 4o les articles 615 et 616 du Code d'instruction criminelle, qui ordonnent de faire cesser toute détention arbitraire, semblent consacrer encore une exception, puisque l'article 616 veut que « tout juge de paix, tout officier chargé du ministère public, tout juge d'instruction, soit tenu d'office, ou sur l'avis qu'il en aura reçu, sous peine d'être poursuivi comme complice de détention arbitraire, de s'y transporter aussitôt et de faire mettre en liberté la personne détenue3», Mais, en dehors de ces exceptions, le juge d'instruction ne peut entrer dans les maisons des citoyens, pour y faire des perquisitions, que pendant le jour : les mots de suite, insérés dans l'article 36 du Code d'instruction criminelle, indiquent que le transport ne doit subir aucun retard, mais n'abrogent point la règle posée dans l'article 76 de la loi du 22 frimaire an VIII. Si l'utilité d'une visite domiciliaire se manifeste pendant le jour, on peut y procéder de suite; si c'est pendant la nuit, il faut attendre le point du jour pour la commencer, sauf à faire investir jusque-là la maison par la force armée '. 1 Voy. le texte de l'art. 1037, n. 1312 et 1334. 2 Arr. cass. 19 nov. 1829 (J. P., tom. XXII, p. 1527). 3 Mangin, tom. I, p. 370. 1813. Le but des visites domiciliaires est la recherche et la saisie de tous les effets qui peuvent servir de pièces de conviction. Le juge d'instruction doit donc employer tous les moyens que la loi met à sa disposition pour assurer l'efficacité des perquisitions et pour arriver à la saisie de ces effets. Assisté du procureur impérial, dont il prend les réquisitions, et du greffier, qui écrit ses procès-verbaux, il donne tous les ordres nécessaires à l'exécution de ses recherches; il peut donc, si la maison ou l'appartement où il veut pénétrer est fermé, ou si on lui en refuse l'entrée, le faire ouvrir de vive force et ordonner, s'il y a lieu, l'assistance des agents de l'autorité; il peut encore, si les meubles sont fermés, faire venir des ouvriers pour en opérer l'ouverture; enfin, il peut prescrire toutes les mesures, toutes les opérations qui ont pour but l'accomplissement de sa mission. Mais, s'il ne doit omettre aucune des vérifications qui peuvent conduire à la découverte des pièces de conviction, il doit néanmoins apporter dans l'exécution de ces mesures une réserve et une discrétion qui en tempèrent la sévérité. Et d'abord, du principe que la nécessité seule peut justifier tous les actes de l'instruction qui lèsent un droit quelconque, il résulte que la perquisition doit s'arrêter aussitôt que l'état des lieux, les circonstances qui s'y révèlent ou les incidents qui surviennent démontrent qu'elle a cessé d'être utile. Une autre conséquence du même principe est que, dans le cours des perquisitions, la vérification ne doit toucher que les appartements ou les meubles que les indications de la procédure ont signalés comme renfermant des pièces de conviction. Ensuite, dans ces appartements ou dans ces 1 Conf. Mangin, tom. I, p. 368. meubles mêmes, le juge doit, autant que possible, limiter ses recherches aux objets qui peuvent se rattacher au procès; il doit respecter tous les papiers, toutes les pièces, tous les actes qui n'y ont pas un rapport quelconque; et si, dans ses investigations, il est amené à prendre communication d'actes dont le secret intéresse des tiers, ses fonctions lui imposent le devoir de ne le jamais révéler. Il ne doit, du reste, associer aux opérations auxquelles il procède ni le procureur impérial, qui n'a d'autre mission que de requérir, ni le greffier, dont toute la fonction consiste à écrire le procès-verbal sous la dictée du juge, et à en rendre les constatations authentiques par sa présence '. § VI. De la saisie des pièces de conviction. 1814. Le but des visites domiciliaires opérées par le juge d'instruction est la saisie des papiers, effets et généralement de tous les objets qui sont jugés utiles à la manifestation de la vérité. Ce droit de saisie est établi par les articles 35, 37 et 89 du Code d'instruction criminelle. L'article 35 porte : « Le procureur impérial se saisira des armes et de tout ce qui paraîtra avoir servi ou avoir été destiné à commettre le crime ou le délit, ainsi que de tout ce qui paraîtra en avoir été le produit, enfin de tout ce qui pourra servir à la manifestation de la vérité. » L'article 37 ajoute : « S'il existe dans le domicile du prévenu des papiers ou effets qui puissent servir à conviction ou à décharge, le procureur impérial en dressera procès-verbal et se saisira desdits effets ou papiers. ». Enfin l'article 89 déclare que « les dispositions des articles 35 et 37, concernant la saisie des objets dont la perquisition peut être faite par le procureur impérial, dans le cas de flagrant délit, sont communes aux juges d'instruction » . Il résulte de ces textes que la loi a armé le juge d'instruction du droit le plus absolu de saisir tous les objets qui peuvent servir à la manifestation de la vérité. L'examen et la représentation de ces objets sont l'un des éléments les plus précieux de la preuve; il était indispensable qu'ils fussent placés sous la main de la justice. Cette disposition est commune à toutes les législations pénales. 1 Conf. Mangin, tom. I, p. 153. Mais deux règles, que nous avons déjà eu l'occasion d'énoncer en examinant la procédure du flagrant délit', ressortent des mêmes textes. La première est que la saisie n'est qu'un moyen d'instruction; elle ne s'empare des choses qu'à titre d'indices ou de preuves, et pour servir à la manifestation de la vérité; elle diffère en cela de la saisie qui est pratiquée en matière fiscale, et qui place les choses sous la main de la justice, non point comme un élément de la preuve, mais comme un élément de la peine, non point comme un moyen d'instruction, mais comme un moyen de répression (no 1336). De là la conséquence que le juge d'instruction ne doit saisir que les objets qui sont de nature à devenir des moyens de preuve. La deuxième règle est que la saisie doit atteindre tous les objets qui peuvent servir non-seulement à conviction, mais encore à décharge. Cette disposition de l'article 37 n'est que la stricte application du principe que nous avons précédemment posé, que le juge doit instruire tant à charge qu'à décharge (voy. no 1654); en d'autres termes, il ne doit point séparer la preuve à charge de la preuve à décharge; il ne recherche spécialement ni la culpabilité de l'inculpé ni son innocence; toutes ses investigations ne doivent tendre qu'à la manifestation de la vérité. 1815. Les objets qui, aux termes de la loi, peuvent être saisis sont 1o les armes et instruments qui paraissent avoir servi ou avoir été destinés à commettre le crime ou le délit; 2o tout ce qui paraît en avoir été le produit; 3o les effets qui, autres que les instruments ou les produits du fait, peuvent servir à la manifestation de la vérité. Un caractère commun à tous ces objets est qu'ils puissent servir à conviction ou à décharge, c'est-à-dire qu'ils aient un rapport immédiat avec le fait incriminé, qu'ils contiennent en eux-mêmes des indices de l'existence ou de la non-existence, de la gravité plus ou moins intense de ce fait. C'est cette relation de l'objet avec le délit qui fait le titre de la saisie; car c'est là ce qui fait présumer son utilité. Les armes et instruments qui ont servi ou ont été destinés à 1 Voy. notre tome III, chap. IX, nos 1326 et suiv. 2 Conf. Mittermaïer, Traité de la preuve, chap. XVII. |