concourt. Il affirme tous les faits qui sont relevés aux procèsverbaux; il ne peut donc être tenu d'affirmer les faits qu'il sait n'être pas exacts. § III. Opérations auxquelles s'appliquent les constatations judiciaires. 1795. L'inspection judiciaire a pour objet principal de constater le corps du délit, c'est-à-dire l'état matériel des faits; elle ne tend que secondairement à la recherche et à la découverte des auteurs de ces faits. La constatation du corps du délit peut motiver trois opérations distinctes: 1o la visite des lieux où le délit a été commis, des traces qu'il a laissées, de l'état de la chose ou de la personne qui en a été l'objet; 2o la perquisition de tous les effets ou papiers qui sont jugés utiles à la manifestation de la vérité; 3o la saisie des instruments du délit et de toutes les pièces qui peuvent servir à conviction. Ces trois opérations sont soumises à des règles spéciales qui sont indiquées soit par la loi, soit par la doctrine et la pratique judiciaire, et qui vont faire l'objet de ce paragraphe et des paragraphes suivants. La constatation du corps du délit proprement dit, c'est-à-dire l'inspection de l'état des lieux où le délit a été commis, prend des règles ou générales ou particulières; générales, quand elles s'appliquent à toutes les procédures; particulières, quand elles ne s'appliquent qu'à l'instruction de certains délits. 1796. Le juge d'instruction, lorsqu'il est arrivé sur le lieu du délit, doit avant toute autre chose vérifier l'état du corps du délit; c'est ce qui résulte de l'article 32 du Code d'instruction criminelle, dont la disposition doit s'étendre aux transports du juge d'instruction aussi bien qu'à ceux du procureur impérial. La constatation de l'existence même du délit doit, en effet, précéder toute autre opération. Il doit donc vérifier le fait matériel, pour reconnaître et son existence réelle et son caractère pénal; fixer le jour et l'heure de la perpétration, car toute la preuve est quelquefois attachée à la date; observer les moyens à l'aide desquels il a été commis et les effets matériels qu'il a produits; constater enfin toutes les circonstances constitutives ou nécessaires de l'action principale. Le but de ses efforts doit être d'établir l'existence des faits, indépendamment de l'aveu de l'inculpé et des dépositions des témoins, par la seule observation des signes extérieurs. Dans la plupart des cas ces signes sont manifestes, et il est facile de les constater; mais il arrive quelquefois qu'ils sont cachés, qu'il faut les faire revivre; c'est à l'aide des témoignages, des expertises, des vérifications personnelles, de l'étude attentive des faits et de leurs causes, que ce double résultat pourra être obtenu. Le corps du délit étant constaté, le juge doit procéder, toutes les fois que cela peut être utile, à la description de l'état des lieux. Tel est l'ordre indiqué par l'article 32, et il est logique, en effet, que la description des lieux suive dans le procès-verbal la constatation du fait matériel, parce que le juge peut seulement connaître alors l'intérêt de cette description et les détails qu'il est important de noter. Ces détails sont, suivant la nature des faits, tantôt la situation même des lieux, leur disposition, leurs alentours, leur proximité ou leur éloignement d'une habitation, tantôt leur état matériel, les effractions intérieures ou extérieures, la situation des fermetures ou clôtures qui rendent l'introduction plus ou moins facile, la position des meubles, s'ils sont dérangés ou brisés, s'ils ont conservé des traces ou des empreintes qui se rapportent au délit. L'examen doit s'étendre dans certains cas aux lieux circonvoisins; car leur état peut souvent rendre compte soit des préparatifs, soit des suites de l'action. Enfin, toutes les fois que la preuve peut se rattacher à la distribution des lieux, à des accidents de terrain, aux distances qui font obstacle à la vue ou à l'ouïe, il est nécessaire de faire dresser un plan pour compléter la description du procès-verbal et rapprocher les lieux mêmes du regard du juge. Cette mesure peut être encore utile relativement aux objets qui ne peuvent être déplacés et dont la forme ou l'étendue est un élément de l'instruction; il faut dans ce cas en faire exécuter des dessins et des modèles. 1797. Cette inspection du corps du délit et de l'état des lieux prend quelques règles particulières, suivant la nature du fait qui est l'objet de l'instruction. En matière d'homicide, ces règles ont quelque importance. Dans notre ancien droit, il était de principe que tout décès dont la cause était douteuse devait donner lieu à la visite du juge, qui dressait, suivant l'expression de l'ordonnance de 1670, procès-verbal du corps mort1. Les devoirs du juge étaient fixés par deux déclarations des 5 septembre 1712 et 9 avril 1736. La première portait : « Voulons que lorsqu'il se trouvera des cadavres de personnes que l'on soupçonne n'être pas mortes de mort naturelle soit dans les maisons, dans les rues ou autres lieux publics ou particuliers..., tous ceux qui auront connaissance desdits cadavres soient tenus d'en donner avis aussitôt aux juges qui en doivent connaître, auxquels nous enjoignons de se transporter diligemment sur les lieux, de dresser procès-verbal de l'état auquel le corps aura été trouvé, de lui appliquer le scel sur le front et le faire visiter par chirurgiens en leur présence; d'informer et entendre sur-le-champ ceux qui seront en état de déposer de la cause de la mort, du lieu et des vie et mœurs du défunt et de tout ce qui pourra contribuer à la connaissance du fait. » La déclaration du 9 avril 1736 ajoutait dans son article 12: « Que les corps de ceux qui auront été trouvés morts avec des signes ou indices de mort violente ou autres circonstances qui donneront lieu de le soupçonner, ne pourront être inhumės qu'en conséquence d'une ordonnance du lieutenant criminel, rendue sur les conclusions du procureur du roi et après avoir fait les procédures qu'il appartiendra à ce sujet. » Notre législation ne prescrit pas l'intervention du juge dans des termes aussi absolus. Elle paraît distinguer parmi les cas de mort violente ceux qui sont le résultat d'un événement accidentel et ceux dont la cause est inconnue ou suspecte. Dans la première hypothèse il suffit que la police administrative dresse procèsverbal de l'état du cadavre et des circonstances y relatives; dans la seconde seulement, aux termes des articles 44 et 45 du Code d'instruction criminelle, le juge d'instruction doit, en général, intervenir. Toutefois, cette distinction que la loi ne trace qu'imparfaitement et qui a été principalement mise en relief pour diminuer les frais de justice, est plus facile à poser dans la théorie que dans la pratique. Il n'est pas aisé de déterminer immédiatement, même en présence d'un cadavre, si la mort a été naturelle ou violente, et en cas de mort violente, si elle a eu pour cause un accident non imputable ou un crime. Comment alors régler la double compétence de la police administrative et de la police judiciaire? Comment indiquer les cas où l'une et l'autre doivent se transporter sur les lieux? La règle doit être celle-ci : si la cause de la mort est évidemment accidentelle, la police administrative peut agir seule; si un soupçon quelconque plane sur la cause de la mort, si cette mort ne s'explique pas complétement comme accidentelle, si quelque indice, quelque léger qu'il soit, fait naître un doute, c'est à la police judiciaire, c'est au juge d'instruction qu'il appartient de procéder à la vérification. L'article 44 appelle l'intervention de la justice toutes les fois qu'il s'agit d'une mort violente ou d'une mort dont la cause est inconnue ou suspecte. Ainsi, la loi assimile la mort violente à la mort dont la cause est inconnue ou suspecte, elle voit dans la violence même une cause de suspicion. Or, sans vouloir donner à ce texte une interprétation trop rigoureuse, n'en peut-on pas du moins inférer que la mort violente, non expliquée par le concours d'une cause accidentelle, motive nécessairement la vérification du juge? Et, en effet, la loi a dû vouloir, lorsqu'un citoyen est mort violemment, que les causes de sa mort fussent vérifiées ; la sécurité de la cité exige impérieusement une telle enquête; et dès qu'il ne résulte pas avec évidence des circonstances de cet événement qu'il est le résultat d'un accident, il ne peut appartenir qu'au juge d'y procéder; car l'incertitude des causes de la mort est en général un soupçon de crime, et c'est ce soupçon, sous quelque forme qu'il se présente, qui fait la compétence du juge. 1 Tit. IV, art. 1er. « Les juges dresseront sur-le-champ et sans désemparer procès-verbal de l'état auquel seront trouvés les personnes blessées ou le corps mort. > 2 Art. 81 du Cod. civ. Cela posé, l'objet de la constatation judiciaire en cas d'homicide est principalement le corps du délit lui-même. Il importe de décrire la position du cadavre, l'état de ses vêtements, la nature et le nombre des blessures, la situation des armes ou des instruments trouvés près de lui ou dans un lieu voisin, les signes apparents qui indiquent tel ou tel genre de mort. Le juge doit se faire assister, aux termes de l'article 44, de deux hommes de l'art, pour rechercher les causes de la mort; mais le concours de ces experts, dont nous parlerons plus loin, et le rapport qu'ils sont tenus de dresser, n'apportent aucun obstacle à l'inspection personnelle et au procès-verbal du magistrat. Il doit, pour ainsi dire, contrôler leur examen par son propre examen, et poursuivre ses constatations sans se préoccuper des constatations de l'expertise. Après avoir constaté l'existence et l'état du cadavre, il doit décrire avec l'exactitude la plus minutieuse le lieu où il a été trouvé, les objets qui l'entouraient, les effets qui paraissaient appartenir à la victime, l'étendue et la direction des taches de sang, les circonstances qui peuvent faire présumer soit une lutte, soit un guet-apens; il doit indiquer tous les détails, si minimes qu'ils soient, qui peuvent se lier à l'action, les froissements ou déchirures des vêtements, les empreintes de pas autour du corps, les indices qui révéleraient la soustraction de certains effets. Si la cause de la mort n'est pas immédiatement reconnue, il doit être procédé à l'autopsie. Si l'inhumation a eu lieu, l'exhumation peut être ordonnée. Il n'appartient qu'au juge d'ordonner ces opérations, après en avoir apprécié, d'après les circonstances et les indices, l'opportunité. Il doit y assister personnellement, soit pour surveiller le travail des experts, soit pour constater avec eux les faits dont ils tirent les conséquences. Il est utile que l'inculpė soit également présent, soit dans l'intérêt de l'accusation, qui peut retirer de l'effet de cette confrontation certaines inductions, soit dans l'intérêt même de sa défense, afin qu'il puisse connaître les faits qui lui seront ultérieurement opposés. Si la victime existe encore, le juge doit la faire visiter, constater son état et ses blessures, recueillir sa déclaration, la confronter, s'il est possible, avec l'inculpé, et vérifier immédiatement sur les lieux la vérité des faits allégués dans cette déclaration 1. Le but de toutes ces investigations est d'établir si l'homicide n'est le résultat d'aucun délit ou s'il constitue soit un délit, par exemple, s'il a été commis involontairement, soit par maladresse, imprudence ou inobservation des règlements de police, ou s'il a été provoqué, ou s'il a été commis volontairement et constitue un crime de meurtre ou d'assassinat. Dans cette première recherche, le juge doit procéder avec une extrême circonspection; il doit surtout se défendre de porter un jugement personnel sur les faits qu'il constate. Sa mission est d'observer avec impartialité toutes les circonstances accidentelles des faits, d'accueillir sans précipitation tous les renseignements qui lui sont fournis, de les 1 Voy. Instruction du procureur du roi de la Seine, p. 64; Jousse, tom. II, p. 26; Schenck, tom. II, p. 65; Duverger, tom. II, p. 219. |