isolé du juge d'instruction, toutes les fois qu'il aurait communiqué son ordonnance d'accès des lieux au procureur impérial, et que celui-ci jugerait sa présence complètement inutile. 1790. L'assistance du greffier est, au contraire, et dans tous les cas, une condition essentielle de la régularité du transport. C'est cette assistance qui constitue la juridiction du juge, et qui constate qu'il agit comme juge et dans l'exercice de l'autorité dont il est investi par la loi. Elle est indispensable dans tous les actes qui ont pour objet la constatation des faits et qui servent ultérieurement d'éléments de preuve 1. 1 L'article 62 veut que le juge d'instruction soit accompagné du greffier du tribunal. Mais cette désignation doit être considérée comme purement démonstrative. D'abord, aux termes de l'article 25 du décret du 18 août 1810, le greffier peut se faire suppléer auprès du juge d'instruction par ses commis assermentés. Ensuite, en cas d'empêchement du greffier et de ses commis, le juge peut désigner, pour en remplir temporairement les fonctions, tout citoyen qu'il estime propre à cet office. Le principe de ce droit se trouve dans l'article 6, titre VI, de l'ordonnance de 1670 et dans la déclaration du 21 avril 1671, qui portent que : « les juges ne pourront commettre leurs clercs et autres personnes pour écrire les informations, interrogatoires, procès-verbaux, récolements, confrontations, et tous autres actes en matière criminelle, lorsqu'il y a un greffier ou commis à l'exercice du greffe, si ce n'est qu'il fût absent, malade ou qu'il eût quelque autre légitime empêchement. » Il est évident, en effet, que les opérations de l'instruction ne peuvent être suspendues par suite de l'empêchement de cet officier. Mais il faut que le procès-verbal constate, 1o l'empêchement du greffier et de ses commis assermentés; car c'est cet empêchement seul qui rend le remplacement régulier; 2o que le citoyen appelé par le juge est àgé de vingt-cinq ans, et a prêté serment; car ce sont les deux conditions imposées par la loi pour remplir les fonctions du greffe *. La Cour de cassation a jugé dans ce sens : « que les présidents des Cours d'assises, comme tous juges procédant à une instruction, ont, quant aux actes qui présentent un caractère d'urgence, et 1 Cod. instr. crim., art. 62, 73, 112. 2 Loi 16 août 1790, tit. IX, 16 vent. an XI; Loi 20 avril 1810, art. 65. en cas d'empêchement, le droit de remplacer les greffiers qui leur sont attachés, en commettant toute personne ayant l'âge requis par la loi et la qualité de Français, à laquelle ils jugent nécessaire de faire prêter le serment en tel cas requis1. « Cet arrêt a même fait un pas plus avant: dans l'espèce où il est intervenu, le procès-verbal ne mentionnait pas l'empêchement du greffier titulaire; et la Cour a jugé que le fait d'empêchement se trouve suffisamment établi par la mesure même qui a été prise par le président. » 1791. Le juge d'instruction peut-il, au lieu de se faire accompagner du greffier du tribunal, se faire assister du greffier de la justice de paix du canton où il se transporte? On allègue, dans le sens de la négative, l'article 62, qui porte formellement que le juge sera accompagné du greffier du tribunal; l'article 73, qui ajoute que les témoins seront entendus par le juge d'instruction assisté de son greffier; l'article 89 du décret du 18 juin 1811, qui alloue une indemnité au greffier ou commis assermenté qui accompagnera le juge ou l'officier du ministère public. On induit de ces textes, que la loi a voulu que le juge fût assisté du greffier de son tribunal; que cet officier a seul caractère pour procéder aux actes de cette juridiction; que seul, aux termes de l'article 1040 du Code de procédure civile, il garde les minutes; que, dès lors, il doit seul concourir à la rédaction des actes. Nous sommes disposé, en général, à accueillir toutes les mesures qui, sans nuire aux garanties de l'instruction, peuvent en faciliter les actes et en diminuer les dépenses. Il est certain que le transport est moins onéreux lorsque le greffier, pris sur les lieux, n'entraîne aucuns frais de voyage; il est certain encore que l'assistance du greffier du juge de paix n'apporte pas une garantie moins efficace que celle du greffier ou du commis-greffier du tribunal. Les règles légales s'opposent-elles à cette combinaison, qui aurait pour effet de rendre les transports plus fréquents? L'article 62 du Code d'instruction criminelle est le seul texte qui soit réellement explicite sur ce point; or, quel est le but de се texte? C'est d'assurer au juge d'instruction le droit de requérir l'assistance du greffier du tribunal, c'est de mettre cet officier à sa disposition; mais peut-on en induire qu'il ne puisse requérir 1 Arr. cass. 3 sept. 1852 (Bull., no 308). l'assistance du greffier du lieu où il opère? Le greffier de la justice de paix n'est-il pas compétent pour assister à tous actes d'information dans l'étendue du canton? On prétend qu'il n'a pas qualité, parce qu'il n'appartient pas à la même juridiction que le juge; mais ne puise-t-il pas cette qualité dans son serment, dans le titre même de sa fonction? Le lien qui unit le juge et le greffier de sa juridiction est sans doute la règle générale; mais ne serait-il pas dangereux de considérer ce lien comme indissoluble en matière criminelle, où les transports sur lieux doivent être multipliés? Si le juge d'instruction peut, dans le cas de l'article 59, se transporter seul, comment lui serait-il interdit de prendre sur les lieux un greffier? C'est, au surplus, dans ce sens que les instructions du ministre de la justice ont résolu la question1. Le juge d'instruction, qui a le droit de requérir l'assistance du greffier toutes les fois que cette assistance lui est nécessaire, et même hors des heures où le greffe est ouvert, a également le droit, soit de se faire accompagner d'un huissier ou d'en appeler un pour la notification et l'exécution des actes qu'il peut décerner dans la durée de l'opération, soit de requérir la force publique pour protéger ses investigations ou pour faire exécuter ses ordres (n° 1637). 1792. Toutes les opérations du juge d'instruction doivent être constatées par un procès-verbal qui doit être rédigé au fur et à mesure qu'elles s'accomplissent. Ce procès-verbal, qui est d'ailleurs soumis aux formes communes à tous les procès-verbaux, doit contenir l'indication du lieu où il est dressé, la date de sa rédaction, les noms du juge, de l'officier du ministère public et du greffier, leurs qualités, les noms des témoins de l'opération, s'il y en a, et la mention de l'ordonnance ou de la délégation en vertu de laquelle le transport a été effectué. Il doit énoncer l'objet de cette mesure, spécifier toutes les vérifications successivement faites, constater les moyens employés et leurs résultats, et décrire tous les faits vérifiés, toutes les circonstances constatées, tous les détails observés. Enfin, il doit être rédigé avec une telle exactitude et une telle clarté, que tous les faits matériels s'y trouvent fidèlement reproduits, et que les juges, qui n'ont pas assisté à l'inspection, puissent se les représenter comme s'ils en avaient été témoins. La règle de cette rédaction est de conserver, par sa simplicité et sa netteté, l'empreinte de la vérité: la description doit être minutieuse, parce que tous les détails peuvent avoir leur importance; mais elle doit être à la fois concise dans son expression; elle doit surtout reproduire, sans les affaiblir par une traduction souvent inexacte, toutes les expressions recueillies sur les lieux et dont le sens peut être ultérieurement apprécié. 1 Déc. des 25 oct. 1825 et 14 avril 1827, rapp. par M. de Dalmas, p. 262, e Suppl., p. 257. 2 Legraverend, tom. I, p. 174. 3 Loi du 5 pluv. an XIII, Décret 18 juin 1811, art. 84. Le juge, lorsqu'il procède à une vérification, est un véritable témoin : il ne se borne pas à rapporter les faits qui sont déclarés par les témoins et les experts, il les constate par ses propres yeux; il observe par lui-même toutes les circonstances qui attestent la perpétration du délit, tous les faits qui en sont la conséquence ou qui s'y rattachent, il contrôle les indices, il vérifie tous les éléments de l'action qui est incriminée. Ce témoignage a même et doit avoir une plus haute autorité que les témoignages ordinaires, parce qu'il émane d'un magistrat expérimenté et qui n'a pas d'autre intérêt que l'intérêt de la vérité. De là la conséquence que le juge, quand il consigne dans son procès-verbal les faits qu'il a vérifiés par lui-même, doit affecter la rigoureuse exactitude d'un témoin ; il doit se borner à déclarer ce qu'il a vu, ce qu'il a appris, ce qu'il a constaté; plus tard, comme juge, il pourra apprécier les résultats qu'il a acquis; au moment de la rédaction du procès-verbal, il n'est que témoin, il recueille les éléments des preuves; il ne doit pas encore les commenter et les discuter. 1793. Ce procès-verbal doit-il être rédigé par le juge ou par le greffier? La règle de notre ancienne jurisprudence était que les procès-verbaux d'information devaient être écrits par le greffier sous la dictée du juge. Un arrêt du parlement de Paris, du 23 août 1663, prescrivait aux juges de dicter eux-mêmes à leurs greffiers ou à leurs commis ce qu'ils doivent écrire, sans s'en rapporter à eux 1. Un autre arrêt du parlement de Dijon, du 4 ос 1 Jousse, tom. III, p. 130. tobre 1715, avait cassé une procédure écrité de la main du juge'. Et Jousse, qui rapporte ces arrêts, ajoute : « Tous ces procèsverbaux doivent être écrits par le greffier en présence du juge qui doit lui-même les rédiger *. » Cette règle, implicitement consacrée par l'article 63 du décret du 18 juin 1811, doit être maintenue. Le procès-verbal est l'œuvre du juge; il constate les résultats de son inspection personnelle, il doit seul le rédiger. Il ne l'écrit pas lui-même; l'écriture est la fonction du greffier; mais il doit en dicter les termes, ou du moins les examiner avec soin. 1794. Ici s'élève une question. Quelle est la fonction du greffier vis-à-vis du juge? N'est-il qu'un scribe astreint å reproduire servilement la dictée qui lui est faite? Faut-il le considérer, au contraire, comme un auxiliaire qui vient fortifier par son témoignage le témoignage du magistrat? Bruneau disait dans notre ancien droit : « Le greffier est comme le témoin de ce que fait le juge, et l'un ne peut rien faire sans l'autre ». Cette expression, peutètre inexacte dans la forme, est vraie au fond. Le greffier, officier public, indépendant du juge, a une mission spéciale: il est chargé de constater les opérations du juge et leurs résultats; il est donc le témoin nécessaire de tous ses actes, et lorsqu'il met sa signature à côté de la signature du juge sur le procès-verbal, il joint en réalité son témoignage au sien. A la vérité, il écrit sous la dictée du juge et il n'a aucun droit de contrôler ses appréciations, puisque sa mission est de constater les opérations et non les faits euxmêmes. Mais s'il apercevait une inexactitude matérielle, si le juge lui prescrivait, par inadvertance ou autrement, de constater un fait faux, une vérification qui n'aurait pas été faite, ne devrait-il pas s'arrêter et refuser son ministère ? Il n'est point, en effet, un instrument passif entre les mains du juge, mais un instrument intelligent de l'instruction; la loi, en le revêtant d'une autorité personnelle, qu'il communique aux actes qui émanent de lui, a voulu ajouter une garantie nouvelle aux solennités de la procédure; cette garantie est la vérité des constatations auxquelles il 1 Jousse, tom. III, p. 132. 2 Tom. II, p. 33. 3 Max. sur les mat. crim., p. 67. 4 Mittermaïer, p. 176. |