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tion d'une partie dans un procès était un acte assez important pour que le juge fût seul compétent pour en apprécier la régularité. Néanmoins, en examinant le système général du Code, il serait difficile de réserver à ce juge, exclusivement à tout autre officier, le droit de recevoir cette déclaration. D'abord, l'article 66 porte que le plaignant peut se déclarer partie civile par la plainte même, et l'article 64 suppose que les plaintes peuvent être régulièrement reçues par le procureur impérial et ses auxiliaires; or, faudrait-il distinguer entre les plaintes qui contiennent une constitution de partie civile et celles qui n'en contiennent pas? Aucun terme de la loi n'autorise cette distinction, et elle serait contraire à son esprit, qui a été de multiplier les organes de la justice pour lui faire parvenir toutes les plaintes. Ensuite, le plaignant peut se porter partie civile par un acte subsequent, en tout état de cause, jusqu'à la clôture des débats (art. 67), et, par conséquent, lorsque la procédure est sortie des mains du juge d'instruction. La compétence exclusive de ce juge n'est donc pas le principe de la loi. Ce qui est certain, c'est que la partie lésée peut s'adresser directement au juge d'instruction pour porter sa plainte et se constituer partie civile; ce qui est encore certain, c'est que, tant que l'instruction reste pendante devant le juge, il est seul compétent pour recevoir cette constitution. Il faut ajouter qu'il lui appartient d'apprécier les déclarations des plaignants reçues par les officiers de police en même temps que la plainte, et d'examiner dans tous les cas la régularité de la constitution.

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1734. La partie lésée, qui intervient dans une procédure commencée, doit-elle signifier sa requête d'intervention au ministère public et à l'accusé? Jousse dit en termes précis : « Cette requête doit être signifiée tant à la partie publique qu'à l'accusé 1. » Cette règle doit être suivie. Si la partie civile n'est plus partie principale, elle est partie jointe au procès; elle peut fournir des pièces et des témoignages, elle peut former opposition aux actes de l'instruction. Il importé donc que le ministère public et l'accusé soient avertis de son intervention et mis à même de lui faire les notifications prescrites par la loi *.

1 Tom. III, p. 76, et tom. II, p. 50. 2 Conf. Mangin, n. 61.

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La partie civile doit faire élection de domicile dans le lieu où siège le tribunal où se fait l'instruction. L'article 68 est ainsi conçu : « Toute partie civile qui ne demeurera pas dans l'arrondissement communal où se fait l'instruction sera tenue d'y élire domicile par acte passé au greffe du tribunal. A défaut d'élection de domicile par la partie civile, elle ne pourra opposer le défaut de signification contre les actes qui auraient dû lui être signifiés aux termes de la loi. » Cette élection de domicile est importante pour la partie, puisque son omission ne lui permet plus d'opposer le défaut de signification des actes qui doivent lui être notifiés aux termes des articles 116, 135, 187 et 535; mais il n'en résulte, du reste, aucune déchéance de sa qualité. Suffirait-il, pour obéir au vœu de l'article 68, que la partie civile, qui n'est pas domiciliée au lieu où siége le tribunal, y constituât avoué? L'article 61 du Code de procédure civile porte que l'élection du domicile est de droit en l'étude de l'avoué constitué, et il nous paraît que cette règle, bien qu'elle soit établie pour les ajournements en matière civile, n'est nullement contraire aux termes de l'article 68: cet article exige simplement une élection de domicile par acte au greffe du tribunal; or, la signification au greffe d'un acte de constitution d'avoué équivaut à l'acte fait au greffe et doit avoir les mêmes effets.

1735. Une dernière formalité est imposée à la partie civile : c'est la consignation avant toute poursuite, en matière de police et de police correctionnelle, de la somme présumée nécessaire pour les frais de la procédure.

Cette formalité a été puisée dans notre ancien droit : aux termes des articles 6 du titre Ier, et 6 et 16 du titre XXV de l'ordonnance de 1670, les frais nécessaires pour l'instruction des procès étaient avancés par la partie civile ou payés sur les exécutoires décernés contre cette partie par les juges. Ce n'était que dans le cas où la partie civile était hors d'état d'avancer ces frais qu'ils devaient être payés par les receveurs du domaine du roi ou par les seigneurs. L'insolvabilité de la partie se constatait par un procès-verbal de carence de meubles, fait par l'huissier chargé de la poursuite des exécutoires et attesté par les officiers du lieu'.

1 Jousse, tom. II, p. 838.

Le Code d'instruction criminelle, qui assignait à la partie civile devenue simplement partie jointe, une mission moins importante que celle qu'elle exerçait sous l'ordonnance de 1670, n'avait point reproduit cette disposition; il se bornait à la déclarer passible des frais quand elle succombait dans son action civile'; peut-être même eût-il été juste de restreindre cette responsabilité aux frais occasionnés par l'exercice de cette action. Mais le décret du 18 juin 1811, dont la force obligatoire, souvent attaquée, a été maintenue par la Cour de cassation, est allé plus loin : l'article 160 de ce décret porte : « En matière de police simple ou correctionnelle, la partie civile qui n'aura pas justifié de son indigence sera tenue, avant toute poursuite, de déposer au greffe ou entre les mains du receveur de l'enregistrement la somme présumée nécessaire pour les frais de la procédure. »

Il faut constater, en premier lieu, que la consignation n'est exigée qu'en matière de police simple et correctionnelle et non en matière criminelle. La raison en est que les poursuites qui peuvent donner lieu à des peines afflictives ou infamantes sont trop graves pour qu'elles puissent être arrêtées ou suspendues par le fait des parties civiles. Ainsi, toutes les fois que la plainte a pour objet un fait qualifié crime par la loi, aucune mesure préalable relative au payement des frais ne peut être imposée à la partie civile.

1736. En matière de police simple et correctionnelle, la consignation préalable des frais peut être considérée comme une sorte de cautionnement imposé à la partie civile pour garantir qu'elle usera avec modération du droit que la loi lui a reconnu de mettre en mouvement l'action publique; c'est un frein à des plaintes légères, à des imputations inconsidérées; et sous ce rapport cette mesure a quelques avantages; mais il ne faudrait pas cependant qu'elle pût fermer l'accès de la justice aux plaintes du pauvre qui, parce qu'il ne pourrait consigner à l'avance le montant présumé des frais, ne serait pas admis à réclamer la protection de la loi. L'application de cette règle exige quelques précautions, et peut-être le décret, trop absolu dans ses termes, n'a-t-il pas porté assez loin sa prévoyance. L'article 160 exempte à la vérité de la consignation préalable la partie civile qui justifie de son indigence. Mais comment cette justification doit-elle être faite? L'article 159 répond que c'est dans la forme prescrite par l'article 420 du Code d'instruction criminelle. Il faut donc que la partie civile produise 1o un extrait du rôle des contributions constatant qu'elle paye moins de 6 francs, ou un certificat du percepteur de la commune portant qu'elle n'est point imposée; 2° un certificat d'indigence délivré par le maire de la commune de son domicile, visé par le sous-préfet et approuvé par le préfet du département. Or, ce mode de justification de l'indigence, établi pour dispenser de l'amende qui doit accompagner le pourvoi en cassation, peut-il sans inconvénient être étendu à la partie lésée par un délit qui porte plainte? N'est-il pas trop rigoureux, pour donner suite à sa plainte, d'exiger la preuve d'une indigence absolue et de soumettre cette preuve à des formes dont l'accomplissement est quelquefois difficile? On conçoit ces précautions quand il s'agit d'ouvrir aux parties une voie extraordinaire de recours dont la loi n'a pas voulu rendre l'accès trop facile; on ne les conçoit plus au premier degré de la juridiction, quand il s'agit simplement de la distribution de la justice à toutes les parties.

1 Art. 162, 194, 368.

2 Arr. cass. 13 mai 1813, 27 mai 1819, 7 juillet 1820, 29 janvier, 31 juillet et 12 novembre 1829.

3 Instr. min. du 30 sept. 1826, p. 137.

Le décret exige que la consignation soit effectuée avant toute poursuite. De là il suit que si la poursuite avait été commencée d'office par le ministère public, la partie civile qui se bornerait à cette procédure ne serait tenue à aucune consignation. La Cour de cassation a jugé dans ce sens « que l'article 160 a pour objet essentiel d'assujettir à la nécessité de la consignation de la somme présumée nécessaire pour les frais de la procédure les parties civiles dont la plainte aurait été le seul ou le principal mobile d'une action correctionnelle ou de police; que, dans l'espèce, les parties civiles n'ont demandé à intervenir qu'après l'audition des témoins et l'interrogatoire des prévenus, et que, par conséquent, la consignation ou le dépôt de la somme présumée nécessaire n'avait pas été requis avant toute poursuite; que, en outre, l'initiative des poursuites avait été prise par le ministère public; qu'à sa requête des mandats d'arrêt avaient été décernés, des citations données, des témoins entendus, des prévenus interrogés, et que dès lors il n'y avait lieu dans l'espèce, ni d'après la lettre, ni d'après l'esprit de l'article 160, à l'application de cet article 1».

Si la partie civile refuse ou néglige de faire l'avance des frais et qu'elle ne justifie pas de son indigence, il n'y a pas lieu, en général, de commencer la poursuite, à moins que le délit ne soit grave et n'intéresse essentiellement l'ordre public. Mais la loi ne permet d'employer aucun moyen de contrainte contre la partie. L'article 159 du décret, qui porte que les exécutoires pour frais d'instruction, expédition et signification de jugement, pourront être décernés directement contre la partie civile, n'était applicable qu'en matière criminelle, et cet article a été modifié, ainsi qu'on le verra plus loin, par la loi du 28 avril 1832.

A qui appartient-il de déterminer le montant de la consignation? Le décret ne le dit pas, mais la Cour de cassation a décidé : « que de ces termes, la somme présumée nécessaire, il résulte, 1o que l'appréciation de la quotité de la somme à déposer doit être faite par les juges; 2o qu'elle est abandonnée à leur sagesse et à leur conscience*. » Ainsi, c'est au juge saisi de l'action, et par conséquent au juge d'instruction, pendant la durée de l'instruction écrite, à déterminer cette somme; mais, si l'évaluation paraît exagérée à la partie, elle peut se pourvoir par les voies de droit.

Telles sont les formalités auxquelles sont soumises, en général, les plaintes des parties. Une dernière règle, qui s'applique aux dénonciations aussi bien qu'aux plaintes, est écrite dans l'article 31: « Le dénonciateur pourra se faire délivrer, mais à ses frais, une copie de sa dénonciation. » Cette disposition est une garantie pour le plaignant. Responsable des conséquences de l'acte qu'il dépose, il lui importe de conserver entre ses mains les termes dans lesquels il l'a rédigé. La prévention peut changer de nature dans le cours de l'instruction; le juge peut la porter sur des points autres que ceux qu'il avait indiqués; il ne répond que des indications qu'il a faites. Sa dénonciation est une sorte de contrat, elle fixe les limites de son obligation, elle est la loi de sa responsabilité.

1 Arr. cass. 12 août 1831 (J. P., tom. XXIV, p. 124),

2 Instr. min. du 30 sept. 1826.

3 Arr. cass. 13 mai 1824 (J. P., tom. XVIII, p. 705).

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