l'action publique (no 523). Dans le deuxième cas, il trouve un refuge dans l'article 275, ainsi conçu : « Il (le procureur général) reçoit les dénonciations et les plaintes qui lui sont adressées directement, soit par la cour impériale, soit par un fonctionnaire public, soit par un simple citoyen, et il en tient registre. Il les transmet au procureur impérial. » 1723. Les plaintes et dénonciations reçues par les officiers de police doivent être transmises en originaux au ministère public; les articles 53 et 54 le prescrivent expressément. Ce serait donc à tort que ces officiers dresseraient les actes sur un registre et n'enverraient que des expéditions. Les originaux des pièces sont les seuls éléments des procédures. Il n'en était point ainsi dans notre ancien droit, en ce qui concerne du moins les dénonciations. L'article 6 du titre III de l'ordonnance de 1670 portait : « Nos procureurs et ceux des seigneurs auront un registre pour recevoir et faire écrire les dénonciations. » Mais la raison de cette disposition était celle-ci : « Les dénonciations, dit Serpillon, ne doivent point rester dans les procédures; les parties publiques doivent faire un réquisitoire séparé pour que le juge puisse en faire lecture aux témoins, qui ne doivent pas avoir connaissance des dénonciations. Par arrêt du parlement de Paris du 23 août 1718, il a été défendu à tous juges d'employer les noms des dénonciateurs dans les procédures d'instruction ni dans le jugement: en un mot, les dénonciations doivent être si secrètes que les juges n'en doivent avoir connaissance que dans certains cas 1. » Il est étrange que la loi du 16-29 septembre 1791 ait maintenu cette disposition, lorsqu'elle proscrivait le secret des actes de la procédure. L'article 4 du titre V portait : « Les plaintes seront écrites de suite et sans aucun blanc sur un registre à ce destiné. » Cette règle a été complétement abrogée. Les dénonciations, aussi bien que les plaintes, font partie des pièces de la procédure; elles ne sont plus secrètes. Dès lors, il n'y a plus de motif pour les consigner sur un registre. 1 Toutefois, l'article 275 a retenu cette obligation à l'égard du procureur général : il veut que ce magistrat tienne registre des dénonciations et des plaintes qui sont directement adressées. Pourquoi cette exception? M. Mangin déclare qu'il en a vainement 1 Tom. I, p. 407. cherché la raison 1. Il nous semble que par ces mots : « il en tient registre », il faut entendre simplement qu'il en tiendra note; car la pièce originale est nécessaire à la poursuite, et l'article ajoute : « il la transmet au procureur impérial. » Quant à cette obligation de tenir note, elle est facile à expliquer : c'est évidemment afin de surveiller la suite que ses substituts donnent aux plaintes et dénonciations qu'il leur transmet, et de leur demander compte des procédures qu'ils auront commencées. § V. Formes des dénonciations et des plaintes. 1724. Les plaintes et les dénonciations, qui reproduisent quelques formes affaiblies du droit d'accusation, ont notamment recueilli la formalité de la nominis delatio (voy. no 36); c'est par une formule analogue à celle de l'accusateur que le plaignant dénonce le délit qui lui a porté préjudice : le nom de la partie qui dénonce, le nom de la personne à qui le fait est imputė, la nature et les circonstances de ce fait; tels sont, en général, les éléments des deux actes. Notre ancien droit distinguait les formes des plaintes et celles des dénonciations. Les plaintes ne pouvaient être reçues que par le juge, les dénonciations pouvaient l'être par les procureurs du roi et des seigneurs. Les plaintes, soit qu'elles fussent faites en forme de requête, soit qu'elles fussent écrites par le greffier en présence du juge, étaient soumises aux règles suivantes : « Tous les feuillets des plaintes seront signés par le juge et par le complaignant, s'il sait ou peut signer, ou par son procureur fondé de procuration spéciale; et sera fait mention expresse sur la minute et sur la grosse de sa signature ou de son refus 3. » Les dénonciations étaient l'objet d'une autre disposition : « Nos procureurs et ceux des seigneurs auront un registre pour recevoir et faire écrire les dénonciations qui seront circonstanciées et signées par les dénonciateurs, s'ils savent signer; sinon elles seront écrites en leur présence par le greffier du siège qui en fera mention. » La loi du 16-29 septembre 1791, en recueillant ces règles, avait réuni dans les mêmes dispositions les dénonciations et les plaintes : « La plainte sera signée à chaque feuillet par l'officier de police; elle sera également signée et affirmée par celui qui l'aura faite ou par son fondé de procuration spéciale; il sera fait mention expresse de la signature de la partie ou de sa déclaration de ne pouvoir signer, à peine de nullité de la plainte. Les plaintes seront écrites de suite et sans aucun blanc, sur un registre tenu à cet effet; la date y sera toujours exprimée 1. » L'instruction du 29 septembre-21 octobre 1791 expliquait avec autant de force que de clarté les motifs de ces formalités : « Le premier de ces actes est de constater les griefs de la partie qui se prétend lésée; et, à cet effet, il faut que la partie remette sa plainte toute rédigée, ou qu'elle la rédige sous les yeux de l'officier de police, ou enfin que l'officier de police la rédige lui-même sous les yeux de la partie et sur l'exposé qu'elle le requiert de consigner dans ce procès-verbal. Une partie qui rend plainte ne peut se faire représenter à cet effet que par un fondé de procuration spéciale; car l'action qui naît d'un délit commis envers nous ou envers les personnes dont la sûreté nous est aussi précieuse que celle de notre propre individu ne peut pas être confondue avec ces intérêts purement pécuniaires sur lesquels un fondé de procuration générale peut être autorisé à stipuler pour nous... Les faits.consignės dans une plainte doivent l'être d'une manière authentique et à laquelle on ne puisse apporter aucun changement. C'est pourquoi la plainte doit être signée par la partie qui la rend, et afin qu'on n'en puisse pas altérer la teneur, cette signature doit être répétée à toutes les feuilles, lesquelles seront cotées et paraphées par le juge de police. Celui-ci doit également signer la plainte en toutes ses feuilles, la dater, et affirmer la vérité des faits y contenus; il doit encore faire une mention expresse de la signature de la partie plaignante, ou du moins de sa déclaration qu'elle ne le peut ou ne le sait; car la partie qui, pouvant signer, ne le voudrait pas, doit être considérée comme ne voulant pas rendre plainte. » 1 Instr, écrite, tom. I, p. 94. 2 Art. 4 et 6, tit. III, de l'ord. de 1670. 3 Art. 4, tit. III, ord. 1670. 1725. Le Code d'instruction criminelle n'a fait que reproduire ces différentes règles. L'article 31 est ainsi conçu : « Les dénonciations seront rédigées par les dénonciateurs ou par leurs fondés de procuration spéciale, ou par le procureur impérial, s'il en est requis; elles seront toujours signées par le procureur impérial à chaque feuillet et par les dénonciateurs ou par leurs fondés de pouvoir. Si les. dénonciateurs ou leurs fondés de pouvoir ne savent ou ne veulent pas signer, il en sera fait mention. La procuration demeurera toujours annexée à la dénonciation, et le dénonciateur pourra se faire délivrer, mais à ses frais, une copie de sa dénonciation. » L'article 65 ajoute : « Les dispositions de l'article 31, concernant les dénonciations, seront communes aux plaintes. >>> 1 Tit. V, art. 3 et 4, et tit. VI, art. 5. Ces articles, clairement rédigés, et qui se trouvent expliqués par la législation antérieure, ne donnent lieu qu'à peu de difficultés. 1726. La loi, en premier lieu, ne dit point ce que doivent contenir les dénonciations et les plaintes. L'article 6, titre III, de l'ordonnance de 1670, voulait qu'elles fussent circonstanciées, c'est-à-dire qu'elles indiquassent, avec le plus de précision possible, le fait et les circonstances, le lieu et l'époque de sa perpétration, la désignation des prévenus et celle des témoins, enfin tous les faits accessoires qui peuvent faciliter les recherches 1. Cette règle appartient essentiellement à la matière. Le but de la plainte ou de la dénonciation est d'appeler l'attention de la justice sur la perpétration d'un crime ou d'un délit: elle doit done signaler toutes les circonstances qui peuvent aider à sa constatation; elle doit même, pour ne pas égarer les premiers pas de l'instruction, distinguer les faits que le plaignant sait par luimême et ceux qu'il n'a appris que par autrui; car les dénonciations qui n'auraient pour base que des allégations équivoques ou vagues ne devraient avoir aucune suite. C'est d'après ce principe que l'article 6 de la loi du 26 mai 1819 veut que le plaignant soit tenu, dans sa plainte, d'articuler et de qualifier les provocations, attaques, offenses, outrages, faits diffamatoires et injures, à raison desquels la poursuite est intentée. M. Jacquinot-Pampelune, dans son instruction à ses auxiliaires, leur adressait les prescriptions suivantes : « Les dénonciations, plaintes, rapports et procès-verbaux doivent énoncer d'une manière claire et précise: 1o la nature et les circonstances des contraventions; 2° le temps et le lieu où elles ont été commises; 3o les preuves et in1 Jousse, tom. II, p. 58; Muyart de Vouglans, Inst. cr., p. 178. dices à la charge des prévenus; 4o les noms, professions et demeures des plaignants, des témoins, s'il en existe, et des contrevenants, s'ils sont connus. » Et il ajoutait : « Les plaintes et dénonciations relatives aux crimes et délits doivent être, s'il est possible, encore plus claires, plus précises, plus complètes que celles qui concernent les contraventions. En cas de délits correctionnels, je dois y trouver tous les renseignements nécessaires sur le fait, sur sa nature et sur ses circonstances, sur les noms, prénoms, professions et demeures des plaignants, prévenus et témoins, s'ils sont connus1. » 1727. Lorsque la dénonciation ou la plainte a été rédigée par le dénonciateur, l'officier qui la reçoit doit se borner, en général, à la faire signer et à la signer lui-même. Cependant, s'il la juge insuffisante ou incomplète, il peut provoquer des explications ou des renseignements nouveaux, et le dénonciateur, soit pour obtempérer à ces observations, soit de lui-même, peut y faire opérer des additions ou des rectifications*. Si la dénonciation ou la plainte n'a pas été rédigée à l'avance, elle peut l'ètre sous les yeux de l'officier de police par la personne qui vient la déposer, ou, si cette personne se refuse ou est inhabile à l'écrire, l'officier de police doit, s'il en est requis, la rédiger lui-même sous les yeux de la partie et d'après l'exposé qu'elle lui fait *. Le dénonciateur peut, s'il ne veut ou ne peut se présenter luimême, se faire représenter par un fondé de pouvoir. Mais la loi exige dans ce cas, 1o que la procuration soit spéciale; 2o qu'elle demeure annexée à la dénonciation. La procuration n'est spéciale qu'autant qu'elle contient l'autorisation de dénoncer et la spécification du fait sur lequel la dénonciation doit porter. Elle doit suivre la dénonciation, puisqu'elle prouve le titre de celui qui l'a portée et qu'elle en fait dès lors en quelque sorte partie. L'instruction du 29 septembre 1791 a clairement expliqué le but de cette double formalité : « Une partie qui rend plainte ne peut se faire représenter à cet effet que par un fondé de procuration spéciale; car l'action qui naît d'un délit commis envers nous ou envers 1 Instr. du procureur du roi de la Seine, p. 47. 2 Duverger, n. 202. 3 Instr. du 29 sept. 1791. |