vidus ont concouru à la perpétration du fait dommageable, la plainte peut être collective et comprendre tous les inculpés'. Enfin, si le préjudice causé par le délit s'est étendu sur plusieurs personnes, ces personnes peuvent se réunir dans la même plainte pour dénoncer le même inculpé *. Au surplus, tant que la plainte demeure inerte, tant que le plaignant se borne à cette dénonciation sans se porter partie, ces règles n'ont pas une grande importance; la plainte n'est alors qu'une simple dénonciation soumise à l'appréciation du ministère public, qui doit sans doute l'examiner avec soin, mais qui n'est point tenu d'y donner suite (no 516 et suiv.). Le plaignant est, à la vérité, responsable de la sincérité de ses déclarations; mais la justice n'est point encore saisie; il n'y a point de demande, point d'action formée; c'est la constitution de la partie civile qui commence l'action. 1711. L'article 63 du Code d'instruction criminelle est ainsi conçu : « Toute personne qui se prétendra lésée par un crime ou délit pourra en rendre plainte et se constituer partie civile devant le juge d'instruction soit du lieu du crime ou délit, soit du lieu de la résidence du prévenu, soit du lieu où il pourra être trouvé. » Nous avons fait connaître à quelles personnes appartiennent l'action civile et le droit de se porter parties civiles (no 539 et 540). Il nous reste à exposer les règles qui dirigent l'exercice de cette action. La différence qui sépare le plaignant et la partie civile est sensible. Le plaignant se place en dehors de la poursuite, il se borne à signaler le fait dommageable, sans demander aucune réparation ; il provoque le procès, mais il y reste étranger. La partie civile ne se borne point à se plaindre, elle entame la procédure et s'y porte partie; elle demande à être indemnisée de la lésion qu'elle a soufferte; elle impute un délit à un tiers et fournit des preuves à l'appui de son imputation; elle se présente comme un auxiliaire du ministère public; elle agit à ses risques et périls, et prend la responsabilité non-seulement des dommages-intérêts du prévenu, mais des frais de la procédure. Le plaignant ne formule qu'une dénonciation, la partie civile intente une action. 1 Julius Clarus, quæst. 13, no 122. 2 Jousse, tom. III, p. 7. De là les règles différentes qui s'appliquent à la plainte et à la constitution de la partie civile. La loi du 16-29 septembre 1791 et le Code du 3 brumaire an IV avaient appliqué les mêmes règles au plaignant et à la partie civile, et les avaient confondus dans les mèmes dispositions: tout plaignant était réputé partie civile, s'il ne s'était pas désisté dans les vingt-quatre heures. Notre Code est revenu au système de notre ancienne législation. L'article 5 du titre III de l'ordonnance de 1670 portait : « Les plaignants ne seront réputés parties civiles s'ils ne le déclarent formellement, ou par la plainte, ou par acte subsequent, qui se pourra faire en tout état de cause, dont ils pourront se désister dans les vingt-quatre heures et non après. » Cet article a été reproduit presque textuellement dans l'article 66 du Code d'instruction criminelle, ainsi conçu : « Les plaignants ne seront réputés parties civiles s'ils ne le déclarent formellement, soit par la plainte, soit par acte subsequent, ou s'ils ne prennent, par l'un ou par l'autre, des conclusions en dommages-intérêts; ils pourront se départir dans les vingt-quatre heures. » Nous retrouvons donc ici, en ce qui concerne la procédure, car les droits des parties civiles diffèrent essentiellement dans les deux législations toute la doctrine de notre ancienne jurisprudence. (Voy. no 426.) Ce qui constitue la partie civile, c'est la demande en réparation du dommage causé par le délit, c'est l'intérêt civil qu'elle fait valoir dans sa plainte et qui fait l'objet de son action; ses conclusions en dommages-intérêts la font partie au procès. Ainsi le plaignant, s'il veut demeurer tel, ne doit former aucune demande, ne doit prendre aucune conclusion; toute demande formée par lui constitue une action civile, et dès qu'il exerce une action, il devient partie. La responsabilité des frais qui pèse sur la partie civile, et qui sera examinée dans les no 1735 et suivants, n'est que la conséquence de la demande en dommages-intérêts qu'elle porte devant la juridiction criminelle. 1712. Cette règle admet toutefois une exception: le plaignant peut, sans être tenu de se constituer partie civile et sans encourir la responsabilité de cette partie, demander la restitution des effets qui lui ont été pris. Cette distinction était admise dans notre ancien droit : « Lorsqu'il ne s'agit, dit Jousse, que de revendiquer des effets volés, il n'est pas besoin de se porter partie civile; il suffit que le juge voie par le procès criminel que les choses volées appartenaient à une telle personne, pour qu'il doive ordonner d'office que ces effets lui soient rendus '. » Et Jousse puisait cette règle dans Jean Imbert, où on lit : « Où il n'y a partie que le procureur du roy, si toutesfois le juge void par le procès criminel que la chose dérobée appartenoit à certaine personne, il doit ordonner que la dite chose lui soit rendue. » L'article 8 de la déclaration du 28 mars 1720 portait, conformément à cette doctrine : « Les effets dont les prévenus seront trouvés saisis lors de leur capture seront remis entre les mains du greffier; ils seront rendus sans que sur lesdits effets il puisse être pris aucuns frais; ce qui aura lieu même à l'égard des réclamants qui ne se seront pas déclarés parties au procès. » L'article 366 du Code d'instruction criminelle n'a fait évidemment que suivre la même doctrine lorsque, après avoir déclaré dans son premier paragraphe « que, dans le cas d'absolution comme dans celui d'acquittement ou de condamnation, la cour statuera sur les dommages-intérêts prétendus par la partie civile ou par l'accusé », il ajoute dans le paragraphe 2 que « la cour ordonnera aussi que les effets pris seront restitués aux propriétaires». Il résulte de l'opposition de ces deux textes que le propriétaire peut obtenir la restitution des effets qui lui ont été pris, sans qu'il ait la qualité de partie civile. Cette restitution peut même être ordonnée, lors même que le propriétaire n'est pas présent et ne la réclame pas. La raison de cette exception est que, lorsqu'il s'agit d'un objet reconnaissable, et dont la propriété n'est pas contestée, il ne peut exister aucun motif de ne pas le restituer immédiatement au propriétaire, et qu'il serait trop rigoureux de soumettre cette restitution, lorsqu'elle est isolée de tout dédommagement, à la condition de la responsabilité des frais. 1713. Peut-on se constituer partie civile dans le cours d'une instruction sans avoir rendu d'abord une plainte? Ce qui fait 1 Tom. III, p. 74. 2 Practique, liv. III, chap. 1, n. 10, p. 627. 3 Conf. Merlin, Rép., vo Partie civile, n. 7; Bourguignon, Manuel, sur naître quelque doute à cet égard, c'est que l'article 63 porte que toute personne pourra rendre plainte et se constituer partic civile, et que l'article 67 ajoute que les plaignants pourront se porter parties civiles en tout état de cause; ce qui semble supposer dans la partie civile la qualité préalable de plaignant. Mais d'abord en matière de police correctionnelle, la partie lésée peut poursuivre la réparation du dommage qu'elle a éprouvé, sans avoir préalablement porté plainte; les articles 145, 147, 182 et 183 lui attribuent le droit de citer directement le prévenu à l'audience et de prendre des conclusions à fin de dommages-intérêts. En matière criminelle, la loi n'est point aussi explicite; mais toute partie civile est nécessairement plaignante ; elle porte plainte en même temps qu'elle se constitue. Or, nulle disposition ne rejette une plainte par cela seul qu'elle n'est pas formée préalablement à toute poursuite; il n'y a d'autre forclusion à l'égard des plaignants que le jugement même. Dès lors le droit de rendre plainte en tout état de cause emporte le droit de se porter partie civile jusqu'au jugement. Subordonner l'intervention à la condition d'une plainte préalable, ce serait exclure les parties de toutes les instances criminelles intentées sur le réquisitoire d'office du ministère public. Peut-être serait-il juste qu'une plainte déposée au seuil de la procédure fût la condition d'une constitution ultérieure pour que le prévenu pût préparer ses moyens de défense; mais cette condition est-elle dans la loi? La Cour de cassation a jugé « que l'article 3 du Code d'instruction criminelle donne à la partie lésée par un crime ou par un délit le droit de poursuivre la réparation du dommage qu'elle a souffert, en même temps et devant les mêmes juges qui ont à statuer sur l'action publique; que la faculté qui est accordée par cette loi à la partie lésée n'est limitée que par les articles 67 et 359, qui ne permettent pas de se rendre partie civile après la clôture des débats, ni de former la demande en dommages-intérêts après le jugement; mais qu'aucune loi n'a dit que, pour être admis à se porter partie civile avant la clôture des débats, il faut avoir pris précédemment la qualité de partie plaignante; que si l'article 369 renvoie le tiers qui n'aurait pas été partie au procès à se pourvoir pour ses dommages-intérêts devant les tribunaux civils, cette disposition ne peut être appliquée à la personne lésée qui est intervenue aux débats, qui s'y est constituée partie civile, et qui par là s'est chargée envers l'accusé de tous les risques attachés par la loi à l'exercice de cette faculté1. » * l'art. 66; et cass. 13 mai 1813 (Bull., p. 248). 4 Cass. 21 févr. 1852 (Bull. no 72). 1714. Peut-on se rendre partie civile contre un des accusés et non contre ses complices? Jousse soulève cette question et la résout en ces termes : « Quand l'accusé qui est poursuivi par une partie civile a des complices, il n'est pas nécessaire que l'offensé se rende partie contre ses complices, et il a la liberté de se porter partie contre les uns et non contre les autres. Mais l'offensé ne peut obtenir des intérêts civils, ni aucune réparation à l'égard de ceux contre lesquels il ne s'est point porté partie civile. De même, lorsque plusieurs personnes ont été offensées par un mème délit, il est libre aux uns de se porter parties et aux autres de ne le pas faire; mais il n'y a que celui ou ceux qui se sont portés parties civiles qui puissent obtenir des intérêts civils contre l'accusé*. » Ces solutions n'ont pas cessé d'être fon. dées. Il faut ajouter seulement que la partie civile, si elle n'a pas restreint son intervention, est présumée l'avoir étendue à tous les auteurs et complices du fait qui l'a lésée. 1715. Le prévenu est-il recevable à se porter partie civile contre le plaignant qui s'est déjà constitué contre lui? La loi romaine n'admettait pas qu'un accusé pût devenir accusateur avant d'avoir purgé l'accusation qui pesait sur lui: Neganda est accusatio his qui non suas suorumque injurias exequuntur, licentiâ criminandi, priusquam se crimine quo premuntur exuerint. On conçoit cette prohibition, lorsque l'accusateur exerçait l'action publique, lorsqu'il remplissait une mission sociale; et toutefois, même alors, la loi lui permettait l'accusation dans un intérêt personnel, lorsqu'il poursuivait ses propres injures ou celle des siens, suas suorumque injurias. La partie civile qui ne peut poursuivre que ses injures personnelles, et qui n'en demande que la réparation civile, est-elle soumise à la même règle que l'accusateur romain? En thèse générale, la récrimination ne doit point être admise en matière criminelle; car le délit de l'accusé n'est point effacé par le délit de l'accusateur : Non relatione crimi 1 Cass. 16 oct. 1812 (J. P., tom. X, p. 748). 2 Tom. III, p. 75. 3 Instr. écrite, n. 59. 4 L. 19, Cod. de his qui accusare non possunt. |