cette priorité à tout autre acte qu'aux décrets ou mandats qui, sous l'empire de l'ordonnance de 1670 ou du Code du 3 brumaire an IV, en formaient la base 1. 1700. Dans notre ancien droit, le juge compétent avait le droit de revendiquer les affaires criminelles dont un autre juge se trouvait illégalement saisi. Ce droit de revendication consacré par l'article 1or, titre Ier de l'ordonnance de 1670, était principalement exercé: 1o par le juge du lieu du délit à l'égard du juge du domicile ou du lieu de la capture; 2o par le juge royal à l'égard du juge seigneurial qu'il avait prévenu. La revendication devait être faite par requête ou par acte signifié au greffe du jugė auquel elle était adressée *. Ce principe a-t-il continué de subsister dans notre droit nouveau? Le juge d'instruction qui, après avoir commencé une instruction, est informé qu'une autre procédure est entamée à raison des mèmes prévenus et des mêmes faits, soit par un autre juge d'instruction, soit par suite de la qualité d'un des prévenus, par un officier de police militaire, peut-il revendiquer le renvoi de la procédure instruite au préjudice de sa compétence? L'affirmative a été soutenue par un auteur très-versé dans la pratique. « J'estime, dit M. Duverger, que le juge d'instruction devra rendre une ordonnance dans laquelle se fondant, ou sur la nature de la cause, ou sur la qualité des prévenus, ou sur le texte des articles 23, 63 et 69 du Code d'instruction criminelle, enfin sur les errements de la procédure depuis son début et d'après son état actuel, il ordonnera qu'à la diligence du ministère public, le renvoi devant lui des prévenus et des pièces sera réclamé, pour qu'il puisse suivre exclusivement, jusqu'à règlement définitif, le procès dont il est légalement saisi 3. » Il ne nous paraît pas que cette marche soit régulière. Aucune disposition de notre Code n'autorise, comme l'avait fait l'ordonnance de 1670, le juge d'instruction à exercer un droit de revendication sur les affaires dont d'autres juridictions sont saisies. Il peut, soit directement, soit par la voie du parquet, donner avis aux 1 Arr. cass. 7 janv. 1830 (J. P., tom. XXIII, p. 18). 2 Jousse, tom. 1, p. 532; Julius Clarus, quæst. 38, n. 19 et seq.; Farinacius, quæst. 7, n. 14 et seq.; Covarruvias, cap. 11, n. 7; Muyart de Vouglans, Inst. crim., p. 20. 3 Manuel du juge d'instr., tom. I, p. 334. juges saisis de l'instruction qu'il a commencée; mais quelle force aurait son ordonnance vis-à-vis de ces juges? Comment seraientils tenus d'y obtempérer? Cet acte, loin de servir à vider le conflit, ne ferait qu'y apporter un embarras nouveau. Sans doute le refus de se dessaisir de la part des juridictions qui ont commencé une procédure, donnerait lieu à un règlement de juges, conformément aux articles 526 et 527 du Code d'instruction criminelle; mais, qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas d'ordonnance de revendication, ce règlement de juges aura lieu; c'est le fait des deux instructions commencées, ce n'est pas l'ordonnance qui le motive. Ou les juridictions irrégulièrement saisies reconnaitront leur incompétence, d'après l'avis qui leur aura été donné, ou elles refuseront de se dessaisir: dans le premier cas, le juge compétent continuera d'instruire, dans le deuxième, il y aura lieu à régler de jüges; mais, dans l'un et l'autre cas, la forme de la revendication n'aurait aucun effet utile. 1701. Le juge d'instruction, lorsqu'il est régulièrement saisi, ne peut se dessaisir lui-même que dans deux cas: 1o lorsqu'il est officiellement informé que la haute cour, par une convocation légale, ou la cour impériale, par un arrêt d'évocation, ou la chambre d'accusation et la Cour de cassation, par un arrêt de règlement de juges ou de renvoi, lui enlèvent le procès qu'il avait commencé d'instruire; 2o lorsqu'il reconnaît son incompé tence. Dans le premier cas, il doit se borner à remettre les pièces de la procédure au parquet pour qu'elles soient transmises à la juridiction qui en est saisie. Cette remise doit être faite immédiatement et sans aucun acte; son dessaisissement résulte du décret ou de l'arrêt qui a transporté le procès devant d'autres juges. Dans le deuxième cas, il doit, comme on l'a dit plus haut, prononcer lui-même son incompétence, aux termes de l'article 69, quand elle est fondée sur le lieu, et quand elle est fondée sur la nature du fait ou la qualité du prévenu, faire statuer par la chambre du conseil qui est également seule compétente pour connaître des autres exceptions. 1702. Lorsqu'il prononce lui-même sur l'exception d'incompétence ratione loci, deux difficultés peuvent l'arrêter. Lui appartient-il, lorsqu'il est l'un des trois juges désignés par les articles 23 et 63, de se dessaisir au profit de celui qui lui paraît le mieux placé pour faire l'instruction? En second lieu, lorsqu'il déclare son incompétence, doit-il désigner le juge auquel l'affaire doit être renvoyée? La première de ces questions doit se résoudre négativement. Les juges du lieu du délit, du lieu de la résidence et du lieu de l'arrestation sont, aux termes de l'article 23 du Code d'instruction criminelle, également compétents; s'il est plus utile aux intérêts de la justice que l'instruction soit faite dans un lieu plutôt que dans l'autre, cette appréciation ne leur appartient pas; elle appartient à la juridiction supérieure qui statue sur le règlement de juges. Lorsque le juge d'instruction trouve en lui un principe de compétence et qu'il est régulièrement saisi, il ne peut être dessaisi, sauf les cas de renvoi et de réglement de juges, qu'après avoir épuisé sa juridiction. Il n'est pas douteux que, s'il est informé qu'une instruction est déjà commencée par un juge compétent, il doit s'abstenir, bien qu'il ait une compétence égale, de procéder de son côté; mais s'il n'a pas connu la procédure entamée hors de son ressort, et qu'il ait été légalement saisi, comment pourrait-il se dessaisir? en déclarant son incompétence? mais il est parfaitement compétent; en constatant la priorité d'une autre procédure? mais la prévention, on l'a vu tout à l'heure, ne lie plus l'action des juridictions d'une manière absolue; enfin, en appréciant que l'instruction aurait plus de moyens devant un autre juge? mais ce motif ne l'autorise pas à se dessaisir; car la loi l'a investi d'un pouvoir qu'il n'est pas le maître de répudier à son gré. La marche de la justice criminelle serait entravée à chaque pas si les juges saisis en vertu de la triple compétence établie par l'article 23 pouvaient se renvoyer de l'un à l'autre sous des prétextes quelconques la connaissance des affaires qu'ils instruisent, et le principe de la concurrence des juges, loin de servir à la répression des délits, y apporterait un continuel obstacle. Telle est au surplus la doctrine que la Cour de cassation a paru consacrer par plusieurs arrêts '. 1703. La deuxième question est plus délicate. Il est de principé général que la juridiction qui se déclare incompétente ne 1 Arr. cass. 20 sept. 1834 (J. P., tom. XXVI, p. 944); 28 janv. 1835 (Bull., no 31); 22 mars 1838 (Bull., no 84); 20 avril 1843 (Bull., n. 64). peut renvoyer l'affaire dont elle est saisie à telle ou telle juridiction qu'elle juge compétente; en effet, saisir un tribunal c'est faire acte de juridiction; or comment le juge qui se déclare incompétent aurait-il le pouvoir de faire cet acte? Indiquer un tribunal, c'est régler la compétence de ce tribunal; or comment un juge qui n'a pas mission pour faire directement ce règlement pourrait-il indirectement y procéder? Chaque tribunal est juge de sa propre compétence, mais là se borne son droit; il ne peut ni contraindre une autre juridiction à statuer, ni prescrire à l'action publique la marche qu'elle doit suivre. Nous reviendrons, dans la suite de ce livre, sur cette règle que nous ne faisons qu'indiquer. Ce que nous voulons examiner ici, c'est si cette règle s'applique au juge d'instruction qui, dans le cas prévu par l'article 69, se déclare incompétent. Cet article dispose que le juge renverra la plainte devant le juge d'instruction qui pourrait en connaître. Suit-il de ces termes qu'il doive désigner ce juge, et le saisir par son ordonnance? Telle n'est pas, à notre avis, l'interprétation qui doit être donnée à la loi. Le juge d'instruction n'est appelé à vérifier qu'un seul point, c'est de savoir si le délit a été commis ou si l'inculpé a sa résidence habituelle ou accidentelle sur son territoire; il n'a point à rechercher quel est le lieu de la perpétration du délit ou du domicile de l'inculpé, il n'a pas même les moyens de faire cette recherche; il ne peut donc désigner le juge auquel l'affaire doit être renvoyée. Il ne pourrait, d'ailleurs, faire cette désignation sans enfreindre les règles qui viennent d'être rappelées; car, au moment où il se dessaisirait, il ferait acte de juridiction. Il déclarerait compétent le juge auquel le procès serait renvoyé, il donnerait à l'action publique une direction qui n'est pas dans ses attributions. Les termes dont l'article 69 s'est servi ne sont qu'une formule vague que le juge peut reproduire dans son ordonnance, mais à laquelle il ne doit pas substituer une désignation précise qui, d'ailleurs, pourrait être erronée et motiverait un nouveau circuit de procédure. Il nous paraît donc qu'il n'y a pas lieu de faire exception dans ce cas à la règle générale qui restreint le droit du juge à déclarer son incompétence. CHAPITRE SIXIÈME. DES DÉNONCIATIONS ET DES PLAINTES. § I. Quelles personnes peuvent porter plainte. 1704. Objet de ce chapitre. Renvoi du chap. VI au livre II. 1705. Différences qui séparent le dénonciateur, le plaignant et la partie civile. § II. De la dénonciation. 1706. Définition de la dénonciation et son appréciation dans notre législation. 1707. Quelles sont les garanties contre les abus de la dénonciation. 1708. La dénonciation est officielle ou privée. De la dénonciation officielle. 1709. De la dénonciation prescrite aux citoyens des délits dont ils ont été les témoins. § III. De la plainte et de la constitution de la partie civile. 1710. Définition de la plainte. Ses effets. 1711. Constitution de la partie civile. Ses effets. 1712. Le plaignant peut, sans se constituer, demander la restitution des effets qui lui ont été pris. 1713. Peut-on se constituer partie civile dans le cours d'une instruction sans avoir rendu d'abord une plainte? 1714. Peut-on se rendre partie civile contre un des accusés et non contre ses complices? 1715. Le prévenu est-il recevable à se porter partie civile contre le plaignant? 1716. La partie lésée est-elle recevable à se porter partie civile à raison d'un délit, lors qu'elle a déjà saisi la juridiction civile? 1717. Application de la maxime und viâ electâ à la poursuite de l'action civile. Il faut que la plainte ait le même objet et soit portée par la même partie. § IV. Quels sont les officiers compétents pour recevoir les dénonciations et les plaintes. 1718. Officiers compétents pour les recevoir. 1719. Sont-elles nulles par cela seul qu'elles ont été adressées à des officiers incom pétents? 1720. Les plaintes et dénonciations des vagabonds, gens sans aveu et insolvables, doi vent-elles être reçues? 1721. Doivent-elles être reçues si elles blessent certaines convenances et soulèvent quel que scandale? 1722. Quel est le recours du plaignant contre l'officier qui refuse de recevoir sa plainte ? 1723. Formes de la transmission des plaintes et dénonciations. § V. Formes des dénonciations et des plaintes. 1724. Formes des dénonciations et des plaintes dans les législations antérieures. 1725. Leurs formes d'après notre code. 1726. Ce qu'elles doivent contenir. 1727. Formes de leur rédaction. Procuration spéciale. 1728. Elles peuvent prendre la forme d'un procès-verbal ou d'une requête. 1729. Signature des dénonciateurs ou des plaignants. |