avoir pris les conclusions du procureur impérial, l'amende prescrite par la loi. Toutefois, et il est sans doute inutile de l'ajouter, ce n'est là qu'une faculté: le juge ne doit prononcer une amende que lorsqu'il constate une désobéissance susceptible d'être punie. Ce point a été reconnu par la jurisprudence. Un juge d'instruction n'avait pas cru devoir prononcer de peine contre un témoin non comparant, et s'était borné à décerner contre lui un mandat de comparution. Le ministère public requit l'amende, et le juge refusa de la prononcer. Sur l'opposition formée contre cette ordonnance, un arrêt de la chambre d'accusation enjoignit au juge de faire droit aux conclusions du ministère public. Un pourvoi dans l'intérêt de la loi a été formé contre cet arrêt. M. le procureur général Dupin a dit : « Cette injonction est une atteinte portée à l'indépendance du juge d'instruction, qui, ayant statué dans les limites de ses attributions, ne pouvait être contraint à changer sa décision, à prononcer à raison des mêmes faits une amende qu'il ne croyait pas méritée, et à faire ainsi un acte contraire à sa conviction. » La Cour de cassation, adoptant les motifs du réquisitoire, a prononcé l'annulation'. Il résulte de cet arrêt que le juge d'instruction est souverain appréciateur des circonstances qui peuvent motiver l'application de l'amende. 1642. Les formes de cette juridiction répressive diffèrent sous un double rapport dans les articles 34 et 80. L'article 34 suppose la présence de l'infracteur, et veut qu'il soit entendu dans sa défense; l'article 80 suppose, au contraire, l'absence du témoin, et ne subordonne la condamnation à aucune autre formalité que les conclusions du ministère public, qui sont nécessaires toutes les fois qu'il s'agit de porter une peine. L'article 34 interdit au contrevenant la voie de l'opposition, lors même qu'il a été condamné par défaut; l'article 80 veut, au contraire, que le témoin condamné puisse former opposition à l'ordonnance du juge. L'article 81 porte, en effet : « Le témoin ainsi condamné à l'amende sur le premier défaut, et qui, sur la seconde citation, produira devant le juge d'instruction des excuses légitimes, pourra, sur les conclusions du procureur impérial, être déchargé de l'amende. » Cette disposition est encore puisée dans notre an 1 Arr. cass. 30 déc. 1842 (Dall., 43, 1. 154). cienne jurisprudence : « L'ordonnance du juge qui fait l'instruction s'exécute alors par provision, dit Jousse; mais le juge qui a prononcé l'amende contre le témoin peut la rabattre et en décharger ce témoin sur les excuses apportées par lui. Il faut pour cela qu'il dresse un procès-verbal au bas de l'ordonnance qui a prononcé le défaut et l'amende; ensuite de quoi il rend une nouvelle ordonnance qui rabat l'amende, afin que les receveurs des amendes ne puissent l'exiger1. » La voie de l'opposition est ouverte dans tous les cas au témoin condamné, et par conséquent lors même qu'une seconde citation ne lui aurait pas été adressée; ce n'est pas, en effet, cette situation qui peut créer le recours; toute notification de l'ordonnance du juge aurait le même effet; il suffit que la loi ne l'ait pas retiré pour qu'il existe, puisqu'il est de droit commun que toute personne condamnée par défaut puisse former opposition au jugement*. Le juge d'instruction a le droit de contraindre la personne citée qui ne comparaît pas: dans quels cas cette voie de contrainte doit-elle être employée? quelle doit être sa forme? L'article 80 déclare, d'abord, que la personne citée qui ne comparait pas pourra y être contrainte par le juge d'instruction, qui, à cet effet, prononcera une amende. Ainsi la première voie de contrainte est, dans l'esprit de la loi, la condamnation à l'amende. Mais l'article ajoute néanmoins que le juge pourra ordonner que la personne citée sera contrainte par corps à venir donner son témoignage. Suit-il de la que le juge soit autorisé, par cela seul que la personne citée n'a pas comparu sur la première citation, à prononcer immédiatement, avec l'amende, la contrainte par corps? Ce qui permet le doute à cet égard, c'est que l'article 81 prescrit, après le premier défaut, une seconde citation sur laquelle le témoin peut faire agréer ses excuses et obtenir la décharge de l'amende. Or, il est clair que cette seconde citation exclut l'emploi de la contrainte après le premier défaut. Il semble donc qu'on doit interpréter la loi en ce sens que, lorsque la première citation est restée sans effet, le juge peut prononcer l'amende; mais que ce n'est qu'après la réassignation du témoin qu'il peut prescrire la contrainte par corps. La forme de cette contrainte est, d'ailleurs, prescrite par l'article 92, qui est ainsi conçu : « Il (le juge) peut aussi donner des mandats d'amener contre les témoins qui refusent de comparaître sur la citation à eux donnée, conformément à l'article 80 et sans préjudice de l'amende portée en cet article. » 1 Tom. II, p. 79. 2 Conf. Duverger, tom. I, p. 430. 1643. Les articles 34 et 80 disposent que le juge d'instruction prononcera sans appel. La jurisprudence a restreiut cette prohibition à l'appel des parties condamnées; elle a réservé l'appel du ministère public. Les motifs de cette distinction sont qu'en règle générale les ordonnances du juge d'instruction ne sont pas affranchies de l'appel, que le ministère public n'est pas expressément privé de ce recours, et que la seule raison qui a donné lieu à cette interdiction a été l'intérêt de la rapidité de l'instruction'. Il semble difficile de concilier cette restriction avec les termes formels des articles 34 et 80. C'est après avoir exigé les conclusions préalables du ministère public que ces deux articles ajoutent que le juge prononcera sans autre formalité et sans appel. Ne doit-on pas penser que l'interdiction de l'appel s'applique à toutes les parties, aussi bien au ministère public qu'aux contrevenants? Cette interdiction n'a-t-elle pas été considérée par la loi comme une condition essentielle de la juridiction pénale du juge, à raison de la minimité des peines qu'il prononce et de la rapidité imposée à son action? Et puis, n'y a-t-il pas lieu de présumer encore que le législateur, qui a remis au pouvoir discrétionnaire du juge des actes d'une plus haute gravité, n'a pas hésité à lui confier, sans aucun contrôle, le droit d'infliger des peines légères à des témoins récalcitrants? L'exception que la jurisprudence a créée forme d'ailleurs dans notre législation une étrange anomalie; elle établit entre les deux parties une différence que la justice réprouve; leurs droits sont inėgaux, ils ne sont plus placés sur le même terrain. Si l'article 135 enlève au prévenu le droit d'opposition contre l'ordonnance du juge d'instruction, c'est que l'opposition a paru inutile lorsque cette ordonnance prononce sa mise en liberté ou lorsqu'elle le met en prévention parce que son opposition se confondrait avec la défense au fond qu'il sera appelé à produire devant une autre juridiction. Mais, dans l'espèce des articles 34 et 80, il s'agit d'un jugement définitif rendu entre deux parties, le ministère 1 Voy. le texte de l'arrêt du 14 sept. 1832. Suprà no 1616. public d'une part, le contrevenant de l'autre. Or, n'est-il pas difficile d'admettre que la loi, par une exception à toute sa doctrine, ait entendu que ce jugement, définitif à l'égard du contrevenant, ne le serait pas à l'égard du ministère public; que, tandis que le premier, même condamné par défaut, ne peut former appel, l'autre, toujours présent, peut néanmoins toujours exercer ce droit d'appel au préjudice de l'inculpé? Il nous semblerait plus conforme à l'équité, plus conforme aux règles qui dominent tous les recours dans notre Code, et qui placent dans une même situation l'accusation et la défense, de reconnaître que l'interdiction de l'appel, dans les articles 34 et 80, est une interdiction absolue qui comprend l'appel du ministère public aussi bien que celui de la partie condamnée. 1644. S'il est constaté, par le certificat d'un officier de santé, que le témoin est dans l'impossibilité de comparaître, le juge d'instruction se transporte dans sa demeure ou requiert le juge d'instruction de sa résidence de se transporter pour recevoir sa déposition. Si ce transport donne lieu de suspecter la véracité de l'excuse alléguée, le juge est armé d'un nouveau pouvoir; l'article 86 est ainsi conçu : « Si le témoin auprès duquel le juge se sera transporté n'était pas dans l'impossibilité de comparaître sur la citation qui lui avait été donnée, le juge décernera un mandat de dépôt contre le témoin et contre l'officier de santé qui aura délivré le certificat ci-dessus mentionné. » Il est évident que ce n'est qu'au cas où l'excuse paraît fausse que le juge peut décerner le mandat de dépôt; il faut, en effet, qu'il y ait présomption d'un délit, pour que cette mesure soit motivée. L'article 236 du Code pénal punit d'un emprisonnement de six jours à deux mois les témoins qui auront allégué une excuse reconnue fausse. L'article 160 du même Code punit d'un emprisonnement de deux à cinq ans le médecin ou l'officier de santé qui certifie faussement des maladies ou infirmités propres à dispenser d'un service public. Si le juge reconnaît, dans la visite qu'il fait au témoin, des indices de la fausseté soit de l'allégation, soit du certificat, il peut, s'il y a lieu, décerner le mandat de dépôt. Mais il ne suffirait pas que la maladie alléguée, quoique vraie au fond, ne lui parût pas mettre le témoin dans l'impossibilité de comparaître, pour justifier cette mesure: ce n'est pas seulement la désobéissance que prévoient les articles 160 et 236 du Code pénal, c'est le moyen immoral employé par le témoin ou l'officier de santé. S'il n'existe qu'un fait de désobéissance, ce fait n'est passible que d'une simple amende, aux termes de l'article 80; et, dès lors, il n'y a pas lieu de décerner le mandat de dépôt. Dans cette dernière hypothèse, le juge opère comme si le témoin n'avait pas comparu: il prononce la peine de l'amende. Le deuxième paragraphe de l'article 86 est ainsi conçu : « La peine portée en pareil cas sera prononcée par le juge d'instruction du même lieu et sur la réquisition du procureur impérial, en la forme prescrite par l'article 80. » 1645. Ici s'élève une double question de compétence. Et d'abord, au cas d'une commission rogatoire transmise à un juge, quel est celui des deux magistrats qui doit prononcer l'amende et décerner le mandat de dépôt? C'est, aux termes de l'article 86, le juge du même lieu, c'est-à-dire le juge qui a opéré le transport, qui a reçu la déposition. Et, en effet, ce juge seul, par sa présence sur le lieu, peut apprécier le degré d'impossibilité où se trouve le témoin de comparaître et la véracité de ses allégations. On objecte que ce n'est pas à l'ordonnance de ce juge qu'il a été contrevenu; cela est vrai, mais il est seul compétent pour apprécier la contravention. Le pouvoir de prononcer la peine est la conséquence de la délégation qui lui a été faite. Le juge-commissaire conserve le droit de donner une seconde citation et de la faire suivre, s'il y a lieu, d'un mandat d'amener. Mais le juge délégué pour entendre le témoin, après son premier refus de comparaître, est investi, pour cette opération, de tous les pouvoirs énumérés en l'article 86. Cette compétence, relativement à un fait extrinsèque à la procédure, ne peut lui apporter aucune entrave 1. Si la commission rogatoire a été adressée à un juge de paix, ce juge a-t-il les mêmes pouvoirs? L'article 86 ne les attribue qu'au juge d'instruction du lieu, et exige d'ailleurs la réquisition du procuteur impérial. Le juge de paix doit donc se borner à recevoir la déposition, et, s'il pense que le témoin a présenté une fausse excuse, il doit en référer au juge d'instruction de son ar 1 Voy. sur ce point Bourguignon, tom. I, p. 194; Legraverend, tom. I, p. 299; Carnot, tom. I, p. 371; Duverger, tom. I, p. 453. |