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ces actes sont remis en général directement aux huissiers ou gendarmes, qui les mettent à exécution'. C'est une infraction à la règle prescrite par la loi, infraction qui, renfermée dans de certaines limites, ne peut que faciliter la rapidité de l'instruction, mais qu'il ne faudrait pas étendre aux actes qui ordonnent telle ou telle mesure d'instruction, et tels, par exemple, qu'une expertise. Si ces actes peuvent être ordonnés lors même qu'ils n'ont pas été requis, il ne faut pas du moins qu'ils soient exécutés à l'insu du ministère public.

1637. Les fonctions du juge d'instruction exigent, pour l'accomplissement de certains actes, le concours soit des officiers du ministère public, soit des autres juges d'instruction, soit des officiers auxiliaires de la police judiciaire, soit des officiers de la police administrative, soit des greffiers et huissiers, soit enfin des agents de la force publique. La loi lui a conféré le droit de requérir directement leur assistance.

Il peut, lorsqu'il se transporte sur les lieux, requérir la présence du procureur impérial (art. 59 et 62 du Code d'instruction criminelle).

Il requiert le juge d'instruction d'un arrondissement, dans les cas prévus par les articles 84, 90 et 103, pour l'exécution de ses commissions rogatoires.

Il charge les juges de paix, les officiers de gendarmerie et les commissaires de police, soit de prendre certains renseignements, soit de procéder à certains actes de l'instruction (art. 52, 83 et 84).

Dans les cas de transport sur les lieux, il peut réclamer le concours des officiers de la police administrative et même des simples citoyens (art. 42).

Les greffiers et les huissiers sont tenus d'obtempérer à ses ordres, en vertu des articles 62, 72, 97 et 112.

Enfin, il a le droit de requérir directement la force publique en conformité des articles 25, 97 et 99.

§ VI. Droit de coercition attribué au juge d'instruction. 1638. Toute juridiction doit contenir en elle-même les pouvoirs qui lui sont nécessaires pour l'accomplissement de sa mis1 Duverger, tom. I, p. 414.

sion. La loi romaine considérait même ces pouvoirs comme inhérents à la juridiction et comme une conséquence nécessaire de son institution: cui jurisdictio data est, ea quoque concessa esse videntur, sine quibus jurisdictio explicari non potuit'. Et, en effet, ils sont la condition de son action, la sanction de tous ses actes, la force de tous ses ordres: Jurisdictio sine modicâ castigatione nulla est. De là le droit de coercition dont est armé le juge, c'est-à-dire le droit d'employer des moyens de contrainte pour faire cesser les obstacles qui s'opposent à l'exercice de la juridiction, et d'infliger certaines peines aux auteurs de ces actes de résistance ou d'opposition. Ce droit était établi par Ulpien: Omnibus magistratibus, non tamen duumviris secundùm jus potestatis concessum est, jurisdictionem suam defendere pænali judicio.

Cette règle doit nécessairement protéger les actes du juge d'instruction; car, dans les rapports continuels où il se trouve avec des agents extérieurs, il est plus que tout autre juge exposé à rencontrer des résistances, des refus de concours, des entraves de toute espèce. Les transports qu'il opère, les visites qu'il fait, les ordres qu'il donne, le placent à chaque pas en face d'intérêts froissés qui s'opposent, de passions déjouées qui résistent. La loi a dû lui donner toute l'autorité nécessaire pour surmonter ces obstacles et pour assurer la liberté de son action, et par conséquent l'accomplissement de sa tâche. Tel a été le but des articles 34, 80, 81, 86, 92, 504, 505 et 506 du Code d'instruction criminelle.

1639. L'article 34 prévoit le cas d'un transport du procureur impérial ou du juge sur les lieux où un crime a été commis : « Il pourra défendre que qui que ce soit sorte de la maison ou s'éloigne du lieu, jusqu'après la clôture de son procès-verbal. Tout contrevenant à cette défense sera, s'il peut être saisi, déposé dans la maison d'arrêt; la peine encourue pour la contravention sera prononcée par le juge d'instruction, sur les conclusions du procureur impérial, après que le contrevenant aura été cité et entendu, ou par défaut, s'il ne comparaît pas, sans autre formalité ni délai, et sans opposition ni appel. La peine ne pourra excéder dix jours d'emprisonnement et cent francs d'amende.

4 L. 2, Dig., De jurisdictione.

2 L. 5, § 1, Dig., De officio ejus cui mand. est jurisd.

3 L. 1, Dig. si quis jus dicenti.

Plusieurs difficultés se sont élevées sur l'application de cet article.

Il faut, en premier lieu, remarquer que sa disposition est purement facultative : c'est un moyen de coercition mis à la disposition du juge, du procureur impérial et de ses auxiliaires, pour assurer le succès des opérations de la police judiciaire, et qui ne doit être employé que dans les cas où il est indispensable. C'est, en effet, une suspension momentanée de la liberté individuelle; il ne faut donc pas la prononcer légèrement. Et lors même que l'ordre a été enfreint, le magistrat instructeur demeure encore le maitre d'apprécier si l'infraction, à raison de sa cause et de son résultat, à raison des circonstances dans lesquelles elle s'est produite, doit motiver une mesure répressive. S'il importe que l'ordre de ce magistrat soit respecté, il importe également que les peines de l'infraction n'atteignent que la désobéissance et la rébellion.

Ensuite, il est hors de doute que ces peines ne pourraient s'appliquer qu'à l'infraction d'un ordre ayant pour objet de défendre de sortir de la maison ou de s'éloigner du lieu jusqu'après la clôture du procès-verbal. La loi n'a prévu que cette seule défense, que cette seule infraction; elle ne punit l'inculpė que dans le seul cas où il a contrevenu à cet ordre. Tous les termes de l'article sont restrictifs. Or, en matière pénale, la loi ne peut être étendue au delà de ses termes, ni appliquée, par voie d'analogie, à d'autres cas que ceux qu'elle a formellement prévus. L'instruction peut nécessiter d'autres ordres, d'autres mesures; ils n'ont pas la même sanction.

1640. Cela dit, il y a lieu de remarquer que l'article 34 contient une double disposition: une mesure de contrainte, la délivrance du mandat de dépôt, et une mesure répressive, l'application d'une peine au contrevenant. Or, est-il nécessaire que la mesure de contrainte précède dans tous les cas la mesure répressive? Nullement; si l'inculpé est domicilié, si sa position présente des garanties, il doit rester en liberté; car le dépôt dans la maison d'arrêt n'est pas une peine, mais une simple mesure de sûreté, puisqu'il n'a pour objet que d'assurer l'exécution de la peine qui sera prononcée par le juge d'instruction; il n'y a donc lieu de l'appliquer que dans le cas où l'inculpé serait présumé vouloir se dérober à cette exécution. La même raison semble vouloir supprimer le mandat de dépôt dans une autre hypothèse, celle où c'est le juge d'instruction qui s'est transporté sur les lieux. L'article 34, en effet, a été principalement rédigé en vue du procureur impérial et de ses auxiliaires, qui peuvent décerner le mandat de dépôt, mais qui, n'ayant aucune juridiction, ne peu-. vent prononcer aucune peine. Il fallait donc leur attribuer, quand ils opèrent une visite de lieux, le droit d'employer ce moyen de contrainte. Mais pourquoi le juge, auquel l'article 34 a été rendu commun par l'article 57, y aurait-il recours? que lui servirait de placer l'inculpé en état de détention préalable? Cette détention est inutile s'il peut statuer sur-le-champ. Or rien ne s'oppose, dans le texte de l'article 34, à ce qu'il prononce immédiatement et séance tenante : cet article, après avoir prescrit que le ministère public donne ses conclusions et que l'inculpé soit entendu, ajoute que le juge prononcera sans autre formalité ni délai. L'article 505, dans une hypothèse analogue, pose la même règle.

Si le contrevenant a été mis sous mandat de dépôt ou s'il est resté en liberté, il y a lieu de le citer à comparaître devant le juge d'instruction. Cette citation parait même superflue dans le premier cas. Dans quel délai? La loi n'en fixe pas; c'est au juge à l'apprécier en appliquant la règle établie par l'article 184. Le procureur impérial donne ses conclusions par écrit, car il s'agit d'un acte de la procédure écrite. L'inculpé est entendu dans ses explications; il peut se faire assister par un conseil. S'il ne comparaît pas, il est jugé par défaut, et ce jugement n'est pas susceptible d'opposition. Nous examinerons tout à T'heure si la prohibition de l'appel s'applique à toutes les parties. L'application de la peine donne lieu à deux observations. La première est que les réquisitions du ministère public ne lient pas le juge; il demeure libre de son appréciation. S'il ne peut statuer sans les conclusions du ministère public, il prononce sur ces conclusions, il les juge, il les adopte ou les rejette. La seconde observation est que la loi n'a fixé qu'un maximum; le juge ne peut l'excéder; c'est là tout ce que dispose l'article 34. De là il

suit que la pénalité peut être descendue jusqu'à son taux le plus minime, au taux des peines de police, puisque aucun minimum n'a été déterminé. On a objecté que, l'article ayant prononcé cumulativement les peines d'emprisonnement et d'amende, il était interdit d'appliquer isolément l'une ou l'autre de ces peines. La réponse est que cette cumulation n'est qu'un maximum qui n'exclut pas plus la séparation des deux peines qu'il n'en exclut la réduction: il ne peut y avoir d'autres limites que la limite même de la pénalité légale.

1641. La juridiction répressive du juge d'instruction s'applique, en second lieu, aux témoins défaillants. L'article 80 est ainsi conçu : « Toute personne citée pour être entendue en témoignage sera tenue de comparaître et de satisfaire à la citation, sinon elle pourra y être contrainte par le juge d'instruction, qui, à cet effet, sur les conclusions du procureur impérial, sans autre formalité ni délai et sans appel, prononcera une amende qui n'excédera pas cent francs, et pourra ordonner que la personne citée sera contrainte par corps à venir donner son témoignage. » Cette disposition est empruntée à l'article 3 du titre VI de l'ordonnance de 1670'.

Si la personne citée pour être entendue en témoignage ne comparaît pas, doit-elle, avant toute autre mesure, être réassignée? Telle était la pratique de notre ancienne jurisprudence : « Quand un témoin, dit Jousse, ne comparaît pas pour déposer sur l'assignation qui lui est donnée, le juge ou commissaire doit donner défaut contre lui et ordonner qu'il sera réassigné. S'il ne comparaît pas sur cette seconde assignation, le commissaire doit donner un second défaut et renvoyer à l'audience pour y être contraint. Le juge prononce une amende de dix livres, faute d'y avoir satisfait, et ordonne que le témoin, s'il est laïque, sera pris au corps. Tel est l'usage du Châtelet de Paris*. » Notre législation est plus rigoureuse. La réassignation, avant toute mesure de contrainte, n'est que facultative : le juge peut, sur la première citation, prononcer immédiatement contre le témoin défaillant, après

1 Voici cet article : « Toutes personnes assignées pour être ouïes en témoignage, récolées ou confrontées, seront tenues de comparoir pour satisfaire aux assignations; et pourront y être les laïcs contraints par amende sur le premier défaut, et par emprisonnement de leurs personnes en cas de contumace. › 2 Jousse, tom. II, p. 79, et l'art. 8, tit. XXII, ord. 1667.

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