voir d'évoquer le fond des procès1. Tel était en effet l'objet des articles 4 et 5 du titre XXVI. L'article 4 était ainsi conçu: "Ne pourront nos cours donner aucunes défenses ou surséances de continuer l'instruction des procès criminels, sans voir les charges et informations, et sans conclusions de nos procureurs généraux. Et l'article 5 portait : « Les procès criminels pendants par-devant les juges des lieux ne pourront être évoqués par nos cours, si ce n'est qu'elles connaissent, après avoir vu les charges, que la matière est légère et ne mérite une plus ample instruction, auquel cas pourront les évoquer, à la charge de les juger sur-le-champ. » Il résulte de toutes ces dispositions que notre ancienne législation était empreinte d'une juste sollicitude pour les intérêts que les premiers actes de l'instruction peuvent blesser, et que, tout en posant larègle que l'appel des surséances préparatoires n'était pas suspensif, elle avait adouci la rigueur de cette règle par des tempéraments qui permettaient d'examiner les cas où son application était nécessaire. Notre Code, moins prévoyant, n'est point entré dans ces détails; il ne s'est même pas occupé de l'effet de l'opposition formée contre les ordonnances du juge. Mais on doit inférer de ses diverses dispositions que cette opposition ne doit pas suspendre l'instruction. Et, d'abord, M. Treilhard exprimait à cet égard l'esprit de la loi lorsqu'il disait dans l'exposé des motifs : a Vous verrez avec quelle sagesse on a préparé un examen rigoureux mais prompt, et comme on a pourvu à ce que la partie publique, la partie civile et l'inculpė fissent parvenir leurs réclamations sans que la décision fût aucunement retardéo. » Cette règle de la rapidité de la procédure, qui est assurément une des conditions de la justice criminelle, mais qui n'est pas la seule, domine dans notre Code toute l'instruction préalable. Aucun de ses textes ne suppose que cette instruction puisse être suspendue par un acte quelconque, et lorsqu'il arrive au pourvoi que peut former l'accusé contre l'arrêt qui le met en accusation, il se hâte d'ajouter dans l'article 301 : « Nonobstant la demande en nullité, l'instruction sera continuée jusqu'aux débats exclusivement. » Ainsi, la pensée évidente du législateur a été que l'instruction doit être poursuivie, nonobstant toute opposition, parce que la suspension de la procédure par un fait dépendant de la volonté de l'inculpé apporterait un continuel obstacle à la saisie des pièces de conviction, à la constatation des 1 Muyart de Vouglans, Iustit., p. 370. preuves et à l'arrestation des coupables. C'est aussi dans ce sens que cette question a été résolue par la Cour de cassation dans un arrèt qui déclare: « que les ordonnances des juges d'instruction ne pouvant porter, lorsqu'elles sont soumises à un recours, que sur des mesures relatives à l'instruction ou à l'exécution des jugements qui pourraient en ètre la suite, l'appel qui en serait relevé ne pourrait avoir un effet suspensif qu'autant que la loi l'aurait ordonné, ce qu'elle n'a pas fait 1. » 1633. Le recours doit être porté devant la chambre d'accusation. Cette règle de compétence, qui n'a jamais été contestée, trouve sa justification dans les arrêts qui l'ont fondée. Ces arrêts. portent: « que le juge d'instruction fait nécessairement partie de la chambre du conseil qui, aux termes de l'article 127 du Code, est saisie de la connaissance des affaires instruites par le même juge d'instruction; qu'il serait contre tous les principes que le juge d'instruction put statuer lui-même dans la chambre du conseil sur la validité du refus qu'il aurait fait au ministère public d'obtempérer à une de ses réquisitions; que ce n'est donc que par appel que le ministère public peut se pourvoir contre une ordonnance du juge d'instruction, et que cet appel doit être porté devant la chambre d'accusation *. » A ces motifs on pouvait ajouter, avant la loi du 17 juillet 1856, que le juge d'instruction forme une véritable juridiction, en ce qui concerne les matières sur lesquelles peuvent intervenir ses ordonnances; que cette juridiction, parallèle à celle de la chambre du conseil, ne lui était point subordonnée; que ces deux juridictions, statuant sur des objets distincts, là sur des mesures d'instruction, ici sur des présomptions de culpabilité et sur la compétence, étaient l'une et l'autre soumises à la juridiction supérieure de la chambre d'accusation. Tel est aussi le principe qui a été posé par l'article 539 du Code d'instruction criminelle, qui dispose que : « Lorsque le prévenu ou l'accusé, l'officier chargé du ministère public ou la partie civile, aura excipé de l'incompétence d'un tribunal de première instance ou d'un juge d'instruction, ou proposé un déclinatoire, soit que l'exception ait été admise ou rejetée, nul ne pourra recourir à la Cour de cassation pour être réglé de juges, sauf à se pourvoir devant la cour impériale contre la décision portée contre le tribunal de première instance ou le juge d'instruction. » Or, si l'appel de l'ordonnance du juge d'instruction relative à la compétence est porté directement devant la chambre d'accusation, il est clair qu'il doit en être ainsi de toute autre ordonnance. Aujourd'hui la question est tranchée dans ce sens par la loi du 17 juillet 1856. 1 Arr. cass. 4 août 1820 (J. P., tom. XVI, p. 90). 2 Voy. toutefois M. Rauter, tom. II, p. 339. 3 Arr, cass. 23 déc. 1831 (J. P., tom. XXIV, p. 479); et conf. Arr. cass. 4 août 1820 (J. P., tom. XVI, p. 90); 1er août 1822 (J. P., tom. XVII, p. 559); 10 avril 1829, tom. XXII, p. 912. § V. Exécution des ordonnances du juge, 1634. En règle générale, il appartient aux officiers du ministère public d'assurer l'exécution des ordonnances du juge d'instruction. L'article 28 du Code d'instruction criminelle dispose, en effet, « qu'ils pourvoiront à l'envoi, à la notification et à l'exécution des ordonnances qui seront rendues par le juge d'instruction». Et le Code ne s'est pas même borné à poser ce principe, qui résulte de la délimitation des pouvoirs faite entre le juge et le procureur impérial; il l'a reproduit plusieurs fois en l'appliquant à quelques espèces. L'article 72 porte que « les témoins seront cités par un huissier ou par un agent de la force publique à la requête du procureur impérial ». L'article 122 dit également que l'ordonnance du juge, pour le payement de la somme cautionnée, dans les cas de liberté provisoire, « sera poursuivie à la requête du procureur impérial ». Cette règle, déjà écrite dans l'article 264 du Code du 3 brumaire an IV et dans l'article 22 de la loi du 7 pluviose an IX, avait soulevé quelques difficultés, et la Cour de cassation avait déclaré : « que le directeur du jury qui, par une ordonnance, charge un huissier de l'exécution de cette même ordonnance, fait un acte contraire aux dispositions de l'article 22 de cette dernière loi, d'après lequel l'exécution des ordonnances du directeur da jury est à la charge du substitut*. » L'article 28 de notre Code a eu pour bat de tracer avec plus de précision la ligne qui sépare les deux fonctions: le juge décide et ordonne les mesures d'instruction, il ne peut donner des ordres pour l'exécution de ces 1 Conf. Merlin, Rép., vo Juge d'instruction; Carnot, tom. I, p. 236; Legraverend, tom. I, p. 425; Mangin, tom. I, p. 29. * Arr. cass. 8 mai 1807 (J. P., tom. VI, p. 78). mesures; ces ordres sont dans le domaine du pouvoir exécutif, et c'est dès lors au procureur impérial, agent de ce pouvoir, qu'il appartient de les donner. 1635. Toutefois, cette distinction, quelque claire qu'elle semble, ne contient pas la solution de toutes les difficultés. En premier lieu, lorsque le juge d'instruction agit au cas de flagrant délit, ne doit-il pas faire exécuter lui-même les actes qu'il ordonne? L'affirmative a été décidée par un arrêt de la Cour de cassation du 29 avril 1826; mais cet arrêt déclare en même temps que les mandats d'amener et de dépôt, lors même qu'ils n'ont pas été précédés des conclusions du ministère public, ne peuvent être exécutés qu'à sa requète. On y lit : « que le principe général de la division des pouvoirs entre le juge d'instruction et le ministère public est que, si c'est au juge d'instruction qu'il appartient de rendre des ordonnances et de décerner des mandats d'amener et de dépôt, après avoir communiqué la procédure au procureur du roi, c'est aussi au procureur du roi que la loi a confié le droit de pourvoir à l'envoi, à la notification et à l'exécution de ces ordonnances et de ces mandats, le tout à moins que le législateur n'en ait autrement ordonné par quelque disposition exceptionnelle spécialement déterminée; que si, par son article 59, le Code, faisant exception à la règle posée par l'article 28, a voulu que, dans tous ces cas réputés flagrant délit, le juge d'instruction pût faire directement et par lui-même les actes attribués au procureur du roi, cette extension spéciale doit être circonscrite dans les cas réputés flagrant délit, hors lesquels c'est à la généralité du principe de l'article 28 que le juge d'instruction est tenu de se conformer; qu'à la vérité, l'article 61, après avoir, dans son premier alinéa, défendu au juge d'instruction de faire, hors les cas de flagrant délit, aucun acte d'instruction et de poursuite, avant d'avoir donné communication de la procédure au procureur du roi, a voulu, par exception à cette disposition, que néanmoins il délivrat, s'il y avait lieu, le mandat d'amener ou de dépôt, sans conclusions préalables du ministère public; mais que cette exception, contenue dans le deuxième alinéa de l'article 61, ne dispense éventuellement que des conclusions du procureur du roi ou de son substitut préalables au mandat dont il s'agit, et se tait quant au pouvoir de le faire notifier et de l'exécuter; d'où la conséquence qu'à ce dernier égard, l'article 61 n'a dérogé en rien à la généralité d'attributions conférée au procureur du roi par l'article 28'. » 1636. Ensuite, il ne faut pas induire de cette règle que le juge d'instruction, enfermé dans ses fonctions de juge, ne puisse agir extérieurement pour leur accomplissement. L'article 28 ne lui a interdit que l'envoi, la notification et l'exécution de ses ordonnances; il peut donc, en dehors de ces actes, demander des renseignements, transmettre des commissions rogatoires, et correspondre directement dans l'intérêt du service dont il est chargé. L'ordonnance du 14 décembre 1825 lui a accordé, en conséquence, le droit de correspondance en franchise, par lettres sous bandes ou closes par nécessité, avec les officiers du ministère public, les autres juges d'instruction, les juges de paix, les préfets et les sous-préfets, les présidents des assises, les maires, les commissaires de police et les officiers de gendarmerie. Il serait désirable que cette franchise fût étendue jusqu'aux maréchaux-des-logis et brigadiers, lorsqu'ils commandent une brigade détachée. Les articles 60, 84, 85, 90, 193 du Code d'instruction criminelle énoncent quelques-uns des cas où cette communication directe du juge avec certains fonctionnaires, pour l'exécution des actes de l'instruction, est formellement prescrite. Nonobstant ce droit de correspondance directe donnée au juge pour la transmission des pièces, les demandes de renseignements et les instructions qu'il peut donner relativement à l'exécution de ses actes, il faut reconnaître que le principe de la séparation du droit de prescrire et du droit de faire exécuter, appliqué trop rigoureusement, amènerait dans la pratique des lenteurs continuelles, à raison de la nécessité du concours de deux magistrats pour chaque acte de la procédure. L'usage, en conséquence, a fait généralement admettre que, pour les actes les plus minimes ou les plus urgents, le juge peut donner lui-même l'ordre d'exécution: tels sont, sous le premier rapport, les citations de témoins ou les extractions de détenus pour subir un interrogatoire, et sous le deuxième rapport, les mandats de comparution ou d'amener, et le mandat de dépôt décerné contre un détenu : 1 Arr. cass. 29 avril 1826 (J. P., tom. XX, p. 438). 2 Massabiau, tom. III, p. 456. |