Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]
[ocr errors]

<«< minerai la nature de ce vice et ce en quoi il con<< siste; secondement je considérerai jusqu'où s'étend <«< la défense qui nous est faite de nous y livrer; troi«sièmement je montrerai le mal de cette habitude << tant dans ses causes que dans ses effets; quatriè<< mement j'ajouterai quelques considérations supplémentaires pour en détourner les hommes ; cinquièmement je donnerai quelques règles et direc«<tions qui serviront à l'éviter et à le guérir1. » Quel style! Et il est partout pareil. Rien de vivant; c'est un squelette avec toutes ses attaches grossièrement visibles. Toutes les idées sont étiquetées et numérotées. Les scolastiques n'étaient pas pires. Ni verve ni véhémence, point d'esprit, point d'imagination, nulle idée originale et brillante, nulle philosophie, des citations d'érudit vulgaire, des énumérations de manuel. La lourde raison raisonnante arrive avec son casier de classifications sur une grande vérité de

1. Firstly: Ishall consider the nature of this vice and wherein it consists;

Secondly I shall consider the due extent of this prohibition. Thirdly: I shall shew the evil of this practice both in the causes and effects of it.

Fourthly: I shall add some farther considerations to dissuade men of it.

Fifthly: I shall give some rules and directions for the prevention and cure of it.

I proceed to :

Third Place To consider the evil of this practice, both in the causes and consequences of it.

Firstly: We will consider the causes of it; and it commonly springs from one or more of these evil roots:

First One of the deepest and most common causes of evil speaking is ill nature and cruelty of disposition.

[ocr errors]

cœur ou sur un mot passionné de la Bible, l'examine positivement, puis négativement, » y démêle « un enseignement, puis un encouragement, » met chaque morceau sous une étiquette, patiemment, infatigablement, si bien que parfois il faut trois sermons complets pour achever la division et la preuve, et que chacun d'eux, à l'exorde, contient le mémento méthodique de tous les points traités et de tous les arguments fournis. Les disputes de notre Sorbonne ne se faisaient pas autrement. A la cour de Louis XIV, on l'eût pris pour un échappé de séminaire; Voltaire l'appellerait curé de village. Il a tout ce qu'il faut pour choquer les gens du monde, et il n'a rien de ce qu'il faut pour les attirer. C'est qu'il ne s'adresse

point à des gens du monde, mais à des chrétiens; ses auditeurs n'ont pas besoin ni envie d'être piqués ou amusés; ils ne demandent pas des raffinements d'analyse, des nouveautés en matière de sentiments. Ils viennent pour qu'on leur explique l'Écriture et qu'on leur prouve la morale. La force de leur zèle ne se manifeste que par le sérieux de leur attention. Que d'autres fassent du texte un prétexte; pour eux, ils s'y attachent; c'est la parole même de Dieu, on ne peut trop s'y appesantir. Ils veulent qu'on cherche le sens de chaque mot, qu'on interprète le passage phrase à phrase, par lui-même, par ses alentours, par les passages semblables, par l'ensemble de la doctrine. Ils consentent à ce qu'on cite les diverses leçons, les diverses traductions, les diverses interprétations; ils sont contents de voir l'orateur se

faire grammairien, helléniste, scoliaste. Ils ne se rebutent pas de toute cette poussière d'érudition qui s'échappe des in-folio pour leur voler sur la figure. Et le précepte posé, ils exigent l'énumération de toutes les raisons qui l'appuient; ils veulent être convaincus, emporter dans leur tête une provision de bons motifs vérifiés pour toute la semaine. Ils sont venus là sérieusement, comme à leur comptoir ou à leur champ, pour s'ennuyer et abattre de la besogne, pour peiner et piocher consciencieusement dans la théologie et dans la logique, pour s'amender et s'améliorer. Ils seraient fàchés d'être éblouis. Leur grand sens et leur gros bon sens s'accommodent bien mieux des discussions froides; ils demandent des enquêtes et des rapports méthodiques en matière de morale comme en matière de douane, et traitent de la conscience comme du porto ou des harengs.

:

C'est en cela par exemple que Tillotson est admirable. Sans doute il est « pédant, » comme disait Voltaire; il a « toute la mauvaise grâce contractée à <«< l'université » il n'a point été « poli par le com<< merce des femmes, » il ne ressemble pas à ces prédicateurs français, académiciens, beaux diseurs, qui par un air de cour, par un Avent bien prêché, par les finesses d'un style épuré, gagnent le premier évêché vacant et la faveur de la bonne compagnie. Mais il écrit en parfait honnête homme, on voit qu'il ne cherche point du tout la gloire d'orateur; il veut persuader solidement, rien de plus. On jouit de cette clarté, de ce naturel, de cette justesse, de cette

loyauté entière. « La sincérité, dit-il quelque part, a << tous les avantages de l'apparence et beaucoup « d'autres encore. Si l'étalage d'une chose est bon en

[ocr errors]
[ocr errors]

quelque façon, il est sûr que la sincérité est meil«leure. En effet, pourquoi un homme dissimule-t-il « ou semble-t-il être ce qu'il n'est pas, sinon parce qu'il est bon d'avoir la qualité qu'il veut prendre? « Car contrefaire et dissimuler, c'est mettre sur soi l'apparence de quelque mérite. Or le meilleur «< moyen du monde pour un homme de paraître quelque chose, c'est d'être réellement ce qu'il veut « paraître, outre que bien des fois il est aussi in- . « commode de soutenir le semblant d'une bonne

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

(

qualité que de l'avoir. Et si un homme ne l'a pas,

il y a dix à parier contre un qu'on découvrira qu'il en est dépourvu, et alors tout son travail << et toutes les peines qu'il a prises pour la feindre << sont perdus. Il est difficile de jouer un rôle et « de faire le comédien longtemps, car lorsque la «< vérité n'est pas au fond, le naturel s'efforcera toujours de revenir, percera et se trahira un jour <«< ou l'autre. C'est pourquoi, si un homme juge à << propos de sembler bon, qu'il le soit effectivement, «<et alors sa bonté apparaîtra de façon à ce que per<< sonne n'en doute, de sorte que, tout compte fait, « la sincérité est la vraie sagesse '. » On est tenté

[ocr errors]

1. Truth and reality have all the advantages of appearance, and many more. If the show of anything be good for anything, I am sure sincerity is better: for why does any man dissemble, or seem to be that which he is not, but because he thinks it good

de croire un homme qui parle ainsi; on se dit: « Cela est vrai, il a raison, il faut agir comme il le « dit. » L'impression qu'on reçoit est morale, non littéraire; le discours est efficace, non oratoire; il ne donne point un plaisir, il conduit vers une action.

Dans cette grande manufacture de morale, où chaque métier tourne aussi régulièrement que son voisin avec un bruit monotone, on en distingue deux qui résonnent plus haut et mieux que les autres, Barrow et South: non pas que la lourdeur leur manque; Barrow avait. toute apparence d'un cuistre de collége, et s'habillait si mal qu'un jour, prêchant à Londres devant un auditoire qui ne le connaissait pas, il vit la congrégation presque entière quitter l'église à l'instant. Il expliquait le mot euyapotiv en chaire avec tous les agréments d'un dictionnaire, commentant, traduisant, divisant et subdivisant

to have such a quality as he pretends to? for to counterfeit and dissemble, is to put on the appearance of some real excellency. Now, the best way in the world for a man to seem to be anything, is really to be what we would seem to be. Besides that it is many times as troublesome to make good the pretence of a good quality, as to have it; and if a man have it not, it is ten to one but he is discovered to want it, and then all his pains and labour to seem to have it are lost. There is something unnatural in painting, which a skilful eye will easily discern from native beauty and complexion.

It is hard to personate and act a part long; for where truth is not at the bottom, nature will always be endeavouring to return, and will peep out and betray herself one time or other. Therefore, if any man think it convenient to seem good, let him be so indeed, and then his goodness will appear to every body's satisfaction; so that, upon all accounts, sincerity is true wisdom.

« PreviousContinue »