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Où brillent suspendus les chefs-d'œuvre de l'onde.
Architecte, sculpteur, et peintre en même-temps,
L'onde seule embellit ces lambris éclatans,
Descend en girandole et se courbe en arcade,
S'arrondit en bassin, s'élève en colonnade,
Se découpe en festons, se moule en chapiteaux,
Se groupe quelquefois en brillans végétaux.
A suivre tous ces jeux dans leur caprice extrême,
L'imagination se fatigue elle-même.

Jouissant, admirant, et créant à la fois,
L'inconstante souvent les compose à son choix;

Elle en fait des bouquets, des lances, des trophées:
On dirait qu'en ces lieux habitèrent les fées,

On dirait que Cybèle a,

dans ces antres frais,

Chargé le dieu des eaux de bâtir son palais.
Non, jamais dans ses traits jetés à l'aventure,
Le hasard ne sut mieux embellir la nature.

Enfin, viens à ton tour prendre place en mes vers ;
Ornement de la Grèce, antique enfant des mers,
Superbe Antiparos! dont les brillantes routes,
De dédale en dédale, et de voûtes en voûtes,
Conduisent dans cet antre auguste et ravissant,
D'un éclatant albâtre amas éblouissant,
Que sans nous façonna l'architecte suprême!
Là, digne d'un tableau si digne de lui-même,
Descendit Tournefort; là le pieux Nointel,
Changeaut ces lieux en temple et l'albâtre en autel,
Voulut solenniser avec magnificence

Cette nuit que du Christ consacra la naissance;
Et sans autre ornemens que ces brillans crystaux,
A l'éclat de la voûte, aux clartés des flambeaux
Qui relevaient encore leur riche architecture,
La nature fêta le dieu de la nature.

Et toi, de cette terre hôte tumultueux,

Toi, de tous les pouvoirs le plus impétueux,
Volcan! le feu nourrit ta fougue triomphante,
Le feu te réclamait, mais la terre t'enfante;
Viens donc, viens de mon vers ranimer les élans,
Toi qui ronges ta mère et déchires ses flancs.

Tel qu'avant d'éclater dans le sein de nos villes,
Couve en secret le feu des discordes civiles;
Tel, préparant la mort et les embrâsemens,
Le volcan contre nous arme les élémens;
Il les appelle tous à cette horrible guerre ;
Il part; il va chercher dans le sein de la terre
Des bois pétrifiés les amas charbonneux,
De l'huile des rochers les flots bitumineux,
incendiaires,
De son prochain ravage ardens auxiliaires.
Déjà, de l'incendie affreux avant-coureurs,
De sourds frémissemens annoncent tes fureurs ;
Le feu dilate l'air, il évapore l'onde;

Les pyrites, les sels, les gaz

Le monstre se débat dans sa prison profonde;
Des rochers escarpés, des montagnes, des bois,
En vain pèse sur lui l'épouvantable poids.
Tel que, pour expier sa rebelle escalade,
Sous des rocs entassés le superbe Encelade,
La bouche haletante et le sein enflammé,
Soulève le fardeau dont il est opprimé,

Et, changeant de côté pour changer de torture
Ébranle au loin la terre avec un long murmure;
Ou, tel qu'un peuple ardent tout à coup révolté,
A travers des débris cherchant la liberté,
De sa propre fureur, en désastres féconde,
Se dévore lui-même, et ravage le monde :
Tel, et plus furieux, le volcan effréné
Lutte contre le mont qui le tient enchaîné:
Plus il fut captivé, plus il sera terrible.

T

L'instinct a pressenti l'explosion horrible ;
Les troupeaux consternés quittent ce sol brûlant,
L'oiseau part effrayé, le chien fuit en hurlant.
Enfin il rompt sa voûte; il brise ses murailles;
De ses flancs déchirés il vomit ses entrailles ;
Mélange de fumée, et de cendre, et d'éclairs,
En colonne rougeâtre il monte dans les airs;
Du noir abîme aux cieux il fait voler la pierre,
De ses sillons brûlans laboure au loin la terre,
Et des rochers dissous, et des métaux fondus,
Roule en flots enflammés les torrens confondus.
Adieu les fleurs, les fruits et la moisson naissante;
Tout tremble, tout frémit; la terre mugissante
Secoue avec fureur ses abîmes profonds,

Et les tours des cités, et les forêts des monts.
Les vallons sont comblés, et les sommets s'abaissent;
Des fleuves sont formés, des fleuves disparaissent.
Il parcourt, il enflamme et la terre et les airs;
Il gonfle les torrens, il soulève les mers;

Et le ciel réunit, pour châtier le monde,
Au déluge du feu, le déluge de l'onde.

Oh! quels mortels un jour, Empedocles nouveaux, (26)
Oseront pénétrer dans ces brûlans caveaux ?
Moi-même quelquefois de ces grands phénomènes
Je crois au fond du gouffre interroger les scènes ;
J'ose affronter de près, sans craindre son réveil,
Du volcan assoupi le terrible sommeil ;
Fouler au pied ce sol qu'un feu secret dévore,
Aspirer ces vapeurs qui menacent encore,
Reconnaître du feu les vestiges fumans,
Du terrain crevassé les longs déchiremens,
Les éclats refroidis de ces voûtes ardentes,
Leurs décombres épars, leurs ruines pendantes,
Des métaux embrâsés les débris sulfureux,

Les rocs minés, rongés, calcinés par les feux;
Et, sorti triomphant de leur prison profonde,
De leurs foudres éteints j'effraie encor le monde.
Que dis-je ? Ces volcans, rapides destructeurs,
Mais quelquefois aussi hardis fabricateurs,
Mêlent de grands travaux à d'horribles ravages.
Osons donc à leur tour décrire les ouvrages
De ce Dieu qui bâtit d'un art audacieux
Les prisons de l'enfer et les palais des cieux.
On l'a vu, de la terre embrâsant les entrailles,
Changer le noir basalte en superbes murailles :
Tel aux champs de Staffa ses étonnans travaux
D'un palais volcanique ombragèrent les eaux.
Le voyageur le voit : il s'arrête, il admire

Ce chef-d'œuvre où la mer vient, gronde, et se retire;
Ces cubes entassés, ces prismes merveilleux,
Dont Vulcain décora son fronton orgueilleux,
Et le cintre hardi de sa pompeuse arcade,
Et sa majestueuse et double colonnade,
Et des brûlans débris du globe tourmenté
Le désordre enfantant la régularité.

Cette grotte enchantée, et ce séjour magique,
De Fingal, nous dit-on, fut la demeure antique.
Là, résonnaient sa lyre, et ses chants solennels.
Laissons là ces récits : dans ses vers immortels,
Son fils lui construisit un plus superbe temple.
Ce vaste monument que Cœil surpris contemple,
Sorti du sein des eaux, et bâti par les feux,
Un jour, peut-être, un jour, sera détruit par eux ;
Mais ceux où de Fingal la mémoire se fonde
N'auront d'autre tombeau que les débris du monde.

FIN DU QUATRIÈME CHANT.

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