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NOTES

DE LA QUATRIÈME ÉPÎTRE.

O bonheur ! dont l'instinct fut créé par Dieu méme, etc.

Ce début est plein d'imagination et de sensibilité : mais

comment Pope oublie-t-il de compter l'amour parmi les passions qui donnent, ou du moins promettent le bonheur? Il avoit sans doute aimé, puisqu'il a si bien peint la tendresse d'Héloïse. Avoit-il jugé que les malheurs de l'amour l'emportoient sur ses jouissances? Étoit-il détrompé de toutes ses illusions quand il écrivit l'Essai sur l'Homme? Quelle que soit la raison de ce silence, il a donné à Voltaire le sujet de cet agréable madrigal :

Pope l'Anglais, ce sage si vanté,

Dans sa morale au Parnasse embellie,
Dit que les biens, les seuls biens de la vie,
Sont le repos, l'aisance et la santé.

Il s'est trompé : quoi! dans l'heureux partage
Des dons du ciel faits à l'humain séjour,

Ce triste Anglais n'a pas compté l'amour?

Qu'il est à plaindre! il n'est heureux ni sage.

Cette épître n'a pas tant d'éclat et de richesse dans le style que la première et la troisième; elle a moins de

profondeur et d'énergie que la seconde. Pope a cru devoir écrire avec simplicité sur le bonheur et la vertu.

Vois expirer Falkland, etc.

Le vicomte de Falkland, l'un des hommes les plus intègres, les plus éclairés et les plus courageux de l'Angleterre, fut tué en 1643, à l'âge de trente-quatre ans, dans la bataille de Newbury. Il étoit le secrétaire de Charles Ier, qu'il défendit toujours contre les rebelles.

Vois le divin Turenne

Par la foudre guerrière étendu sur l'arène, etc.

Il faut observer que Pope est peut-être le seul grand poète de l'Angleterre qui rende justice aux hommes illustres de notre nation : il a loué, dans l'Essai sur la Critique, Despréaux; et, dans ses lettres, quelques uns de nos auteurs célèbres. Ses compatriotes outragent, au contraire, dans leurs vers et dans leurs préfaces, les noms les plus respectables de la France. Nos bons écrivains se conduisent avec bien plus de décence et d'impartialité, comme l'a déjà remarqué Voltaire dans son Histoire générale : ils ont loué sans prévention tous les talens étrangers. C'est une preuve de notre supériorité, qui me semble incontestable en littérature. Il est vrai qu'on rencontre quelquefois, dans les sociétés de Paris, des voyageurs Irlandais, Allobroges, Germains, Esclavons, qui, sur la foi de quelques journaux de leur patrie, viennent nous apprendre que nous n'avons point encore de poésie; que notre théâtre, dont nous sommes si fiers, est fort au-dessous de celui de Londres; que Voltaire

n'étoit qu'un bel esprit, et surtout qu'il n'entendoit rien à l'harmonie des vers français. L'indulgence avec laquelle on écoute ces plaisantes assertions, prouve que, malgré la calomnie, notre nation n'a du moins rien perdu de sa politesse et de son urbanité.

Vois le jeune Sidney sous le glaive abattu, etc.

Le chevalier Philippe Sidney, auteur d'un roman fort estimé, intitulé l'Arcadie, eut des vertus égales à ses talens : il fut tué, en 1586, dans une petite action, qui se passa près de Zutphen, entre les Anglais et les Espagnols.

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Je ne puis pas mieux faire connoître Digby qu'en rapportant l'épitaphe que Pope fit graver sur le tombeau de ce vertueux jeune homme. « Va, dit-il, bel exemple » d'une jeunesse non corrompue, d'une habileté mo» deste, et d'une véracité pacifique; aussi peu ému dans >> les souffrances que modéré dans la joie; homme de » bien sans éclat, et vraiment grand sans prétendre à » l'être; fidèle dans tes promesses, rempli de candeur; >> toi, qui ne formois jamais de souhaits, que tu ne » pusses les avouer; qui joignois, aux moeurs les plus » douces, un esprit exempt d'affectation; ami de la paix >> et du genre humain, va! vis à jamais! etc. »>

Je dois cette note à Silhouette.

Horace et Voltaire, qui ont tant mis de grâce et de noblesse dans la louange, n'ont pas mieux possédé que

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Pope cet art difficile. Le dernier y répand même plus de charme et d'intérêt; il semble qu'il ait besoin d'épancher un sentiment quand il donne un éloge, et non pas de montrer son esprit ou d'acquitter un devoir.

Et par quelle faveur ce ciel trop indulgent,
Propice aux vœux d'un fils, à ceux de l'indigent,
Ajoute-t-il des jours aux longs jours de ma mère? etc.

C'est une des plus douces jouissances qu'un poète puisse trouver dans son talent, que le plaisir de consacrer le nom des parens et des amis qui lui sont chers; mais il faut imiter alors la simplicité touchante de Pope et d'Ho-race, qui, dans une de ses plus belles épîtres, rappelle si heureusement le souvenir de son père.

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Ces expressions, le mal moral, le mal physique, seroient trop sèches dans un ouvrage d'un autre genre; elles trouvent leur place naturelle dans l'Essai sur l'Homme: si une critique sévère et minutieuse les rejetoit, on ne pourroit exprimer ce qu'elles veulent dire que par de longues périphrases moins heureuses que le mot propre.

C'est du coeur du méchant que le mal est sorti, etc.

Il n'y a point dans l'original de vers qui réponde littéralement à celui-là. J'ai tiré cette idée d'un passage assez obscur; j'ai adopté le sens le plus religieux.

Pope lui-même, dans une lettre à Racine le fils, convient que l'origine du mal ne peut s'expliquer que par la chute de l'homme.

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