Page images
PDF
EPUB

et qui se trouve d'ailleurs en état de perpétuelle révolte. A la première guerre européenne il faudrait sans doute aux Turcs de reculer vers l'Asie, si même Constantinople restait entre leurs mains; or, en cédant quelques provinces de la frontière à la Russie, il restait encore assez de place pour faire bonne figure comme puissance asiatique de second ordre, et voilà que les compétitions arméniennes venaient créer des difficultés de ce côté.

On a persuadé le Sultan qu'il hâterait la perte de son empire en acquiesçant à la moindre concession en faveur des Arméniens; incapable de comprendre qu'en défaut de tout avantage politique il devait au moins à ses sujets arméniens une administration impartiale et juste, le Sultan a, au contraire, voulu étouffer la question en opprimant le malheureux peuple auquel cette question appartenait.

La seule consolation de l'Arménien avait été jusque là la liberté relative avec laquelle il pouvait exercer sa foi, parler sa langue, vénérer les grandes figures de son histoire. Quand l'Arménien de Constantinople, à la fête du héros national Vartan, chantait à l'école de son quartier la cantate de vengeance et allait voir le soir au théâtre l'épopée de la guerre religieuse de 451 (p. J.-C.), il était content. Il y avait là une vie idéale, faite de souvenirs, qui suffisait à satisfaire ses aspirations.

Le Sultan, aveuglé par son fanatisme, a attaqué la nation arménienne de son côté le plus sensible; il n'existait encore aucun comité révolutionnaire quand le Sultan a défendu l'impression dans son empire et l'étude dans les écoles arméniennes de l'histoire d'Arménie, ainsi que les représentations théâtrales tirées de cette histoire. Peu à peu l'oppression s'est accentuée; il a été défendu aux journaux d'employer le mot 'Arménie,' de faire allusion au passé de la nation, de traiter même les affaires nationales. On a commencé à arrêter les Arméniens sous de futiles prétextes; porter la coiffure nationale dite Arakhdji même était considéré comme un crime et les délinquants jetés dans les cachots.

Les espions enchérissant sur les tendances du Palais, se sont mis de suite à signaler des complots et révolutions alors qu'il n'en existait aucun. Tout le monde s'attaquait à l'Arménien et une animosité de race et de religion, alimentée aussi en partie par la presse turque de Constantinople, s'est ainsi enracinée peu à peu dans le cœur du Turc.

Il n'en fallait pas davantage pour donner l'éveil à l'Arménien ; privé de son histoire passée, il était naturel qu'il désirât s'en faire une nouvelle; l'oppression morale et économique l'y poussait déjà ; c'est presque sous le coup d'une nécessité que les comités se sont formés et les Turcs s'en sont effrayés avec d'autant plus de raison que l'existence des comités se révélait à Constantinople et dans les provinces par une activité calculée et méthodique.

Un gouvernement sage aurait vu dans la formation même de ces comités et surtout dans la facilité avec laquelle ils réussissaient à

enrôler des adeptes la condamnation de sa politique, puisque cette politique donnait naissance à une organisation dangereuse pour l'Empire. Le Sultan y a vu, au contraire, la confirmation de la justesse de la direction qu'il avait donnée à la cupidité de ses fonctionnaires et au fanatisme de ses sujets musulmans.

Alors, les régiments kurdes de Hamidieh ont été formés, tandis que le régime des suspects devenait de jour en jour plus sévère; des arrestations en masse ont eu lieu et les tortures les plus barbares ont été données aux Arméniens dans les prisons.

Les ulémas et les cheikhs excitant continuellement leurs coreligionnaires, les fonctionnaires et les espions opprimant sans cesse les Arméniens qu'ils signalaient au fanatisme musulman comme les ennemis de la foi et de l'empire!' (duchmeni dine ou devlett), il en est résulté une tension de rapports qui devait naturellement avoir pour conséquence l'effusion de sang à la première occasion.

L'écho que les massacres de Sassoun ont trouvé en Europe y a servi de prétexte; le courage avec lequel les Arméniens ont mis sous les yeux du monde civilisé les circonstances dans lesquelles leurs malheureux compatriotes avaient été passés au fil de l'épée a encore aiguisé la haine du Sultan, qui se voyait cette fois personnellement

en cause.

Ayant ordonné lui-même le massacre, c'était sa responsabilité personnelle qui se trouvait engagée; le Sultan a vu qu'il y allait peut-être de son trône et n'a pas hésité à jouer son atout.

Aussi son premier soin a-t-il été de mettre le hola sur l'Arménien qu'il a dénoncé cette fois comme en état de rébellion ouverte ; il s'est ensuite servi du fanatisme musulman comme d'une arme à opposer à toute intervention étrangère en faveur des Arméniens et même à toute tentative de protection morale.

En effet, avant que les massacres eussent commencé, il signalait déjà l'éventualité de l'explosion du fanatisme musulman aux diplomates étrangers toutes les fois que ceux-ci le mettaient au pied de mur pour obtenir quelques concessions!

Et il faut noter que le courant libéral chez les Turcs reprenait de force juste au même moment; on avait découvert des sociétés secrètes a l'école militaire, à l'école de médecine et à l'école préparatoire de Kouléli; et au journal Hurriett (La Liberté) publié depuis plus d'un an à Londres par un éminent publiciste arabe qui signe Djivanpire, étaient venus s'ajouter le Mechverett (Le Parlementarisme) et le Mizan (La Balance). Le danger grondait aussi de ce côté, il fallait une nouvelle diversion.2

2 Au lendemain de la manifestation arménienne du 30 septembre 1895 le parti jeune-turc a publié un manifeste à Constantinople approuvant les revendications des Arméniens et invitant les musulmans à s'unir à eux; l'avocat Adjem Izzet effendi, chef du Comité Hurriett, a été arrêté et on ne sait pas ce qu'il est devenu depuis.

On a dit que c'était la manifestation arménienne de la Sublime Porte (30 septembre 1895) qui avait provoqué les massacres; c'est une grande erreur : la manifestation armée, si regrettable qu'elle soit, n'a servi que de prétexte; elle n'a nullement été une cause; c'est la politique du Sultan, des ordres émanant directement du Palais qui ont été cause des massacres; les consuls étrangers en Arménie pourront déclarer que les préparatifs en étaient faits depuis trois mois et que la menace en était proférée partout publiquement.

D'ailleurs les derniers événements de Constantinople n'ont laissé aucun doute quant à la culpabilité et la complicité des autorités dans l'effusion de sang.

IV

Et présent quelle solution pourrait dénouer la situation? voilà la question, très grave, qui occupe en ce moment le monde politique. Avant de dire quelques mots sur ce sujet, nous voulons détruire certaines illusions qu'on se fait encore en Europe.

On croit que tout en laissant au Sultan continuer sa manière de gouverner, on peut améliorer la situation des Arméniens et par conséquent la situation générale de la Turquie. C'est une erreur.

Le Sultan doit régner mais non pas gouverner. Rien à espérer tant qu'il aura la faculté de se mêler des affaires d'état ; cela doit être le premier point du credo dans la solution à adopter.

Il faudrait donc établir à Constantinople un contrôle européen ou une représentation nationale, qui aurait alors pour base une constitution élaborée conformément au principe de décentralisation, seul principe qui puisse donner satisfaction aux différents éléments formant la population de l'Empire ottoman. Cela serait le système autrichien de nationalités, atténué et approprié aux circonstances locales.

Pourtant, même en cette seconde éventualité la surveillance européenne serait nécessaire pour plusieurs années, afin de contrecarrer les velléités du souverain qui voudrait sans doute attenter de nouveau aux droits de ses sujets, comme il l'a fait une première fois. Et l'agrément du Sultan à la solution, comment l'obtenir ?

Voici notre idée là-dessus: Si les ambassadeurs des six grandes puissances, agissant loyalement (mais avec une loyauté sincère), se rendaient ensemble au Palais de Yildiz et présentaient au Sultan, comme à un condamné, les décisions de l'Europe, avec la menace réelle d'une rupture collective immédiate, tout serait accepté en dix minutes.

Mais tant qu'il se trouvera une puissance quelconque, qui intriguera, ouvertement ou dans les coulisses peu importe, ou qui gardera simplement une attitude réservée, le Sultan n'acceptera rien. Il y a encore l'emploi de la force; là il s'agirait de la manière VOL. XL-No. 237

3 A

dont la force serait employée. Si l'on agit énergiquement, le Sultan, poltron de nature, cédera; mais si l'on emploie la force graduellement, d'une manière soi-disant méthodique, une opposition plus ou moins sérieuse est possible; le Sultan brûlerait alors ses vaisseaux en tâchant de provoquer une guerre européenne; mais l'Europe se rendrait ridicule si Abd-ul-Hamid pouvait faire la pluie et le beau temps suivant ses convenances.

DIRAN KÉLÉKIAN.

1896

THE VOLUNTARY SCHOOLS

WHEN the first Board schools were established the Voluntary schools, then without rivals in the field, were educating about two-fifths of the children who ought to have been in elementary schools. At the present date, after a quarter of a century of severe competition, they. are educating four-sevenths. The number of children in Voluntary schools was in 1870 little more than a million; in 1895, nearly two millions and a half. It is instructive to inquire why the promoters of a system which has shown such a marvellous power of growth should be now crying out for their schools to be saved from extinction. A review of the facts will prove that the difficulties which are now occupying the public mind have been before statesmen for half a century, and that, although they have been much discussed, and to some extent successfully evaded, they have never been solved. It will also show how ignorant of the history of the past those party politicians were who brought against the proposals of the Government in the Bill of 1896 the accusation of novelty.

The education of the people had been taken in hand by the Church of England, and other religious societies, long before the nation awoke to its obligations in that regard. The first Treasury grant, amounting to 20,000l., and appropriated to the erection of 'schoolhouses,' was made in 1833. From that date to 1870 the action of the State in promoting national education was confined to the grant of continually increasing subsidies to Voluntary schools established and managed by religious bodies, and to such control as conditions attached to the reception of the grant conferred. For a long time the idea of establishing schools which should be independent of all religious bodies was not within the sphere of practical politics; separation between secular and religious instruction, was. generally scouted. In 1840 the Government were strongly of opinion that no plan of education ought to be encouraged in which intellectual instruction is not subordinate to the regulation of the thoughts and habits of the children by the doctrines of revealed religion.' As late as 1853 a grant was refused to a secular school on the ground that 'education grants had not hitherto been applicable The actual numbers were-in 1870, 1,152,389; in 1895, 2,445,812.

[blocks in formation]
« PreviousContinue »