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LIVRE X.

LA transgression de l'homme étant connue, les Anges de garde quittent le Paradis et retournent au ciel pour justifier leur vigilance; ils sont approuvés. Dieu déclarant que l'entrée de Satan n'a pu être prévenue par eux Dieu envoie son fils pour juger les transgresseurs; il descend et prononce conformément la sentence. Alors il en a pitié, les vêtit tous deux et remonte vers son Père. Le PÉCHÉ et la MORT, asssis jusqu'alors aux portes de l'Enfer, par une merveilleuse sympathie, sentant le succès de SATAN dans ce nouveau monde, et la faute que l'homme y a commise, se résolvent de ne pas rester plus long-temps confinés dans l'Enfer et de suivre Satan, leur Père, dans la demeure de l'homme. Pour faire une route plus commode pour aller et venir de l'enfer à ce monde, ils pavent çà et là un large grand chemin ou un pont au-dessus du Chaos en suivant la première trace de Satan. Ensuite se préparant à gagner la terre, ils le rencontrent, fier de son succès, revenant à l'Enfer. Leurs mutuelles félicitations. SATAN arrive à Pandemonium. Il raconte avec jactance en pleine assemblée son succès sur l'homme. Au lieu d'applaudissemens il est accueilli par un sifflement général de tout son auditoire, transformé tout à coup, ainsi que lui-même, en serpens, selon sa sentence prononcée dans le Paradis. Alors trompés par une apparence de l'arbre défendu qui s'élève devant eux, ils cherchent avidement à atteindre le fruit et mâchent de la poussière et des cendres amères. Progrès du Péché et de la Mort. Dieu prédit la victoire finale de son Fils sur eux et le renouvellement de toutes choses; mais pour le moment il ordonne à ses Anges de faire divers changemens dans les cieux et les Élémens. Adam, apercevant de plus en plus sa condition dégradée, se lamente tristement, et rejette la consolation d'Eve. Elle persiste, et l'apaise à la fin. Alors pour empêcher la malédiction de tomber probablement sur leur postérité, elle propose à Adam des moyens violens, qu'il n'approuve pas. Mais concevant ure meilleure espérance, il lui rappelle la dernière promesse qui leur fut faite, que sa race se vengera du serpent, et il l'exhorte à chercher avec lui la réconciliation de la Divinité offensée par le repentir et la prière.

LIVRE X.

Cependant l'action haineuse et méchante, que Satan avait faite dans Eden, était connue du ciel; on savait comment dans le serpent il avait séduit ÈVE, elle son mari et l'avait engagé à goûter le fruit fatal. Car qui peut échapper à l'œil de DIEU qui voit tout, ou tromper son esprit qui sait tout? Sage et juste, en toutes choses, l'Éternel n'empêcha point SATAN de tenter l'esprit de l'homme armé d'une force entière et d'une volonté libre, parfaites pour découvrir et repousser les ruses d'un ennemi ou d'un faux ami. Car ADAM et ÉVE connaissaient et devaient toujours se rappeler l'importante injonction de ne jamais toucher au fruit, qui que ce fût qui les tentât. N'obéissant pas, ils encoururent la peine que ponvaient-ils attendre de moins? La complication de leur péché méritait leur chute.

Les gardes angéliques du Paradis se hâtèrent de monter au ciel, mornes et abattus, en songeant à l'homme, car par ceci, ils connaissaient son état; ils s'étonnaient beaucoup que le subtil ennemi, sans être vu, leur eût dérobé son entrée.

Sitôt que ces fâcheuses nouvelles arrivèrent de la terre à la porte du ciel, tous ceux qui les entendirent furent affligés. Une sombre tristesse n'épargna pas dans ce moment les visages divins; cependant mêlée de pitié, elle ne viola pas leur béatitude. Autour des nouveaux arrivés, le peuple éthéré accourut en foule, pour écouter et apprendre comment tout était advenu. Ils se hâtèrent vers le trône suprême, responsables qu'ils étaient, afin d'exposer dans un juste plaidoyer leur extrême vigilance, aisément approuvée. Quand le Très-Haut, l'Éternel PÈRE, du fond de son secret nuage, fit sortir ainsi sa voix dans le

tonnerre:

« Anges assemblés, et vous Puissances reve<< nues d'une commission infructueuse, ne soyez « ni découragés, ni troublés de ces nouvelles de << la terre que vos soins les plus sincères ne pou« vaient prévenir ! J'avais prédit dernièrement « ce qui arriverait, lorsque pour la première fois << le tentateur, sorti de l'enfer, traversait l'abîme. « Je vous ai annoncé qu'il prévaudrait, prompt

« dans son mauvais message; que l'homme serait « séduit, perdu par la flatterie, et croyant le mena songe contre son Créateur. Aucun de mes dé« crets concourant n'a nécessité sa chute, ou « touché du plus léger mouvement d'impulsion « sa volonté libre laissée à sa propre inclination « dans un juste équilibre. Mais l'homme est << tombé, et maintenant que reste-t-il à faire « sinon à prononcer l'arrêt mortel contre sa << transgression, la mort dénoncée pour ce jour « même. Il la présume déjà vaine et nulle, parce qu'elle ne lui a pas encore été infligée, comme « il le craignait, par quelque coup subit, mais « bientôt il trouvera, avant que le jour finisse, « que sursis n'est pas acquittement : la Justice ne « reviendra pas dédaignée comme la Bonté.

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<< Mais qui enverrai-je pour juger les coupa «bles ? qui, sinon toi, Vice-Régent mon FILS? « A toi j'ai transféré tout jugemeut au ciel, sur la << terre et dans l'enfer. On verra facilement que « je me propose de donner la Miséricorde pour « collègue à la Justice en t'envoyant, toi, l'ami « de l'homme, son médiateur, à la fois désigné << rançon et Rédempteur volontaire, en t'en« voyant, toi destiné à devenir homme, pour juger l'homme tombé. »>

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Ainsi parla le PÈRE; il entr'ouvrit brillante

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