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de l'amour propre pour le

té devint leur guide: l'enfer fut bâti fur la haine, & le ciel fur l'orgueil.. Alors la voûte célefte ceffa d'être facrée; on conftruifit des Temples: des Autels de marbre furent élevés & arrofés de fang. Pour la prémiére fois les Prêtres fe nourrirent d'une chair vivante, & enfuite fouillérent de fang humain leur idole hideufe. Ils ébranlérent la terre par les foudres du ciel, & fe fervirent de Dieu comme d'une machine pour les lancer contre leurs enne

mis.

C'est ainsi que l'amour propre. borné dans un feul, fans égard à ce qui eft jufte ou injufte, fe fraye un chemin à la puiffance, à l'ambition, aux richeffes & à la volupté. Influence Ce même amour propre répandu dans tous, fournit lui-même des motifs pour le reftraindre, eft la fource du gouvernement & des loix. Car fi ce qu'un homme défire, fociété. les autres le défirent auffi; que fert la volonté d'un feul contre la volonté de plufieurs? Comment confervera-t-il une chofe, fi, ou lorfqu'il eft endormi, un plus foible la lui dérobe; ou lorsqu'il est éveillé,

bien de la

un

un plus fort la lui arrache? L'amour de la fûreté doit reftraindre celui de la liberté, & tous doivent s'unir pour la confervation de ce qu'un chacun défire d'acquérir. C'eft ainfi que pour leur propre fûreté, les Rois forcés à la vertu, cultivent la juftice & la bienveillance, que l'amour propre abandonne fes premiers mouvemens, & que le bien privé fe trouve dans le bien public.

C'eft ce qui fait qu'un efprit con- Rétabliffacré à l'étude ou qu'une ame gé- fement néreuse, un ami des dieux ou un de la vra ami de l'homme, un Poéte ou un ye Relibon citoyen, s'élève pour rétablir gion, & d'un jufte la foi & la morale que la nature a gouverpremiérement donnée; rallume fon nement ancien flambeau, non point un flam- fur leur beau nouveau: s'il ne peint point Premier principe. l'image de Dieu, il en trace l'ombre: il aprend aux Rois & aux Peuples à ufer de leurs juftes droits;

à n'en point lâcher ni retenir trop Gouver la bride délicate; à fi bien accor- nement der le grand avec le petit, que qui mixte. touche l'un ébranle l'autre ; & à fi bien unir leurs intérêts naturellement contraires, qu'il en résulte une harmonie d'états bien concertés. Telle

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Diverfes

formes de gou

verne

ment, &

eft la grande harmonie du monde qui naît de l'union, de l'ordre & du concert général de toutes chofes, où le grand & le petit, le fort & le foible font faits pour fervir & non pour fouffrir, pour fortifier & non pour envahir; où l'on eft d'autant plus puiffant qu'on eft plus néceffaire aux autres, & où l'on eft heureux à proportion que l'on fait des heureux; où tout tend à un seul point, où tout eft porté vers le même centre, bêtes, hommes ou anges, ferviteur, Seigneur où Roi.

Laiffez aux infenfés à difputer fur la forme du gouvernement. Le mieux adminiftré eft le meilleur. Laiffez les faux zélés difputer fur les difféleur but rentes maniéres de croire : tout ce véritable qui s'oppofe à l'unique, à la grande fin, doit être faux: & tout ce qui contribue au bonheur du genre humain, & à la correction des mœurs, vient de Dieu.

& com

mun.,

L'homme semblable à la vigne, a befoin de fupport; & la force qu'il acquiert vient de l'embraffement qu'il donne. Ainfi que les Planetes qui tournent en même tems fur leur propre axe & autour

du

du foleil, de même deux mouvemens compatibles agiffent dans l'ame, dont l'un regarde la perfonne même, & l'autre l'univers.

C'eft ainfi que Dieu & la nature ont lié la fabrique générale, & ont voulu que l'amour propre & l'amour focial confondus, ne fuffent qu'un.

Fin de la troifiéme Epitre.

C 3

ESSAT

(54)

ESSA I

SUR

L'HOMME.

EPITRE IV.

De la nature & de l'état de l'Homme par raport au bon

heur.

O

BONHEUR ! le but & la fin de nôtre être bien, plaisir, repos, contentement, quel que foit ton nom; ce je ne fçais quoi qui excite nos foupirs éternels, pour lequel nous fuportons la vie, & nous ne craignons pas de mourir : toûjours fi près de nous & toûjours au-delà de nous toûjours recherché plus loin qu'il n'eft; vû confufément par le fage, comme par le fou: Plante d'une femence céleste, fi tu ès tombée ici-bas, dis dans quel terroir mortel tu daignes croître ?

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