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controverfe ou d'illufion; il n'eft aucune carriere qui offre la perfpective d'une marche certaine & de fuccès non interrompus. C'est avec bien de la jufteffe que le poëte Romain difoit:

Nunquam quifquam ita bene subductâ ratione ad vitam

fuit,

Quin res, ætas, ufus, femper aliquid apportet novi; Aliquid admoneat: ut illa quæ te fcire credas, nefcias Et quæ tibi putaris prima in experiundo repudies.

TERENCE.

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Mais comme les mécomptes de la vie don nent fouvent les meilleures leçons de fageffe, ainfi ceux de la philofophie peuvent tourner. fréquemment au profit de la fcience. Dans les recherches expérimentales, qui ne font pas entreprises au hafard, mais dans des vues déterminées & raifonnables, nous préjugeons pour l'ordinaire les inductions que nous aurons à établir. Si les expériences les confirment, le but eft atteint & on s'en tient-là. Mais file contraire arrive, les réfultats inattendus réveillent l'attention, fuggerent des rapports nouyeaux, & nous conduifent peut-être à des découvertes plus importantes que celles dont nous étions d'abord occupés. Les belles recherches du Dr. Black fur la nature des terres calcaires & des alkalis dans leurs divers états d'effervefcence & de caufticité furent occasion

nées par un incident de cette efpece (1) & les annales des fciences naturelles fourniroient un nombre d'anecdotes femblables. Mais indépendamment des chances favorables pour obtenir des faits nouveaux, une vérité négative. peut être auffi utile à la fcience qu'une vérité pofitive; & le fuccès, ou le défappointement, peuvent devenir également profitables dans les recherches d'expériences ( 2 ).

Ce feroit fuivre une marche contraire aux regles de la philofophie, que de déduire les caracteres généraux d'une fubftance d'après quelqu'une de fes propriétés feulement, qu'on auroit obfervée. Le commençant doit fe garder de former ou d'admettre des analogies auffi légeres. Cependant elles font quelquefois fi fé. duifantes, qu'elles entraînent la conviction contre le témoignage même des fens, & contre les idées reçues. Le diamant étoit regardé du temps de Newton comme une pierre, c'està-dire comme une fubftance incombustible, & aucune de fes propriétés connues ne pouvoit faire foupçonner qu'il en fût autrement. Mais ce pénétrant phyficien n'hélita pas à le confidérer comme une huile folide, d'après la grande force refringente dont il eft doué relativement

aux

(1) Effays Phyfical and Litterary. (A) (2) Voyez les Eflays Medical and Experimental de l'auteur vol. I. pag. 106, 3me édit. (A)

aux rayons de lumiere; parce qu'il avoit reconnu que le pouvoir refringent dépendoit furtout, fi ce n'eft même totalement, de la proportion des ingrédiens fulfureux ou combuf tibles qui entroient dans la compofition d'une fubftance transparente. Des expériences faites de nos jours ont confirmé cette opinion, & elles ont prouvé que le diamant étoit un compofé de matiere inflammable prefque pure, puifqu'on peut le volatili fer dans des vales clos; le faire paffer en vapeur au travers des creufets de porcelaine les plus denfes, & même le brûler à l'air, avec flamme comme un coma buftible ordinaire (1).

(1) Les expériences de Mr. Tennant fur le diamant, dont nous avions annoncé le résultat l'année derniere, & dont on trouve le détail dans le cahier de décembre du Journal de Phyfique, ont donné des notions plus précifes fur la nature du diamant. Ce favant Chimiste a prouvé, par un procédé très-ingénieux, que le diamant n'étoit autre chofe que du charbon transparent & criftallife. Il a obtenu en faisant brûler deux grains & demi de charbon en vase clos, avec du nitre, un volume d'acide carbonique égal à celui de 10,1 onces d'eau. Et dans une autre expérience, le poids d'un grain & demi de diamant a donné un volume d'acide carbonique, repréfenté par celui de 6,18 onces d'eau; ce qui donne la même proportion, à très-peu près. En comparant ces réfultats avec ceux qu'avoit obtenus Mr. Lavoifier de l'analyfe du charbon ordinaire, Mr. Tennant trouve Sciences & Arts, Vol. 7. N°. 2. Février 1798. G

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La confirmation de la conjecture de Newton eft une preuve bien remarquable de l'avantage qu'on peut retirer foit d'une analogie étendue mais fagement raifonnée, foit de la fimple induction. Voici comment s'exprime à cet égard Newton lui-même. « Quoiqu'en raisonnant par » induction d'après les obfervations & les expériences, on n'obtienne pas une démonftration proprement dite relativement aux conféquences générales qu'on voudroit établir, » c'elt-là cependant le meilleur mode de rai> fonnement que puiffe comporter la nature > des chofes ; & plus l'induction eft générale,

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plus l'argument fe renforce. » C'est le célebre Lord Verulam qui le premier introduifit en phyfique cette logique perfectionnée. Il vit de très bonne heure, la futilité du fyftême d'argumentation fyllogiftique d'Ariftote, par lequel d'après l'énumération fuperficielle d'un petit nombre de propriétés, on prétend établir les propofitions générales (1).

Il est évident, que la force du raifonnement tiré de l'induction, repofe en entier fur les progrès qu'on a faits dans les diverfes branches des fciences naturelles. Cette méthode suppose

que deux grains & demi de cette fubftance fourniffent un volume d'acide carbonique, très-approchant de celui qu'occupent dix onces d'eau. (R)

(1) Bacon nov. organ. Lib. I. Aph. 19. (A)

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MICHIGAN

SUR LES RECH. DE PHYS. EXPÉR. 99 qu'on poffede une ample collection de faits bient conftatés & déjà claffés fous certains chefs. Le temps & l'obfervation tendent conftamment à diminuer le nombre, & par conséquent à étendre l'enceinte de ces claffifications, en faifant découvrir de nouveaux rapports entr'elles; & la liaifon de certains phénomenes qu'on avoit eue au premier coup-d'œil, abfolument indépendans les uns des autres. Mais il ne faut point oublier; qu'à mefure qu'on acquiert des connoiffances nouvelles, les doutes & les difficultés qui naiffent de l'ignorance fe multiplient dans la mème proportion; parce que de nouveaux objets de recherches fe préfentent, & que notre ambition s'accroît. C'eft cette perfectibilité fans limites qui, en offrant à la curiofité, des objets fans ceffe nouveaux, & en excitant l'émulation par la perfpective d'acquifitions de plus en plus précieufes, donne à l'amour de la fcience un afcendant marqué fur tous les autres motifs d'action, & en fait la paffion dominante de quelques hommes. Et il n'en eft pas de cette paffion comme de l'amour de la vertu, elle ne trouve pas dans fes développemens même, des bornes ou des préfervatifs contre l'excès; auffi a-t-on vu l'amour de la fcience produire chez de grands philofophes des mouvemens défordonnés & les actions les plus folles. L'un d'eux, comme on fait, fortit du bain, yvre d'enthoufiafine parce qu'il Ga

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