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& plus le froid qu'il produit eft considérable. » Car on conçoit bien, que felon l'état de l'air, dans différentes faifons, ou dans diverses nuits d'une même faifon, à raison de ce qu'il fera plus ou moins chargé de vapeurs, ou peut-être d'électricité, ou de quelqu'autre principe inconnu, la quantité de blanche gelée comparée avec le froid correfpondant, pourra fe trouver trèsdifférente.

Dans fon Mémoire, écrit en 1781, l'auteur difcit que l'année précédente il y avoit eu une production beaucoup plus abondante de blanche gelée, à des époques où la différence de température n'étoit pas bien remarquable. Il étoit alors difpofé à conclure de ce fait que le procédé refroidiffant n'avoit aucun rapport immédiat avec la féparation de la blanche gelée; mais les faits obfervés depuis, & cités dans le Mémoire que nous analyfons, l'ont engagé à modifier fon opinion, dans les limites que nous venons d'indiquer.

Il faut ici, ajoute-t-il, remarquer qu'il paroît quelquefois une efpèce de fauffe blanche gelée qui n'eft accompagnée d'aucun fymptôme de froid lorfqu'elle fe dépofe fur les corps: c'est le givre, qui s'attache aux arbres & aux bâtimens lorfqu'il gêle & qu'il fait du brouillard. Dans ce cas il eft évident que la blanche geléc étoit préalablement formée dans l'air, & qu'elle y flettoit; elle n'avoit donc pas été formée dans A P

l'acte même de fon dépôt fur le corps folide auquel elle s'eft attachée.

La fection troifieme & derniere de ce Mémoire offre une exception unique aux phénomenes précédemment décrits ; c'est-à-dire, une circonftance dans laquelle l'état des choses parut complètement changé, & où le même phénomene de l'excès de froid à la furface de la neige parut évidemment provenir de l'évaporation. C'étoit le 28 janvier vers neuf heures du foir; l'excès de froid étoit alors de quatre, cinq & quelquefois fix degrés. Les circonftances atmofphériques étoient à la vérité très-particulieres ; l'air étoit à la température de + 27, (-2,2 R) le ciel très-clair, & un vent affez fort fouffloit directement du Nord. Le ciel étoit éclairé en même temps par une aurore Boréale très-brillante qui rayonnoit du Nord vers l'Eft, & dépaffant le zénith defcendoit vers le Midi, où les irradiations paroiffoient converger, & offrir l'image imparfaite d'une couronne.

« Pendant ce jeu des élémens, dit l'auteur, on ne trouvoit plus aucune trace de cette blanche gelée que j'avois fi fouvent remarquée dans un temps plus calme & des températures plus froides. J'avois expofé au dehors, de bonne heure dans l'après-midi, un certain nombre de fubftances différentes, propres à m'indiquer T'état de l'air lorfque la nuit arriveroit, mais, ́ni fur ces fubftances, ni fur les piquets de bois

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de l'enclos qui environnent l'observatoire, ni fur les bornes vers la porte, ni fur la haie, je ne pus appercevoir la moindre particule de blanche gelée; ce vent fec & dévorant l'avoit entièrement abforbée. >

» Le baffin de fable & celui de neige expofés, comme précédemment, donnerent cette fois un résultat très-différent. Le thermometre fur le fable ne defcendit jamais d'une fraction de degré au-deffous de la température de l'air, tandis que d'autre part le vent refroidiffoit de plufieurs degrés la furface de la neige. L'effet de l'évaporation étoit fi évident ici qu'il auroit été abfurde d'effayer fi le fable "avoit perdu de fon poids dans l'expérience; & cet effai même auroit été difficile, car le fable étoit fi difpofé à fe laiffer enlever par le vent, que je fus obligé de l'étendre en couches épaiffes fur le baflin & de l'abriter un peu au moyen de la haie. Mais defirant beaucoup établir quelle étoit l'évaporation que fupportoit alors la neige, j'expofai à l'air, pendant deux heures, le baffin couvert de neige comprimée & garantie de l'action immédiate de vent par un morceau de gaze claire; la neige perdit d'once de fon poids. J'examinois foigneufement de temps en temps fi elle ne s'échappoit point au travers de la gaze, mais je n'en pus jamais découvrir un atôme, en plaçant ma lanterne de la manicre la plus favorable pour l'observation; &

je fuis perfuadé que cette perte de poids doit être attribuée en entier à l'évaporation. »

» Depuis cette époque j'ai trouvé quelquefois dans le cours de mes obfervations, (faites pour l'ordinaire depuis neuf heures du matin jusqu'à midi) un excès femblable de froid fur la neige qui couvroit le fol; excès qui provenoit de l'évaporation; & cela lors ménie que l'air étoit beaucoup plus calme. Mais dans toutes ces occafions, il étoit évident que l'air fe réchauffoit rapidement à mefure que le Soleil approchoit du méridien. Et à cet égard, ne pourroit-on pas fuppofer que l'air acquéroit nón - feulement le pouvoir de tenir en diffolution ce qui pendant la nuit auroit été déposé fous la forme de gelée blanche, mais de produire à la furface de la neige une évaporation telle, qu'il en réfultoit un froid notable. Quelle que foit la fuppofition à cet égard, les faits, tels que je les ai établis, n'en font pas moins certains. »

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Lorfque l'air n'eft pas très difpofé à la gelée, je fuis porté à croire, d'après les obfervations citées, que le froid fe produit fouvent par l'évaporation pendant le jour; & que ce peut être là une des caufes de cette blanche gelée abondante qui a lieu de nuit lorfque l'opération du refroiffement eft continuée par l'autre procédé dont il a été queftion dans cet effai.

» Voici le caractere diftinctif que j'ai toujours obfervé entre les deux procédés, indépendamment des autres différences que j'ai déja indiquées. Un thermometre expofé à l'air libre, avec fa boule environnée d'une petite maffe de neige, defcend fenfiblement au-deffous de la température de l'air qui le frappe, quand l'évaporation a lieu. Mais dans le moment où l'autre procédé s'exécute de la maniere la plus active je n'ai jamais observé qu'un pareil thermometre fufpendu à l'air fût fenfiblement plus bas qu'un autre dont la boule étoit parfaitement dégagée de neige. En un mot, l'ensemble des circonf tances de l'un de ces procédés eft fi différent de tout ce qu'on obferve dans l'autre, qu'on ne peut douter qu'ils ne repofent l'un & l'autre fur des principes de nature très-différente. »

> Dans une recherche auffi difficile, nous avons procédé, jufqu'à préfent, par la voie de l'analyfe, & nous avons foigneufement évité d'introduire dans nos résultats aucune fuppcfition ou conjecture. Mais arrivés comme nous le fommes maintenant, à un fait qui paroît être général & d'une affez grande importance, en même temps qu'il eft extraordinaire, nous ne pouvons éviter de recourir plus ou moins à des fuppofitions, pour nous conduire dans des expériences fubféquentes, & pour accorder finalement ces phénomenes avec ce que nous connoiffons de la nature & des propriétés de la chaleur.> A 4

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